Les chiffres sont inquiétants : chaque tunisien vivant en milieu urbain produit plus de 335 kg de déchets par an, contre 62 pour les tunisiens vivants en milieu rural. C’est un problème en soit. Mais ça l’est davantage lorsqu’on sait que seuls 65% des déchets sont mis en décharge. En effet, l’Etat ne dispose pas suffisamment de structures pour le traitement des déchets. Et pour cause : la Tunisie ne dispose actuellement que de 10 décharges contrôlées et 4 décharges semi-contrôlées pour le traitement. Face à la quantité des déchets dans les rues, les habitants ont tendance à opter pour l’incinération sauvage alors que celle-ci présente des risques avérés sur l’environnement et la santé. D’ici la fin de l’année, dix nouveaux centres de transformation des déchets devraient être crées. En attendant, nos poubelles débordent et la solution pourrait se trouver ailleurs. Là où nous avons prise : diminuer le volume de nos déchets.

Réduire le contenu de nos poubelles

Car une poubelle est très vite remplie : gobelet du café pris le matin, emballage du cake avalé à 10h, bouteille d’eau, sachet dans lequel il y a le sandwich du midi, lui-même enveloppé dans du papier, etc. Notre production d’ordures ne cesse d’augmenter. Selon un rapport de la banque mondiale, « la quantité d’ordures générée par les citadins va fortement augmenter d’ici à 2025 ». En effet, « ce volume passera de 1,3 milliard de tonnes par an aujourd’hui [2012] à 2,2 milliards, l’essentiel de la hausse provenant des villes à forte croissance des pays en développement ». Face à un tel contexte, de plus en plus de citoyens s’engagent dans un mode de vie Zero Waste. Né en Californie dans les années 80, le mouvement Zero Waste  fait des émules à travers le monde. Son crédo ? « Refuser ce dont on n’a pas besoin, réduire le volume de nécessaire, réutiliser, recycler et composter ». Comment ? Limiter les emballages, acheter en vrac, pratiquer le compostage ou encore privilégier les objets d’occasions aux neufs. Car dans « waste », il faut comprendre « déchet » et « gaspillage ». En Tunisie, le mouvement s’installe tout doucement.

Créée en 2014 par Insaf Ben Rehouma, l’association avait déjà fait entendre parler d’elle à l’occasion d’une campagne anti-gaspillage durant le mois de Ramadan 2016. « Nous avons voulu, à travers cette campagne, responsabiliser les tunisiens dans leurs habitudes de consommation durant le ramadan et leur faire prendre conscience des risques pour la santé et l’environnement ». En effet, 30% des aliments achetés pour les repas de la rupture du jeûne finissent à la poubelle. Et tout cela a un coût. Selon l’INS, le gaspillage cause une perte de 300 000 dinars par jour à la Caisse de compensation durant le mois de ramadan. Et chaque Tunisien perd en moyenne 68 dinars par mois dans le gaspillage alimentaire, soit 18% du budget dédié à l’alimentation.

Sensibiliser les élèves

Mais c’est surtout auprès des écoles que l’association se mobilise. Ainsi, de nombreux élèves des écoles du Grand Tunis ont pu bénéficier d’ateliers de recyclage, de compostage et de tri des déchets. « C’est important de travailler avec les enfants, car ils pourront introduire de nouvelles habitudes à la maison et ainsi sensibiliser leurs parents à ces questions », explique Insaf Ben Rehouma. « Notre objectif est que chaque élève prenne conscience qu’il peut limiter son empreinte écologique à travers la réduction des déchets, le recyclage ou encore le compostage », poursuit-elle. Des petits gestes qui contribuent à un meilleur environnement. Si les actions de Zero Waste Tunisia s’inscrivent pour l’instant à une petite échelle il est intéressant de constater que de nombreuses villes dans le monde se sont engagées à réduire considérablement leurs déchets.

Pionnière, San Francisco s’est fixée comme objectif, il y a quinze ans, de recycler la totalité de ses rebuts à l’horizon 2020. Objectif atteint à 80 % aujourd’hui. En Europe, les pays du Sud, cherchent eux aussi des solutions alternatives face à un système de collecte des déchets chaotique et rongé par la corruption. Exemple : la commune toscane de Capannori (46 000 habitants) près de Pise, première ville d’Europe à s’être fixée un objectif de production de zéro déchet d’ici à 2020, fait aujourd’hui référence. En effet, la commune a réduit de 40% ses déchets en 10 ans, et 82% des déchets sont collectés séparément.

La guerre contre le plastique

En Tunisie, l’interdiction des sacs plastiques dans les supermarchés est un grand pas lorsqu’on sait qu’on en utilise un milliard chaque année. Or, ces sacs finissent souvent par s’envoler des décharges et polluent la mer et les sols. Par ailleurs, selon un rapport de la GIZ de 2014, le plastique équivaut à 11% des déchets ménagers et se place en deuxième position après les déchets organiques. Un des nœuds du problème est d’ailleurs l’emballage, voir le suremballage, souvent en plastique. Il suffit d’acheter un paquet de gâteaux pour s’en rendre compte : chaque gâteau est enveloppé dans du plastique, ils sont ensuite disposés sur une sorte de barquette en carton, et emballés à nouveau avec du plastique. Soit trois emballages pour pouvoir manger son gâteau ! Pour Insaf Ben Rehouma, il existe pourtant de nombreuses alternatives au plastique : « pour les courses nous pouvons utiliser les couffins traditionnels, pour l’achat en vrac, il y a les sacs en tissus ou les bocaux, bref, les solutions existent et elles sont réalisables ! ». Car au final l’idée du Zero Waste n’est pas de proposer des solutions qui relèvent du parcours du combattant, mais d’amener les citoyens à se débarrasser des habitudes de l’hyperconsommation et des produits emballés. Car finalement, « le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit ».