Sousse, le 29 septembre 2016. Il a suffi de plusieurs heures de pluies soutenues pour engloutir la « Perle du Sahel ». Des flots d’eaux pluviales, mélangées aux eaux usées et à la boue ont envahi hier les artères et les quartiers de la ville. Les inondations ont paralysé les articulations de l’agglomération touristique : le rond-point de l’Iset à la citée Ettaoufik, le carrefour Hannibal au niveau de la route d’Akouda et la route menant à Kalâa Seghira. La route nationale N12 vers Kairouan et celle reliant Sfax et à Tunis ont été coupées. Les intempéries ont également touché ces deux agglomérations et plusieurs autres villes, amenant l’armée à décréter un état d’alerte dans les zones concernées. La commission régionale de lutte contre les catastrophes naturelles s’est réuni en urgence, et en session permanente, au siège du gouvernorat. La délégation régionale de l’éducation a suspendu les cours dans tous les établissements scolaires.
L’ONAS, au centre de toutes les critiques
Au 20h de Watania 1, les inondations de Sousse sont rapportées avec des témoignages de citoyens accablés et des déclarations d’officiels de l’armée et du corps de la protection civile. Mais c’est surtout au PDG de l’Office national de l’assainissement qu’on a demandé de commenter. Embarrassé, Habib Omrane a déclaré : « A l’approche de la saison pluviale, nous nous préparons en procédant au curage des oueds et des canaux. Mais maintenant, il faut penser à la conception de nouveaux réseaux qui soient capables de contenir les eaux pluviales. Depuis 2013, et avec les changements climatiques, les quantités sont devenues énormes et il faut des canalisations assez grandes et vastes pour les évacuer » a-t-il, expliqué, rappelant que l’ONAS n’était responsable que des eaux usées et que le traitement des eaux pluviales incombait à plusieurs acteurs, notamment le ministère de l’Equipement, premier responsable de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.
La veille des inondations de Sousse, l’ONAS a été fortement critiqué au Parlement, lors des discussions au sein de la commission de l’industrie, de l’énergie, des ressources naturelles, de l’infrastructure et de l’environnement. L’ordre du jour comprenait l’audition du ministre de l’Environnement et des collectivités locales à propos de la ratification de l’Accord de Paris sur le climat pour l’exécution de La Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).
Mais, à Riadh Mouakher, leur ancien collègue (Afek), fraîchement nommé à l’Environnement, les députés ont plutôt émis des doléances sur les « dossiers environnementaux brûlants » de leurs régions : « le phosphogypse du groupe chimique, le retard de la mise en place des décharges, les pluies acides à Sfax, les poussières des carrières de gypse et l’enfouissement des déchets dans le désert à Tataouine, les eaux usées sur les plages de Raoued ou encore l’absence de l’ONAS à Fernana et son incapacité de faire face aux inondations ».
Les remarques des députés sur l’Accord signé, le 22 avril 2016, par Khemaies Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères, au siège de l’ONU, ont été majoritairement favorables. Si les uns ont salué l’engagement international de la Tunisie, d’autres ont insisté sur la mise en place d’une stratégie environnementale nationale.
Presqu’aucune critique du projet de loi sur la ratification n’a été émise. Le lien causal entre le réchauffement climatique et les inondations du mois de septembre n’a pas émergé des discussions. Quant à l’acharnement contre l’ONAS, il s’est un peu dissipé quand Riadh Mouakher révéla que « l’eau pluviale n’était gérée par aucune institution de l’Etat », et que « la situation allait prévaloir jusqu’à nouvel ordre ».
Le petit pays qui paye pour les gros pollueurs
Dans le cadre de son adhésion à l’Accord de Paris, l’Etat a soumis à la COP21, le document d’un plan national (INDC) qui engage la Tunisie à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 41% d’ici 2030 par rapport à l’année 2010. La contribution financière pour atteindre cet objectif s’élève à 20 milliards de dollars. Cette contribution est divisée en deux parties. 2 milliards de dollars seulement seront dépensés pour adapter le pays et sa population aux crises climatiques, en l’occurrence les inondations. 18 milliards de dollars seront consacrés aux efforts d’atténuation des effets du réchauffement climatique, causé principalement par les pays industrialisés. N’étant capable d’assurer que 10% de cette somme, l’Etat tunisien, dont le taux d’endettement dépasse 62%, entend s’endetter.
Pour Sabria Barka, éco-toxicologiste à l’Université de Monastir et S.G. de l’association Eco-Conscience, la répartition entre les deux sommes est déséquilibrée. La militante estime que l’Etat devrait plutôt focaliser sur les efforts de l’adaptation et que l’atténuation incombe premièrement aux grands pollueurs de l’air. « La Tunisie, souligne-t-elle, n’a contribué qu’à hauteur de 0,07% dans les émissions mondiales en 2010 alors qu’elle est déjà en train de subir le réchauffement climatique et qu’elle va continuer à le subir de plein fouet dans les années à venir ; avec les graves conséquences environnementales, sanitaires et socio-économiques attendues ».
Samia Mouelhi, chercheuse à l’Université Tunis-El Manar et spécialiste en bio-écologie, s’intéresse également aux répercussions du réchauffement climatique sur la Tunisie. Pour elle, les inondations étaient prévisibles après les vagues de chaleur et de sécheresse.
Dans un rapport conjoint, Sabria Barka et Samia Mouelhi, dévoilent les aberrations et les contradictions de la politique gouvernementale pour obéir aux dispositions de l’Accord de Paris. « Alors que le ministère de l’Environnement s’engage à une atténuation de 46% d’ici 2030 dans le secteur de l’énergie, l’état met tout en place pour développer l’industrie du gaz de schiste voire celle du charbon ; deux ressources fossiles extrêmement émettrices de gaz à effet de serre », relèvent les deux chercheuses.
Si les députés de la commission étaient visiblement mal ou peu renseignés sur les enjeux de la COP21 qu’ils ont validé, reste à la séance plénière de ratifier ou non une convention qui risque d’aggraver l’endettement et surtout d’exposer les villes tunisiennes à de nouvelles inondations.
L’ONAS ? c’est quoi ça , une cachette pour les …
Ou bien l’état prend la question des eaux usées en main, et le ministère de l’équipement se montre davantage responsable dans ses missions, ou bien laisse tomber. Ce qui arrive aujourd’hui, n’est qu’une conséquence d’un déluge de trahisons tout au long de 40 dernières années. Il ne faut pas se voiler la face, la Tunisie = la corruption. Et la corruption signifie toutes les catastrophes, sociales, économiques, urbaines, … La nature ne pardonne pas et c’est à nous (aux responsables) d’être avertis.