Sous prétexte de lutte contre le trafic de personnes et le terrorisme en Méditerranée, la présence militaire en Tunisie de l’OTAN, et des Etats-Unis plus particulièrement, a franchi un nouveau seuil en 2016. Alors que les déclarations officielles s’avèrent peu concordantes sur le degré et la nature de cette “coopération”, des documents officiels, fuités par Nawaat en mars, ont mis en lumière des négociations secrètes concernant l’existence d’une base militaire américaine en Tunisie.

Etats-Unis/France : « élargir et approfondir notre collaboration militaire »

Le 10 décembre, le département d’Etat américain a confirmé la mort du principal suspect impliqué dans l’assassinat de Chokri Belaid. Un bref communiqué du Pentagone a précisé que le 26 novembre à Raqqa, en Syrie, « des avions de combat de la Coalition ont ciblé et tué le Tunisien Boubaker al-Hakim … terroriste de longue date ayant eu des liens solides avec des éléments djihadistes français et tunisiens ». Avant de conclure que « la Coalition continuera à traquer et à éliminer les terroristes de Daech qui nous menacent et qui menacent nos alliés ».

Le 27 novembre, un jour après la mort de Boubaker al-Hakim revendiquée par l’armée américaine, un avion français aurait « probablement tué l’un des agents les plus recherchés au sud de la Libye », l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. Selon le Wall Street Journal, l’incident « marque un passage au niveau supérieur dans la coopération entre la France et les Etats-Unis en ce qui concerne le ciblage des combattants ». Le jour même, à Washington, les deux pays se sont engagés à renforcer leurs relations de défense dans une déclaration conjointe d’entente signée par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian et le secrétaire de la Défense américain Ashton Carter. Ils ont souligné leurs objectifs stratégiques et opérationnels communs au Moyen-Orient et en Afrique, où « la France est en première ligne mais bénéficie d’un soutien américain essentiel dans les domaines de la logistique et du renseignement ». Pour décoder ce langage diplomatique trop allusif pour être concret, le Canard Enchaîné du 30 novembre 2016 a apporté plus de précisions sur la division des tâches entre Français et Américains. Selon l’hebdomadaire satirique, 20 millions d’euros ont été déboursés par la France pour équiper l’armée tunisienne en matériel de surveillance pour le contrôle des frontières avec la Libye et « une trentaine de commandos des forces spéciales françaises jouent les instructeurs au sein des unités chargées de la recherche de djihadistes infiltrés et de leurs complices locaux». Côté américain, la même source a affirmé que « le Pentagone dispose de plusieurs drones Reaper en un lieu tenu secret, et quelques 70 militaires des forces spéciales forment des Tunisiens à les utiliser » pour contrôler la même frontière et « filmer et enregistrer tous ceux qui s’en approchent ».

« Aujourd’hui, la coopération militaire entre la France et les Etats-Unis est plus forte que jamais ».

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Programme américain de surveillance pour la marine tunisienne

Dans le discours officiel, “la coopération militaire” prétend se limiter au renforcement des capacités de surveillance et de renseignement, notamment à la frontière tuniso-libyenne. Mais l’annonce, lundi 12 décembre, d’un nouveau contrat de surveillance maritime « pour aider le gouvernement tunisien à sécuriser ses eaux territoriales », a apporté un autre éclairage sur la question. Selon un communiqué publié par la compagnie américaine PAE, ce « fournisseur clé de soutien aux missions essentielles des Etats-Unis » sera engagé pour mettre en place un programme de la marine américaine pour l’installation et l’intégration de « multiples détecteurs maritimes » afin de permettre à la marine tunisienne de « suivre et répondre, de manière plus efficace, aux menaces et incidents maritimes ».

L’OTAN et l’UE mènent des opérations militaires en mer

Un rapport fuité par Wikileaks en février dernier révèle la stratégie militaire entreprise par l’Union européenne contre la migration irrégulière. Avec 1300 personnes engagées par différentes structures européennes (FRONTEX, EUROPOL, délégations des pays de l’UE) pour l’échange de renseignements, l’Opération Sophia consiste à mener des opérations à l’intérieur des eaux territoriales libyennes.

Le 9 juillet, à Varsovie, l’OTAN s’est engagée à soutenir l’Opération Sophia, et par la même occasion, a annoncé la création d’un centre de « fusionnement » du renseignement en Tunisie. Cinq jours plus tard, l’Organisation a précisé que son rôle est consultatif auprès des autorités tunisiennes. Cette rectification a suivi la publication d’un communiqué du ministère de la Défense qui affirme « l’existence depuis 2014 d’un centre de fusionnement animé par des compétences tunisiennes». Le ministère est de nouveau intervenu en octobre pour démentir une information, relayée par le Washington Post, concernant une éventuelle base de drones armés en Tunisie. Mais le 22 novembre, c’est le président Béji Caid Essebsi qui s’est vanté d’avoir lui-même autorisé les drones américains à opérer depuis la Tunisie, désavouant son chef du gouvernement, qui avait nié l’existence de toute base militaire étrangère en Tunisie, le 10 novembre, sur le plateau de France 24 (arabe).

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#Wikileaks-Migration irrégulière : L’Union Européenne cible la Libye

Dans sa lutte contre la migration irrégulière, l'Union Européenne s'est engagée depuis 2015 dans des opérations militaires. Le " Service européen pour l’action extérieure" (SEAE) s’apprête à mener ses opérations non pas uniquement en haute mer mais à l'intérieur des eaux territoriales libyennes.. Fin janvier, le contre-amiral italien et commandant opérationnel Enrico Credendino a adressé un rapport de suivi (« Six Monthly Report ») au Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union Européenne. Le document, classé confidentiel, a été publié sur Wikileaks le 17 février 2016.


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L’OTAN en Tunisie : quand dire c’est faire !

A travers une nouvelle opération maritime en Méditerranée et un centre de renseignement en Tunisie, l’OTAN s’engage à renforcer son rôle et ses partenariats dans « la lutte contre le terrorisme ». Plusieurs observateurs lisent autrement le communiqué de l’OTAN du 9 juillet 2016. Certains y voient une « militarisation de la misère » quand d’autres soulignent le désir d’implantation durable au sud de la Méditerranée et plus particulièrement en Tunisie.


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Une présence militaire américaine en Tunisie, à bas bruit

A l'occasion du deuxième US-Africa Business Forum cette semaine à New York, le président Béji Caid Essebsi rassure les investisseurs américains sur ses victoires face aux défis du terrorisme et de la corruption. Pour sa part, le Secrétaire d’Etat John Kerry a remercié le gouvernement tunisien pour sa « coopération dans la lutte contre le terrorisme ». Derrière les mots de la diplomatie, se cachent les vrais enjeux.


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Le gouvernement américain « ouvre la voie » pour une base de drones armés en Tunisie

Les frappes aériennes ciblant Daech à Syrte se poursuivent, tout autant que les révélations sur les activités militaires américaines en Tunisie. La dernière preuve a été apportée par des responsables américains, relayée par le Washington Post du mardi le 26 octobre. Alors que le discours officiel souligne une assistance militaire américaine limitée à la collecte d’information, le quotidien américain affirme qu’au-delà de ses « missions d’espionnage en Libye », les US seraient en train « d’ouvrir la voie » pour une base de drones armés en Tunisie.


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Derrière les drones : un détachement paramilitaire américain

Aprés le feu vert de l’administration sortante de Barack Obama pour établir une base secrète au Moyen-Orient, le Commandement des Opérations Spéciales de l'Armée américaine (JSOC) renforce sa mission antiterroriste à l’étranger. Le vendredi 25 novembre, le Washington Post annonce l’initiative du gouvernement américain qui vise à « élargir les pouvoirs de l’unité élite militaire pour chasser les combattants étrangers au niveau mondial ».


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Ambassade des Etats-Unis à Tunis : Fourniture et livraison, y compris la formation, d’un système de drones

Selon le site Federal Business Opportunities qui fournit des informations générales sur les marchés publics et les appels d’offres du gouvernement américain, permettant ainsi aux entreprises américaines d’avoir accès et de soumissionner aux contrats publics, le Bureau international des stupéfiants et de l’application de la loi (Département d’État des États-Unis) de l’Ambassade des États-Unis à Tunis a lancé un appel d’offres pour se doter d’un système de drones.


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تسريب: تونس تتعهد بتسهيل عمل القوات الأمريكية على أراضيها

استضافة قوات اجنبيّة على الأراضي التونسيّة وآفاق التعاون العسكريّ والتدخّل الأمريكيّ في الشأن الداخليّ لتونس، هم محاور الوثائق الثلاث التّي تحصّلت عليها نواة.