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La semaine politique commençait avec la publication des résultats du dernier baromètre 3c Études en date, qui cette fois faisait encore plus de remous qu’à l’accoutumée, sur fond de demandes de réglementation du secteur de la part des professionnels du sondage.

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Sans changement majeur en tête du classement des intentions de vote aux législatives, en se stabilisant, les graphiques permettent de dégager globalement 3 types de partis dans le paysage politique tunisien :

Les partis idéologiques, qui à l’image d’Ennahdha (autour de 30%) et du Front Populaire disposent quoi qu’il arrive d’un gros réservoir de voix inconditionnelles (ce qui explique la résistance d’Ennahdha autour de 30%, malgré l’épreuve du pouvoir qui a cannibalisé les courbes de ses alliés).

Les partis électoralistes : essentiellement Nidaa Tounes (un peu plus de 30%). Un phénomène plutôt local, la somme des déçus de la révolution, du recyclage de l’ancien régime, et de l’aptitude à capter le rejet du gouvernement Ennahdha, sur le mode de la réaction permanente aux bévues gouvernementales, et sans pour autant être une force de proposition. Une stratégie fédératrice et pragmatique, au prix d’un certain cynisme politique.

Les partis programmatiques : al Joumhouri, al Massar… Ce sont les grands perdants de cette étape, n’ayant pas saisi la nature de cette phase de transition qui s’ést révélée être davantage une étape de la réaction épidermique qu’une étape de sensibilité aux propositions. Ce faisant, ils sont contraints de se rassembler derrière Nidaa Tounes, malgré leur histoire plus prestigieuse et ancestrale que ce dernier né de la scène politique.

Somme toute cohérent et rationnel, le constat de ces tendances par les instituts de sondage est comme à chaque fois remis en doute sur la toile et par les partis qui sombrent aux fins fonds du classement, même si Hichem Guerfali a joué la transparence en dénonçant des tentatives de corruption.

Une nouveauté cependant, la ville de Sfax, en basculant de la droite religieuse à la droite Nidaa bouleverse le classement des favoris à la présidence qu’elle arbitre : désormais c’est Béji Caïd Essebsi, celui que Khaled Chawkat qualifie samedi d’« envoyé de Dieu », qui l’emporterait à 51,2% des voix au second tour, en battant Jebali. La stratégie de l’octogénaire s’avère donc payante, lui qui s’était lancé dans la course précocement, en annonçant sa candidature au mépris de la vacance constitutionnelle.

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Femen : les meilleures blagues sont les plus courtes

Peut-on prendre au sérieux les Femen ? Force est de constater que la dernière semaine du mois de mai fut essentiellement marquée par la razzia des Femen étrangères mercredi, avec un coup d’éclat « historique » dans un pays arabe, de surcroît devant une institution judiciaire.

Moins suicidaire qu’il n’y parait, le geste de l’allemande et deux françaises, immédiatement transférées à la brigade des mœurs, correspond à une prise de risque en réalité bien calculée.

« Si nous faisons un jour une action dans un pays arabe, ce serait priorité à la Tunisie », expliquait une leader plusieurs semaines à l’avance. Malgré l’apparente improvisation de certaines actions (l’opération de la Grande mosquée de Paris fut un désastre), le mouvement sait pertinemment qu’il s’expose à moins de risques de lynchage ici que dans un pays arabe de tradition moins pacifiste.

A la fois radical et quelque peu adolescent dans son mode d’action type « franchise clé en main », le mouvement Femen divise jusque dans les rangs des militantes féministes.

« En avance sur son temps » pour ses partisans, il est par bien des aspects dans l’ère du temps : idéologiquement light et confus. Le mouvement attire les plus jeunes mais n’est plus à une contradiction près : essentialisant dans sa lutte « contre les religions », uniformisant avec ses « centres d’entrainement », anti pornographie mais en petit short, anti patriarcat mais faisant le bonheur des voyeuristes.

En attendant la normalisation des seins nus en milieu urbain, célèbre à peu de frais pour les uns, « courageuse militante » pour les autres, Amina Sbouï fait l’objet d’un procès qui la dépasse, dans la très conservatrice ville de Kairouan.

Au-delà de l’agitation prévisible que le procès provoque dans les milieux salafistes, il est intéressant d’observer les réactions qu’il provoque dans le camp dit démocrate. La frange de ceux que le caricaturiste « Z » appelle les « Ben Simpson » ont vite fait de crier au « piège type Persépolis ». Mais ils ne sont pas les seuls. L’élu Mongi Rahoui du Watad unifié dénonce un complot dont l’unique visée est de bénéficier politiquement et électoralement à Ennahdha.

A droite comme à gauche, la jeune lycéenne est en somme lâchée sur la base de raisons tantôt bigotes, tantôt conspirationnistes, ce qui la rendrait presque sympathique auprès de ses détracteurs initiaux.

Plus insolite encore, Hamadi Jebali, en visite au Canada hier samedi, était même chahuté par un militant Femen homme, provocant l’hilarité des réseaux sociaux.

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Constitution : l’arlésienne dévoilée

Un an, 8 mois et 89 millions de dinars plus tard, on n’y croyait plus, mais c’est fait : samedi 1er juin, même si les sourires sont crispés, Mustapha Ben Jaâfar peut poser pour la photo de famille, le projet de constitution final à la main.

La symbolique du clin d’œil au 1er juin 1959 est sauve, cependant un malaise persiste, comme en témoigne le boycott de la cérémonie par Fadhel Moussa et Amor Chetoui, restés physiquement en retrait en signe de protestation.

Il ne s’agissait pas seulement d’attirer l’attention sur l’impression de bâclage et de précipitation qui a prévalu en commission de coordination.

Malgré les accords de dernière minute sur le droit de grève et la garantie constitutionnelle des droits et libertés, plusieurs points litigieux demeurent en suspens, et pas des moindres. A commencer par le tristement célèbre article 136 consacrant insidieusement l’idée de « l’islam religion d’Etat », ou encore le chapitre entier de la gouvernance transitionnelle, « parachuté par le rapporteur général » s’indigne l’opposition.

C’est vraisemblablement à ces futurs casse-têtes que Mustapha Ben Jaâfar fait référence lorsqu’il tempère pour rassurer l’opinion : « Ce texte reste néanmoins sujet à révisions en marge de l’assemblée générale, en fonction du climat général que le projet prend en compte ».

En l’état, son vote sera tout sauf une promenade de santé.