Encore une fois, l’islam se confesse. En s’allongeant sur le divan rouge écarlate de la psychanalyse, à quoi pense-t-il ? Aucune de ses associations dites « libres » ne semble spontanée pour l’oreille de Fethi Benslama. S’il n’est sans doute pas le seul à avoir pris la température du sujet de l’islam, l’auteur d’« Un furieux désir de sacrifice » livre un diagnostic sans détour : l’islamisme vomit ses déchets sur le mode de la surenchère identitaire. Le « surmusulman » en est le produit alarmant.
« West of life » de Zied Ben Romdhane : du photoreportage tel qu’il nous regarde
S’exerçant depuis une dizaine d’années à l’auscultation du réel tel qu’il va, le photographe-reporter tunisien Zied Ben Romdhane arpente dans « West of life » (2016) la région de Gafsa à la fois comme une terre connue et comme un territoire étranger. Des gisements de Redeyef aux mines de Métlaoui et aux collines d’Oum El Araies, c’est le visage fatigué mais résistant d’une terre qui ne l’est pas moins qui donne chair au dernier projet de Ben Romdhane.
Éclipses, de Fadhel Jaziri : un cinéma sans mode d’emploi
Sept ans après son premier long-métrage, Fadhel Jaziri réalise en 2016 « Éclipses ». Il s’agit, pour le cinéaste de « Thalathoun », d’une fiction de plus – mais sans plus, sinon la mollesse en plus. Retour à la « besogne » ordinaire, le fameux « chghol » cher à Jaziri ? Oui, mais rhabillé cette fois-ci au vestiaire glauque de la post-révolution. Qu’on en juge.
Protectorat 1881, un film à double hélice
L’histoire se répète, dit-on. Cela risquerait pourtant de devenir lassant. Avec son long-métrage « Protectorat 1881 », il s’agit pour Tarek Ibrahim d’exorciser, sous la forme d’un docufiction à bases d’archives, l’histoire de la mainmise coloniale sur la Tunisie et les premiers balbutiements de la résistance populaire. « Protectorat 1881 » a-t-il pourtant davantage à offrir qu’une histoire à rebrousse-poil ?
Bourguiba, la statue et l’érotique du système
Sous le signe de la reconnaissance, le retour de Bourguiba se prépare à coups de liftings médiatiques. Et s’il s’agissait, contrairement à ce que l’on pouvait croire, de mettre le corps politique du leader au service d’un fantasme pervers, d’une érotique du système ? Pour mettre un langage paresseux à la hauteur de sa statue équestre, ce n’est peut-être pas Don Quichotte qui nous manque.
L’autre addiction de Khmaies Khayati
On le sait, pour être un bon addict, il n’est pas recommandé de tout avaler. Mais, on sait moins qu’il faut du style pour ne pas simuler la jouissance en succombant au charme des métaphores. Si La Culture, une succulente addiction de Khmaies Khayati est à consommer sans ordonnance, saura-t-il au moins faire planer « sec » les opiomanes éclairés de demain ?
La Dame de Pique de Ben Brik
Il appartient à la littérature de désobéir aux règles. Taoufik Ben Brik a déjà pratiqué cette désobéissance, dans Kawasaki et Kalb ben Kalb, comme un acte de résistance. Le geste de New York banlieue de Tunis reste iconoclaste. Il affranchit le récit des contraintes de la narration classique, en zappant entre le réel et la fiction, l’autobiographie et le roman.
L’Abécédaire « soft » de la révolution. Notes sur l’ouvrage de Hédia Baraket et Olfa Belhassine
Que peuvent bien avoir en commun des expressions comme « Complot », « Houmani », « Sit-in», « Dérapage sécuritaire » ? Existe-t-il un point commun entre une rengaine qu’on aime se chanter, un slogan qui sentirait le souffre et un mot d’ordre qui circule plus vite que la rumeur ? Quel rapport peut-il y avoir entre des expressions telles que « Résidu de la francophonie » et « Feuille blanche », ou des signifiants aussi intrigants que « Prestige et autorité de l’État », « Âne national », et « Sniper » ?
« Bandaison noire » d’Aymen Daboussi : La joyeuse éthique du X
Commis par un psychologue de Razi auquel l’auteur prête son nom, Bandaison noire mérite d’être lu moins comme la biographie d’une révolution confisquée, que comme sa théologie négative – celle qu’aura réinventée, dans les backrooms de la révolution, un saint rieur, nourri jusqu’à la moelle de musique rock, de poésie jâhilite et de films gonzo. Ce n’est pas un roman, mais sa démolition réglée. Ce n’est pas de la littérature, mais sa conversion absolue. Ce n’est pas de l’art, mais sa relève irréversible.