A partir des constats évoqués ci-dessus, il est impératif de :
- A Bou Hedma, permettre à l’eau de la rigole d’irriguer les arbres et arbustes qui se trouvent le long de son parcours (palmiers, joncs…), en provoquant des ouvertures latérales des joints en ciment.
On pourrait également permettre à l’eau de déborder la rigole pour arroser la végétation aux alentours et garantir ainsi la poussée des herbacées annuelles. Nous avons d’ailleurs constaté la présence de quelques espèces de papillons uniquement dans les espaces où se trouvaient des annuelles en fleurs et qui ont poussé suite au débordement de la rigole. L’absence de fleurs pendant la phase d’émergence des papillons condamnerait ces derniers à une mort certaine.
Remarquons par l’occasion que ce genre d’action n’empêcherait pas l’eau d’atteindre les bassins situés en dehors du parc et d’assurer l’abreuvage du bétail. Cette raison a été invoquée pour justifier la non-intervention sur le système d’écoulement de l’eau vers l’extérieur du parc.
- Pour ce qui est des mares créées le long de la conduite, il serait judicieux de réaménager celles nouvellement créées, sur le modèle de l’ancienne et assurer dans cette dernière un courant d’eau continu, car elle semble avoir été condamnée après l’édification des nouvelles mares !
- De même, pour la première zone, l’entretien continu du captage de Aïn Ltaief et l’arrosage des arbres autour permet de garder ces arbres en vie et d’assurer une verdure qui égaie le paysage dans ce site.
- Pour ce qui est de la zone de Haddej, la création d’un point d’eau est une nécessité, et de nouveaux aménagements spécifiques à cette zone devraient être mis en place, après étude minutieuse de ses spécificités (amélioration pastorale, amélioration de la couverture du gommier, par des reboisements dans les zones où il y a une faible densité d’arbres.
Actions à envisager
La gestion des aires protégées est un travail quotidien nécessitant beaucoup d’observations, afin de détecter les actions indispensables, envisageables sur le court comme sur le moyen et long termes.
Le nombre de pistes dans la première zone de Bou Hedma a tendance à s’accroître, avec les conséquences prévisibles de leur extension (ravinement des pistes le long des pentes, destruction de la végétation naturelle sur toute leur longueur). Comme il n’existe pas de normes en la matière, il est important de fixer les pistes dans cette zone et de les entretenir au lieu de créer de nouvelles chaque fois que le ravinement emporte une partie d’elles. La circulation du tracteur dans le parc devrait être limitée aux pistes à substrat stable, car le tracteur érode le fond des pistes facilitant ainsi leur ravinement par les eaux pluviales.
Des travaux de conservation des eaux et du sol sont indispensables, surtout dans la partie sud du parc, là où l’action de l’eau a creusé des anciennes pistes les transformant en ravins assez profonds dans certaines zones. Recourir à des techniques douces et peu coûteuses devrait être envisagé pour arrêter l’érosion de ces terrains fragiles.
Comme réalisé dans le parc de Dghoumes (Tozeur), la création de retenues d’eau dans quelques petits bassins versants localisés au nord du parc (à la base de djebel Bou Hedma) est envisageable, en vue de réduire la vitesse des eaux des crues et l’intensité de l’érosion. La création de petites retenues ne pourrait être que bénéfique pour le parc. La même action pourrait être étendue à la seconde zone, après son rétablissement.
Le rétablissement de la seconde zone et des corridors qui la relient aux première et troisième zones du parc est une urgence, surtout que les tensions avec les riverains du parc ont tendance à se calmer et que les populations riveraines appellent à son rétablissement. Cependant, la mise en place des corridors reliant les trois zones devrait être négociée avec les populations locales, du moins celles qui ont besoin d’accéder au djebel pour faire paître leur bétail.
Il a été constaté une importante mortalité de gommier dans la première zone du parc. Cette mortalité serait probablement liée à un manque d’eau et à l’étendue de la sécheresse. D’autres espèces enregistrent une mortalité, de moindre étendue. Il s’agit en particulier du retam et du périploque. Or les arbres et arbustes morts sont détruits, surtout le retam et le gommier, parfois complètement dessouchés. Comme cette biomasse constitue un habitat et une source de vie pour de nombreuses espèces, sa destruction devrait être complètement bannie du parc.
Des actions de reboisement, pour au moins remplacer les arbres et arbustes morts devraient être programmées à l’avance, pour garder au moins un couvert végétal dans les zones où cette mortalité a lieu.
Tuer dans une aire protégée ?
La question ne semble pas avoir un sens, puisque toutes les espèces présentes dans une aire protégée sont censées y vivre librement sans risque d’être tuées. Pourtant, certaines espèces continuent à être tuées à Bou Hedma par exemple, comme probablement dans d’autres parcs nationaux de Tunisie.
La liste des espèces tuées comprend surtout des espèces venimeuses ou supposées dangereuses. Elle concerne surtout le cobra d’Egypte, la vipère à cornes, la vipère de Maurétanie, les scorpions et certaines espèces de couleuvres supposées venimeuses. Le fait de tuer ces espèces est devenu un geste conditionné par la peur des animaux et des faits d’envenimations parfois fatales qui ont lieu dans la région.
Il est impératif que ces espèces gardent leur liberté et que l’action de les tuer soit complètement bannie du comportement de tous ceux qui fréquentent le parc, ainsi que des ouvriers. La conservation n’excepte pas des espèces qu’il est permis d’éliminer, en plus du fait qu’elles font partie intégrante des biocénoses du parc.
Extension du parc ?
La proposition n’est pas nouvelle. Elle a été déjà faite depuis 1980[1]. Ces deux auteurs ont parlé de l’extension du parc vers le sud, pour englober les zones sableuses. Nous soutenons la même idée, mais lui ajoutons le versant nord de djebel Bou Hedma et le versant sud de la montagne qui lui fait face, de façon à englober l’ensemble du bassin versant de l’oued Bou Hedma.
Cette proposition est justifiée par les faits suivants :
- Le versant nord de djebel Bou Hedma présente un couvert végétal bien développé et presque absent du reste du parc (genévrier de Phénicie, oléastre, lentisque) et de nombreuses autres espèces absentes des zones de protection de Bou Hedma.
Le cortège floristique du versant nord est caractéristique des séries du pin d’Alep, et la possibilité de son évolution en forêt de pin d’Alep est possible, moyennant une mise en défens sur le long terme.