Interview de la journaliste radio Boutheine Gouia, interdite d’antenne jeudi prochaine.

Nawaat : Pouvez-vous vous presenter ?

Boutheina Gouia : Je suis sortie de l’IPSI en 1991, donc j’ai déjà plus de 20 ans de carrière à mon actif. J’ai débuté en presse écrite puis j’ai intégré Radio Monastir. J’ai été licencié de Radio Monastir et j’ai intégré Radio Sfax mais c’était une mutation abusive. Je me suis finalement retrouvée à la Radio Nationale. Pendant plus de 4 ans j’ai travaillé la nuit, à partir de minuit, sur des émissions de programmation de musique et de poésie.
Avec la révolution nous avons cru que la radio était libre. A l’antenne on disait aux auditeurs : « La radio nationale votre voix libre ».

J’ai participé à des formations en presse d’investigation parce que j’aime bien ce genre de presse. Et depuis je travaillais sur une émission « Entre vérité et rumeur », « Bain al icha3ati wal khabar ». Les gens me faisaient confiance et ont commencé à me donner des dossiers compromettants sur des affaires de corruption. Aucun sujet n’est tabou et j’évoque tout, rien ne m’effraie. Ma seule peur c’est de ne pas réussir à avoir toutes les parties prenantes à un conflit.

Nawaat : Quel est le principe de votre émission ?

Boutheina Gouia : Mon émission a débuté il y a plus de 7 mois. A chaque fois qu’il y a un buzz sur Facebook et les réseaux sociaux on essaie d’intervenir et de contacter les gens concernés pour savoir si c’est vrai ou si c’est juste des rumeurs. C’est un émission politique et qui a posé problème au gouvernement, à la présidence et beaucoup d’autres personnes.

Nawaat : Avez-vous eu des barrières imposées ?

Boutheina Gouia : Depuis la révolution la peur de la direction de la radio c’était de travailler avec des journalistes qui ont des relations avec le régime de Ben Ali. Les citoyens ne voulaient plus entendre les gens qui avaient travailler avec l’ancien système. Les différentes équipes de direction qui se sont succédées à la tête de la radio ont essayé à plusieurs reprises de nous récupérer. Mais nous leur avons tenu tête. Et nous avons décidé de mettre en place un conseil de rédaction et ce conseil a élu un comité de rédaction. Je fais d’ailleurs partie de ce comité de rédaction. Mais le PDG actuel, mis en place par Ennahdha, dont j’ai publié sur mon profil Facebook la carte d’adhérent au RCD, a sorti un communiqué pour expliquer que nous, les journalistes, nous appartenions au régime déchu et que nous travaillions avec un agenda politique. Je lui ai donc expliqué que s’il avait la moindre preuve de notre appartenance politique il était libre de l’exposer.

Nawaat : Donc vos problèmes n’étaient pas d’ordre professionnel mais d’ordre politique ?

Boutheina Gouia : Oui ce sont des problèmes politiques. Il suffit de chercher à savoir qui a mis Mohamed Meddeb, le directeur de la radio, à ce poste. Cela doit découler d’appartenance politique avec la volonté de garantir les intérêts de ce gouvernement. Et de ce fait je pense que l’émission que je présente doit sans doute le déranger.

Nawaat : Sur quoi portait votre émission aujourd’hui ?

Boutheina Gouia : Aujourd’hui je me suis intéressée à la nomination à la tête de Dar Assabah et de la télévision nationale. Nous avons parlé de Dar Assabah, à la tête de laquelle a été placé le commissaire de police Lotfi Touati et de la télévision nationale au niveau de laquelle on a placé une femme qui a été pour le régime de Ben Ali et qui a changé de bord pour passer avec le régime de Ennahdha.

Nawaat : Vous parlez de Imen Bahroun ?

Boutheina Gouia : Oui et je parle de nominations à venir. Car il y a des rumeurs disant que différentes personnes vont bientôt être nommées à différents postes dans les deux chaines de télévisions nationales et qui faisaient parti de la section RCD de la télévision et la radio nationale. Aujourd’hui au niveau de l’émission nous avons essayé de comprendre si le gouvernement est pour ou contre les gens qui ont travaillé avec le régime de Ben Ali. Aujourd’hui nous avons montré que pour les dernières nominations, dans tous les domaines, le gouvernement a essayé de mettre en place les cercles faibles de l’ancien régime. Et cette thématique dérange.

Nawaat : Aujourd’hui est-ce que vous êtes passé à l’antenne ou est-ce qu’on vous a interdit l’accés au studio ?

Boutheina Gouia : Non j’ai pu travailler normalement, mais après la diffusion le directeur de la programmation est venu me voir, après que le directeur général lui ai demandé de venir m’interroger sur mon émission. Il a finit par me dire que jeudi prochaine je ne pourrai pas travailler. Bien évidemment il n’y a rien eu d’écrit, tout était verbal et il n’y avait rien d’officiel. Sauf qu’à la fin de l’émission j’ai donné rendez-vous aux auditeurs jeudi prochain pour mon programme de journalisme d’investigation où nous parlerons de la liste noire des journalistes que Lotfi Zitoun veut sortir. Vous savez que Lotfi Zitoun est contre la liste noire des policiers car il dit qu’il faut prendre en compte le fait que ces policiers ont des familles. Alors nous cherchons a savoir si Lotfi Zitoun est contre les listes noires en général ou juste conyre les listes pour protéger les policiers. Je me demande d’ailleurs qui est compétent pour établir ce type de liste et quelle est la compétence de Lotfi Zitoun pour qu’il établisse ce genre de liste ? J’ai deja annoncé que l’émission aurait lieu jeudi prochain de 10h à midi.

Nawaat : Que vous a dit le directeur général exactement aujourd’hui ?

Boutheina Gouia : Le directeur général ne m’a pas contacté. Il a chargé le directeur de programmation de me passer l’information. Ce dernier m’a dit qu’apparemment j’ai posé problème et que jeudi prochain je ne pourrai pas faire mon émission. Moi je vais informer mes invités de jeudi et je vais amener un notaire avec moi pour consigner les evenements au cas où l’on m’empêche de faire mon travail.

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Propos traduits par Emine M’tiraoui