Sousse, samedi 9 janvier, les chefs et les représentants des partis de la coalition du pouvoir, de quelques grandes ONG, et même de quelques partis d’opposition, se bousculent à la tribune de Nidaa Tounes, « clan Hafedh Caïd Essebsi », pour entériner et apporter leur soutien au parti sous sa forme nouvelle. Ce dernier alignait parmi les intervenants un président de la République en exercice, une fois de plus au mépris de l’article 76 de a Constitution. La scène a quelque chose de 2009, un passé proche où certains partis théoriquement d’opposition se bousculaient pour normaliser la candidature de Ben Ali.
La scène éclaire a posteriori un remaniement ministériel manifestement pensé et conçu à Carthage, et non à la Kasbah. Car à y regarder de plus près, l’esprit de la nouvelle équipe conforte un paradoxe initié depuis le premier gouvernement Essid : en théorie, le régime mixte à tendance parlementaire voulu par la nouvelle Constitution prévoit que le choix de l’équipe ministérielle relève en premier lieu des prérogatives du chef du gouvernement, homme fort du pays. En pratique, nous sommes virtuellement retournés sous régime présidentiel… Sans compter la situation de transition non totalement accomplie, qui oblige à prendre en considération d’arbitraires quotas répartis sur quatre partis, en sus des indépendants.
Mais il s’agit cependant de quotas superficiels, apparaissant comme fondés non pas sur des bases de projet commun mais de simple partage du gâteau du pouvoir.
Ennahdha n’est pas le perdant qu’on croit
Premier bénéficiaire de la suppression des 14 secrétariats d’Etat au nom de l’austérité, Nejmeddine Hamrouni, stratège francophone d’Ennahdha, promu ministre conseiller spécial du chef du gouvernement chargé de la veille et de la prospective. Contrairement à ce que certains ont avancé dans un premier temps, il s’agit moins d’un ministère sur-mesure que de la réactivation de cette cellule au nom composé de termes savants chers à cet adepte du concept, déjà présente sous les gouvernements Jebali, Laarayedh et Jomâa.
En marge du Forum Social Mondial de 2013 (49ème minute), l’homme était venu dire aux jeunes :
je viens de terminer une alternance politique… juste pour vous rassurer qu’on peut quitter le pouvoir.
Sa prouesse aura finalement été de ne jamais l’avoir vraiment quitté.
A la Justice, portefeuille resté vacant depuis presque 3 mois, les spéculations vont bon train autour du nouveau ministre de la Justice, Omar Mansour, jusqu’ici gouverneur de l’Ariana, et ancien doyen des juges d’instruction. « Proposé par Ennahdha » ? Son ministère est quoi qu’il en soit demeuré la chasse gardée d’Ennahdha qui lui accorde une importance accrue, davantage que l’Intérieur, dit-on à Montplaisir.
Même chose pour le jeune énarque Hédi Majdoub à l’Intérieur, méconnu du grand public, chef de cabinet du ministre de l’Intérieur dès 2011. Sa nomination répond à la volonté d’Habib Essid de se rapprocher davantage d’un ministère qu’il connait bien, puisqu’il y a lui-même occupé cette fonction de chef du cabinet, avant la révolution.
Comme pressenti, Najem Gharsalli n’a pas survécu aux trois attentats majeurs survenus sous son mandat, même s’il ne fut pas congédié manu militari.
Dans les deux cas de ces ministères régaliens, retenons que nous avons surtout affaire à des proches d’Habib Essid, qui contrebalance la faible représentativité d’Ennahdha. Plus que jamais, Habib Essid apparait comme l’homme de la jonction Ennahdha – Nidaa.
Idem pour Youssef Chahed, qui hérite, à 40 ans seulement, du ministère des collectivités locales détaché de l’Intérieur. Beau-frère de Béji Caïd Essebsi, mais précédemment secrétaire d’Etat au ministère de l’Agriculture, un poste qu’a aussi occupé Habib Essid avant la révolution. Pour plusieurs acteurs de la scène politique, y compris au sein de la coalition, c’est là le signe d’une anticipation sur l’enjeu des prochaines élections municipales qu’il s’agit de maîtriser.
Le plus nahdhaoui des indépendants est sans doute Mongi Marzouk, nommé au ministère de l’Energie et des mines, souvent présenté comme « ancien militant Ennahdha », après avoir été ministre des TIC sous gouvernement Jebali.
Avec 11 ministres considérés comme proches des Essebsi père et fils, Nidaa Tounes consolide donc sa mainmise. Avec officiellement 2 ministres seulement (Zied Ladhari à l’Emploi, en plus de Hamrouni), on peut considérer qu’Ennahdha dispose en réalité d’une dizaine d’hommes de confiance proches d’Essid, avec Hamrouni au cœur de la machine, sorte d’éminence grise qui veille au grain.
Autre parti qui renforce sa présence, officiellement en deuxième position en termes de représentativité, l’UPL qui passe de 3 à 4 ministres, malgré son image de jeune parti-entreprise, vitrine politique du milliardaire Slim Riahi. Nommé à la tête du ministère du Commerce, le plus controversé des ministres UPL est sans doute Mohsen Hassen, qui n’avait pas pu s’installer au ministère du Tourisme sous premier gouvernement Essid, face à la levée de boucliers générale de nombreux professionnels qui n’ont toujours pas oublié ses démêlés avec le secteur. Un forcing qui pourrait coûter cher à Habib Essid, au moment où on parle de possible « remaniement du remaniement »…
Viennent ensuite les néolibéraux d’Afek Tounes, avec trois ministres. S’il conserve son ministère du Développement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim se voit dans l’obligation de renoncer au très polémique contrat avec la banque d’affaires Lazard, qui devait être mandatée notamment pour concevoir un plan de développement quinquennal. L’ambitieux quadra est politiquement affaibli par ce revers.
Récompensés pour leur style volontariste à base de fréquentes visites inopinées médiatisées, Néji Jalloul et Saïd Aïdi sont maintenus respectivement à l’Education et à la Santé, ce qui prouve si besoin était qu’en politique, nous sommes en pleine ère de la communication.
Consensus, fusion, ou bipartisme ?
Au chapitre des départs remarqués, Habib Essid est soupçonné, sous pression d’Ennahdha, d’avoir chassé de sa nouvelle équipe tout ce qui pouvait avoir un lien en général avec la gauche.
Ainsi, le nouveau ministre des Affaires sociales, Mahmoud Ben Romdhane, remplace l’ex syndicaliste Ammar Yanbaï, considéré trop proche de l’UGTT. Controversé, Ben Romdhane est en effet l’auteur d’une déclaration qui avait fait couler beaucoup d’encre sur « le voile islamique qui diminuerait de 30% les capacités d’audition » de celles qui le portent, alors qu’il était ministre des Transports. Sa nomination inquiète par ailleurs les blessés de la révolution, qui ne savent pas encore ce qui va advenir de leur dossier, avec la disparition du secrétariat d’Etat de Majdouline Cherni.
Exit également Taieb Baccouche, représentant de « l’aile gauche de Nidaa », considéré par ses pairs comme calamiteux aux Affaires étrangères, au profit de l’homme du sérail Khemais Jhinaoui. Mais ce dernier suscite aussitôt une vague d’indignation pour avoir occupé un poste de diplomate à Tel Aviv sous Ben Ali en 1996.
Exit Touhami Abdouli, nationaliste devenu farouchement anti islamiste, honni par Ennahdha.
Exit enfin Latifa Lakhdhar à la Culture. Là aussi elle est remplacée par une figure polémique : Sonia Mbarek faisait en effet partie de la « liste des 65 » premiers noms à avoir plébiscité l’ex dictateur Ben Ali pour se présenter à un nouveau mandat présidentiel de 2014 à 2019… Avec un Ben Ali auréolé d’un cinquième mandat présidentiel, elle aurait probablement occupé ce même poste, consacrant une pratique de l’artiste au service du pouvoir. Une femme en remplacement d’une femme, voilà qui n’arrange pas en outre une très faible représentativité des femmes de moins de 10%.
L’UGTT a pour sa part d’ores et déjà fait savoir son mécontentement via un communiqué qui dénonce un remaniement vertical, « effectué au mépris des traditions de consultations et de consensus » instaurées depuis le dialogue national. Il semble déjà loin, le temps du dialogue auréolé du Nobel de la Paix. Dans le secteur privé, à moins d’un accord de dernière minute, des grèves massives sont imminentes.
Au poste de ministre porte-parole du gouvernement, c’est le déjà contesté Khaled Chouket qui hérite de ce dernier poste, lui qui avait fait la tournée type « mercato » de quatre partis politiques, dont le parti populiste al Aridha, avant d’atterrir à Nidaa Tounes. Archétype de la synthèse Nidaa – Ennahdha, l’homme est aussi emblématique d’une nouvelle classe politique qui conjugue l’opportunisme au pluriel.
Avec 17 démissions officialisées du bloc Nidaa Tounes, Ennahdha et Nidaa affichent désormais une égalité parfaite de 69 députés chacun qui devraient faire du vote de confiance au parlement lundi une simple formalité. Une facilité apparente qui cache mal une instabilité gouvernementale (6 ministres de l’Intérieur depuis 2011), un chaudron social non apaisé, et un consensualisme des deux plus grandes formations politiques allant dans le sens d’une régression démocratique, avec une fusion anti pluraliste qui ne dit pas son nom.
Nous avons des incompétents et des médiocres dans tout le gouvernement. Les jeunes ont fait la révolution et ils ont élu un vieillard papy de 90 ans qui pense encore comme dans les années 60 comme Bourguiba et qui fait son cirque sur les chaines tunisiennes comme d’habitude. Si vous pensez que les électeurs sont assez intelligents pour réfléchir et s’interroger sur les incompétents qu’ils ont élus, vous vous trompez ! Tous n’est qu’affaire d’argent et de médias au singeland