Premières leçons de la dernière « Takhmira »* électorale en Tunisie.
L’histoire d’une révolution, comme toute histoire, doit, avant tout, relater ce qui s’est passé et dire comment. Mais cela ne suffit pas. D’après le récit même, il faut qu’on voie nettement pourquoi les choses se sont passées ainsi et non autrement. Les événements ne sauraient être considérés comme un enchaînement d’aventures, ni insérés, les uns après les autres, sur le fil d’une morale préconçue, ils doivent se conformer à leur propre loi rationnelle. « Histoire de la révolution russe », Léon Trotsky.
Dans sa monumentale « Histoire de la révolution russe » Léon Trotsky expliquait qu’« aux tournants décisifs, quand un vieux régime devient intolérable pour les masses, celles-ci brisent les palissades qui les séparent de l’arène politique, renversent leurs représentants traditionnels » et de cette intervention spontanée, intempestive, les masses font « avant tout, une irruption violente (…) dans le domaine où se règlent leurs propres destinées ».
Une société prise de révolution, habituellement peu portée pour la violence, « en un bref laps de temps, jette à bas des institutions séculaires, en crée de nouvelles et les renverse encore. La dynamique des événements révolutionnaires est directement déterminée par de rapides, intensives et passionnées conversions psychologiques des classes constituées avant la révolution. »
A l’opposé de l’assertion de certains « militant(e)s » de la vingt cinquième heure, qui, dès les premiers mois du formidable chambardement, qui a mis en branle l’inter-nation arabo-nord africaine dans sa presque totalité, ont crié au « complot impérialiste » et à la manipulation de forces extérieures montrant par là même de quel côté de la barricade ils se situent :
les rapides changements d’opinion et d’humeur des masses, en temps de révolution, proviennent,(…) non de la souplesse et de la mobilité du psychique humain, mais bien de son profond conservatisme. Les idées et les rapports sociaux restant chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives, jusqu’au moment où celles-ci s’abattent en cataclysme, il en résulte, en temps de révolution, des soubresauts d’idées et de passions que des cerveaux de policiers se représentent tout simplement comme l’œuvre de “démagogues”.
Les masses se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation sociale, mais dans l’âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps l’ancien régime. « Histoire de la révolution russe », Léon Trotsky.
D’autres militant(e)s révolutionnaires sincères ont, dès le départ affirmé que la « révolution était confisquée » voir qu’on a assisté à une “révolution avortée” baissant les bras dès les premiers revers « électoraux ».
Mais qui décide du début ou de la fin d’une révolution ? Qui a la capacité de siffler la fin de la partie ?
Une Revolution Vivante
Les mêmes militant(e)s qui ont regimbé à reconnaître le caractère révolutionnaire de la période que l’on vit actuellement, s’empressèrent d’enfourcher l’antienne du « recul », de la « démobilisation » pour justifier de concourir aux joutes électorales dont l’agenda, le déroulement, voir les résultats sont fermement corsetés par les anciennes classes dominantes momentanément désarçonnées par l’énergie révolutionnaire et dont les « manœuvres électoralistes » visent à la vider de sa puissance déstabilisatrice.
La balkanisation de l’inter-nation arabo-nord africaine a été aussi le terrain d’expérimentation de nombreuses figures de la contre-révolution et la dialectique entre les différents scénarios contre-révolutionnaires a influencé les recompositions à l’œuvre à l ‘intérieur des frontières des États tels qu’issus de la période coloniale.
Elections Législatives : Les Gagnants, Les Perdants Et Le Boycott Massif.
La deuxième séquence électorale qui vient de se clôturer en Tunisie est riche d’enseignements qui, tous, vont à l’encontre de toutes ces déclarations de politiciens et de journalistes qui cherchent à se rassurer à bon compte de voir le spectre de la révolution s’éloigner.
Quant il s’agit d’analyses produites par des commentateurs occidentaux, outre la pointe ironique qui frise le racisme on baigne dans la condescendance à l’image du papier d’Olivier Ravanelo dans le Monde du lundi 27 octobre 2014.
Avec pour titre « La révolution est finie », Olivier Ravanelo se métamorphose en ecclésiaste apportant sa bénédiction et ses « je vous salue « tunisiens » ! d’avoir su fermer la parenthèse révolutionnaire et de s’être pliés aux délices de la démocratie formelle. Celle là même qui veut qu’avec la réactivation à nouveau de tous les réseaux clientélistes des anciens barons du système de Ben Ali, « écartés » du premier scrutin constitutionnel de 2011, et qui par la grâce de l’argent à gogo, une quasi mainmise sur les médias audio-visuels, un appareil policier jamais épuré, l’on finisse par décrocher le pompon de la première place avec 38,24 % des voix exprimées. Mais ce que les lecteurs du Monde ne liront jamais, c’est l’ampleur de l’abstention voir du boycott de cette nouvelle mascarade par une majorité d’électeurs. Seul un gros tiers a pris la peine de se déplacer, c’est dire !
En France, le plus gros bastion de l’émigration tunisienne, moins d’un dixième de la population a daigné se rendre aux urnes. Autant dire les réseaux clientélistes de la Destourie* et celle du réseau « frériste » ont fait le plein. Environ 25 000 voix pour Nidaa Tounes et 18 000 pour Ennahdha. Sur une population estimée à 800 000 individus, majoritairement adultes.
« Le pluralisme est le sang de la démocratie et le corps électoral tunisien est aujourd’hui incroyablement irrigué : c’est signe de bonne santé ! » ; avec ce type de sentence, monsieur Ravanelo nous refait le coup de la réponse de l’épouse du roi Louis XVI, en pleine révolution française, à un peuple réclamant « du pain, du pain » : « Mais qu’il mange des brioches » leur rétorqua la reine. En guise de brioches monsieur Ravanello, à l’instar de beaucoup de commentateurs condescendants, voir racistes voudraient que le peuple des opprimés, affamé, spolié, exploité, avale des bulletins de vote
Des Résultats Conformes Aux Prévisions !
Comme cela était annoncé bien avant l’ouverture de la joute électorale, l’auberge espagnole, Nidaa Tounes arrive en tête du scrutin devançant la formation « frériste » Ennahdha.
Ce raz de marée des deux mastodontes a écrabouillé la presque totalité des anciennes formations de la Constituante.
Ettakatol (1 siège), le CPR (4 sièges) et ses divisions, al Massar (0 siège), al Joumhouri (1 siège), el Tahalof (1 siège) sont autant de partis auréolés de prestige appelés à une disparition programmée, commente le journaliste Seïf Soudani.
L’hécatombe reflète le peu d’ancrage de nombreuses formations politiques et confirme par là-même la prédiction de Trotsky qu’en périodes révolutionnaires des partis naissent et disparaissent sans laisser de traces. Il n’y a qu’a se rappeler de l’engouement pour des formations quasi inexistantes avant l’hiver 2010/2011 et leur percée électorale faisant d’elles la deuxième et la troisième force de la constituante.
La formation du président provisoire Marzouki n’obtient ,elle, que quatre sièges et cela par la grâce d’un scrutin au plus fort reste qui donne même avec des scores très bas (entre 5 % et 2%) la possibilité d’avoir un élu.
Celle du très « beldi » président de l’Assemblée Constituante, Mustapha Ben Jaafar, a été presque rayée de la carte législative, sauvé in extremis par l’annulation de l’élection du candidat Nidaa Tounes à Kasserine. (1 élu).
Continuons la description de la Bérézina électorale. La formation de l’éternel prétendant à la fonction présidentielle, Nejib Chebbi ; celui-là même qui a quasiment passer sa vie politique « caméléonesque » à tourner la veste au point de ne plus connaître l’envers de l’endroit (baasiste/sadammiste dans sa prime jeunesse, mao-stalinien sur les bancs de l’université, socialiste au début de sa maturité, social-démocrate avec la cinquantaine pour finir social-libéral après le grand chambardement révolutionnaire ; avec même un maroquin ministériel pour quelques semaines dans la dérisoire formation du premier ministre de Ben Ali finalement balayée par la formidable mobilisation populaire de la Kasbah. La formation de Nejib Chebbi n’aura elle-aussi qu’un unique représentatant.
Et voici nos staliniens, parangons d’une « modernité » désincarnée et la version « laïcarde » de la collaboration de classe ; nous avons cité les ex-communistes, dont la mue sociale-libérale sensée les arrimer aux wagonnets d’une éternelle représentation minoritaire a fini par lasser les plus opportunistes d’entre-eux qui ont préféré la franche et loyale intégration collaborationniste en rejoignant Nidaa et son presque nonagénaire.
Nos ex-communistes sont « à poil ». Les électeurs de droite ont préféré, au final, l’original à la médiocre copie. Résultat : Zero élu.
15 Elus Estampilles « Front Populaire »
Reste l’énigme Front Populaire et la tonitruante campagne populiste et patriote de celui qui remonte toujours les vieilles horloges idéologiques en remettant au goût du jour le vieux centrisme stalinien : un coup à gauche, un autre à droite ou le contraire. Et une campagne toute centrée autour d’un appel à sauver le « capital national » reprenant la thèse de son ancien mentor Mao qui défendait la thèse de l’existence d’un capitalisme sans exploitation !
Certes, ses principales figures de prou peuvent pavoiser ; ils ont arraché quinze places dans la nouvelle assemblée. Mais ce qu’il faut remarquer , c’est qu’ils sont souvent devancés par des formations ultra-libérales telles l’UPL d’un milliardaire dont la famille a fait fortune sous Kadhafi et Afek Tounes, fondée par une camarilla de franco-tunisiens rapatriés peu avant et après la chute de Ben Ali et dont l’une des plumes de l’ancien premier ministre français Rafarin et qui fut le dernier conseillé du général déchu constitue un bon exemplaire vivant.
Ensuite le gain entre les représentants des différentes formations à la Constituante ayant rejoint le Front Populaire et leur nouvelle représentation parlementaire n’est que de 3 nouveaux élus.
A regarder de près les résultats des élus du Front Populaire , on s’aperçoit qu’ils sont les rescapés du nouveau mode de scrutin : au plus fort reste.
Le score des 15 nouveaux élus varie entre 11,56 % pour le secrétaire générale du Parti des Travailleurs Jilani El Hammami à Siliana avec 6562 bulletins (le meilleur score du FP) et 2,68 % pour le représentant de la LGO au sein du Front Populaire, Nizar Ammami et 2981 bulletins. Le deuxième élus étiqueté « LGO », Fethi Chamkhi l’a été a Nabeul 2 avec 3,42% et 4007 bulletins.
Tout ce beau monde commence déjà à faire entendre une petite musique désaccordée quant à leur probable participation à un gouvernement national. Parions que les mêmes qui ont déjà trahi et nos martyrs et nos revendications révolutionnaires ne pourront plus se défausser de leur alliance avec la Destourie.
Une Future Assemblée Conservatrice Et Un President Quasimment Elu !
La future assemblée, sauf contestations et annulations1 donc réélection se décomposera comme suit :
● Nidaa Tounes, première formation avec 38,24 % des suffrages exprimés et 85 députés.
● Ennahdha, deuxième formation et 31,33 % des voix et 69 députés.
● L’UPL, la formation du milliardaire Slim Riahi, troisième avec 16 députés et 7,33 % des voix.
● Enfin le Front Populaire avec 15 députés et 5,52 %.
Si l’on cumule les députés de Nidaa, d’Ennahdha ainsi que de la myriade de petites formations libérales des restes de la Destourie* ayant obtenu quelques députés, nous nous trouvons en face d’une chambre majoritairement conservatrice, n’en déplaisent aux nombreux commentateurs, en particulier européens qui ne cessent de nous vanter « l’excellence démocratique tunisienne » et la clôture « heureuse » de la séquence révolutionnaire.
S’ensuivra au mois prochain la takhmira électorale pour élire au suffrage universelle le premier président de la “transition démocratique” . Sans lire dans le mare du café, nous pouvons prédire que le candidat de Nidaa l’emportera haut la main. La Tunisie aura le triste privilège d’élire un quasi nonagénaire en plein chambardement révolutionnaire. Cela donnera raison à ce graffiti tagué sur les murs de certaines cités populaires : « les jeunes font les révolutions et les grabataires en profitent …».
Notes
* Takhmira: entrée en transe.
* Destourie : néologisme désignant le ban et l’arrière ban des partisans de Bourguiba et Ben Ali comme on parle de la « Chiraquie », la nébuleuse rassemblée par le très gaulliste Chirac.
(1) “Il y a eu 9821 transgressions en Tunisie dans notre rapport préliminaires” a déclaré Moez Bouraoui, président de l’association ATIDE, lors d’une conférence de presse ce vendredi 31 octobre à Tunis, suite aux élections législatives du 26 octobre. Selon Moez Bouraoui : ” les trois premiers vainqueurs des législatives ont été les premiers à transgresser les règles… “et nous sommes prêts à aller devant les tribunaux avec nos observateurs”. ”Dans 20% des bureaux de vote, des partis ont poursuivi leur campagne électorale le jour des élections”, a signalé Moez Bouraoui. ”Il y a eu une infiltration claire d’un parti à France 2″, a également signalé Moez Bouraoui. “Beaucoup de Tunisiens à l’étranger ont été privés de leur droit de vote”, a-t-il précisé.
Hamadi Trotzky doit se retourner dans sa tombe de voir Léon Davidovitch Bronstein massacrer allègrement son oeuvre et sa pensée révolutionnaire.
Non, non, je ne me suis pas trompé!.
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Il est une coutume chez les Trotskystes, celle de distribuer les brevets d’authenticité révolutionnaire, et généralement de s’en attribuer la paternité sinon l’exclusivité.
Dans cette veine, on n’hésite pas à qualifier de “staliniens…parangons d’une “modernité” désincarnée et la version laicarde de la collaboration de classe”, les communistes d’El Massar. Moyen commode de se conforter dans sa virginité révolutionnaire, à bon compte.
Oubliés les moments partagés dans les manifestations, dans les sit-in et autres rassemblements avec et aux cotés de certains de la “Destourie”. A l’image de vos alter ego Français, vous aimez incarner le magistère de donneurs de leçons de vertu jusquà en oublier vos propres turpitudes.
J’ai peu de sympathie pour la surenchère révolutionnaire qui aboutit à servir les ennemis de la révolution. La gauche en Tunisie mérite mieux que cela. En tout cas, rien ne justifie tant de haine en son sein.
Je préfère partager des luttes avec vous, et vous épargne davantage de réprobation.
Demain n’est pas écrit, dessinons ensemble quelques contours de son texte!
Ya si Houcine, les “élections” que je décris comme une “takhmira” pour leur côté formel, comme le fait de rentrer en transe et d’en sortir pour retrouver le monde tel qu’il va, (encore qu’une bonne takhmira sur des rythmes Gnawa ou Stambéli vous libèrent de beaucoup de vos angoisses existentielles alors que les lendemains d’élections ressemblent à s’y m’éprendre à ceux de la veille), ont au moins une petite vertu, celle de faire le ménage parmi les participants à la joute électorale.
Et le résultat est sans appel. Les ex-communistes d’El Massar, largués par leurs copains qui ont finalement préféré accorder leurs opinions avec leur engagement en rejoignant le presque nonagénaire, rescapé de toutes les turpides de la Destourie, n’auront même pas un lot de consolation.
Comme El Joumhouri, largués par ses éphémères alliés de centre droit Afek, se retrouve avec son unique Dahmani d’élu dont le mandat n’a été renouvelé que par la grâce d’une implantation “tribale” de ce dernier à Siliana (la même remarque s’applique à Jilani Hamammi qui a fait le plein des voix et le meilleur score du Front Populaire dans la même région).
Comme Ettakatol redevenant le petit groupuscule d’avant la révolution de notre cher président de l’assemblée constituante ou celui de l’actuel occupant temporaire du maroquin de Carthage, Marzouki, qui dans son dernier spot publicitaire pour l’élection à la magistrature suprême a fait appel à la jeunesse pour qu’elle se mobilise et glissant en fin de message que nos martyrs révolutionnaires comprenaient ceux tombés parmi les forces de la répression de Ben Ali et ceux de la Troïka enfonçant le clou de la confusion semée par tous les courants opportunistes.
Concernant le « communisme » d’El Massar nous n’avons pas été nourris aux mêmes mamelles.
J’ai lutté dès mon plus jeune âge contre la dictature de Bourguiba et renier sa prétention à être un père de substitution. Mon vieux ayant excellemment rempli ses fonctions paternels, je n’avais aucun besoin d’en adopter un autre qui dès son accession au trône déclara que nous n’étions que « poussières d’individus » ne demandant qu’à être rassemblées telle de la glaise sous la férule du potier auto-proclamé « Moujahed El Akbar ». Alors même que son début de règne est entaché de la liquidation, avec l’aide de l’armée française, de plus d’un milliers de Fellaguas (Voir Sophie Bessis : « Bourguiba ») . Quel prétentieux !
Pendant ce temps, et alors que les premières potences ont été tendues pour pendre les acteurs d’une prétendue tentative de coup d’État et alors même que le Parti Communiste de Tunisie venait d’être interdit, ses dirigeants d’alors n’ont rien trouvé de mieux que d’apporter leur « soutien critique » au nouveau régime dictatorial. Après la dictature instauré au lendemain du fameux coup d’État médical du brigadier chef Ben Ali, le Parti Communiste choisi de cohabiter dans une chambre des députés croupion avec deux députés, dont l’inamovible secrétaire général Harmel. Il reçu durant toute la durée de la dictature une obole de quelques 700 000 dinars pour survivre et publier un journal « Le Renouveau », devenu le sigle d’un parti voulant faire oublier ses turpides staliniennes après la chute du mur de Berlin. La suite, c’est la participation d’Ahmed Brahim à la dernière mascarade présidentielle de Ben Ali et sa prétention en pleine mascarade de donner le change au dictateur alors que ce dernier le traiter de pantin, ses sbires maintenant un vrai cordon sanitaire autour des moindres apparitions publique du candidat, non que ce dernier fut dangereux, mais pour mieux le ridiculiser. Mais il faut reconnaître au candidat du « Renouveau » Ahmed Brahim une carapace « pachidermique » puisqu’il daigna reconnaître la victoire écrasante du dictateur,malgré tous les coups tordus que les « cafafas » de la Destourie lui assénèrent. Et last but not least, le même Brahim comme son compère Chebbi n’hésita pas à marcher sur les cadavres des martyrs pour faire partie de l’éphémère cabinet de Mohammed Ghannouchi …
Maintenant, venant en à la tribu des “trotskystes” à laquelle vous me mêlez comme autant de « donneurs de leçons ».
Étant probablement le seul “trotskyste” dont la petite renommée dans l’éphémère microcosme militant de “gauche” de la région parisienne me fit affublé mon prénom Hamadi de “Trot” donnant un “Hamadi Trot”, je n’ai jamais été porté par l’amour des “sectes” de quelque origine qu’elles soient. Je n’ai pas adhéré à la LGO (trotskyste) parce que je ne trouvais pas opportun après la chute de Ben Ali de créer une succursale minoritaire vantant les mérites du “prophète désarmé” et se réclamant de son combat contre la défiguration stalinienne de la révolution russe.
La chute du mur de Berlin, la disparition, corps et biens du continent “soviétique” ; la conversion des “communistes” chinois en invétérés “capitaines capitalistes” qui redonne par l’intégration du continent chinois et sa nombreuse démographie (1,5 milliard) au giron du capitalisme, la prolétarisation massive du peuple chinois en petite mains des usines du monde, un répit à une crise mondiale du « capitalisme du troisième âge » (Ernest Mandel), la disparition des derniers bastions anti-impérialistes issus de la révolution coloniale, la mue sociale-libérale de la sociale-démocratie européenne, les difficultés rencontrées par les ex-guérilléros convertis aux délices de la démocratie formelle en Amérique latine et empêtrés dans la gestion, au quotidien, du “libéralisme économique” avec sa “concurrence libre et non faussée”; réclament des militant(e)s qui se réclament de l’outillage analytique critique du marxisme de forger de nouveaux “logiciels” capables de saisir les nouvelles évolutions de nos sociétés et leurs métamorphoses en vue d’actualiser le programme visant à mettre fin au règne d’un capitalisme qui a depuis longtemps épuisé son potentiel “révolutionnaire” et n’offre à l’ensemble de l’humanité que sa face “barbare” avec comme ultime implosion la disparition de toute vie sur terre.
Aujourd’hui, je continu à mettre mes pas dans ceux de Trotsky découvert très tôt dans ma prime jeunesse en lisant « Ma vie » et d’autres écrits du courant issu de la grande nébuleuse « trotskyste », choisissant « les trotskystes » qui étaient sur les barricades en ce joli moi de Mai 1968 et dont les faits et gestes étaient superbement relatés dans le témoignage du journaliste Jean Bertolino et son récit sur «Les trublions », cette « Chienlit » dénoncée par le général De Gaulle représentait à l’époque par les Jeunesses Communistes Révolutionnaires (JCR) d’Alain Krivine et Daniel Bensaïd.
J’ai rejeté les « trotkystes », « donneurs de leçons », militants de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) qui rejetèrent l’édification des barricades comme une folie et une déviation « gauchiste ». Ces mêmes « trotskystes » qui finiront à la tête du Parti Socialiste comme parfaits gentils gestionnaires du tournant social-libéral (Jospin, Cambadélis l’actuel secrétaire général du PS ou Manuel Valls l’actuel premier ministre pour ne citer que ces derniers).
Je n’ai jamais été attiré, non plus par la branche « prolétarienne » du fameux « trotskysme » dont Arlette Laguiller était l’égérie (Lutte Ouvrière).
Je milite actuellement au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) dont l’un des portes paroles est le postier Olivier Besancenot et je ne manque d’être très critique vis à vis de certaines orientations erronées de sa direction. En particulier son incapacité à faire la place qui leur revient aux représentants des « nouvelles classes dangereuses » issues des émigrations africaines. Je leur reproche de n’avoir pas su avoir pour porte parole aux côtés d’un Olivier ou d’un Poutou, un Tahar, Mamadou, ou Soukeïna… Pour le prochain congrès, qui va se tenir en janvier et où des tendances opposées s’affronteront, nous mèneront une bataille autour de ces questions.
Il y a dans mon attachement à la boîte à outils dont le couple Marx/Engels a forgé les premiers instruments, eux-mêmes transmis, à l’état brut, par des générations de lutteurs contre toutes les formes d’injustice une sorte de fidélité aux miens, à notre classe. Nous devons reprendre en assimilant la méthode de travail de nos anciens pour parfaire l’affinage d’une nouvelle génération d’instruments qui nous rend capables de forger à notre tour de nouveaux outillages appropriés à la nouvelle nature de la lutte.
Le mot d’ordre “Socialisme ou Barbarie” est plus actuel que jamais, même au plus fort des drames qui ont ensanglanté le XXe siècle et où on a approché du glas sonnant le “minuit dans le siècle”.
Le nouveau cycle révolutionnaire qui balaye la planète et dont nous n’avons été qu’un petit jalon ; et dont la formidable mobilisation récente des “hommes intègres” du Burkina Fasso qui ont mis fin au règne de l’assassin de Sankara et ses 27 années de dictature, nous avons nommé Campaoré, le Ben Ali Burkinabé, n’est pas prêt de s’éteindre, non parce que nous sommes d’invétérés « optimistes », mais au contraire parce que nous avons une lecture lucide de la crise d’accumulation qui menace les fondements du système capitaliste mondial.
Avec une Europe frappée du syndrome japonais qui assiste impuissante à l’extinction des feux de sa croissance, une Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) sauvée par l’exploitation dépassant l’entendement écologique du gaz de schiste et des sables bitumeux ; nous sommes comme qui dirait entrain de racler les fonds de tiroirs. La Chine dont les débouchés étaient exclusivement extérieurs est saisie des secousses telluriques annonçant un grave tremblement de terre et ni l’Inde ni le continent africain que l’on espère prendre la relève ne sont « mûrs », ni même « à point » pour « sauver le soldat capitalisme ».
Et ce ne sont pas les rassurantes déclarations des experts européens auditant les banques européennes dans ce qui s’apparente à des crash-test (tests de résistance) qui changeront grand chose. Le groupe des verts à l’Assemblée Européenne dénonce déjà les conclusions de ces tests de résistance montrant les failles de la batterie et la qualité des tests retenus. Ils concluent, comme de nombreux économistes critiques que la crise bancaire à venir sera aussi dévtatrice que celle de 2008.
« Surenchère révolutionnaire » dites-vous que vous prenez en sainte horreur. Depuis le début de 2008 et l’intifada du bassin minier, je mes suis investi totalement dans la lutte contre le régime de Ben Ali. Je ne me suis pas satisfait d’une posture de « donneur de leçons ». J’ai mouillé ma chemise jusqu’à la chute du tyran à laquelle j’ai pris toute ma place. Pas un représentant d’aucun courant politique de la place de Paris qui a pris part à ces mobilisations ne peut le nier et je n’en tire personnellement aucune fierté.
Construire ensemble « les contours de demain » qui se sont point écrits ! Chiche
Après la Bérézina de la « gauche » tunisienne aux dernières élections, après les déclaration tonitruante d’un élu du Front Populaire, Mongi Rahoui qui affirme sans broncher qu’il vote pour le presque nonagénaire « parce qu’il faut que le président soit issu de la majorité au Parlement » c’est-à-dire Nidaa et alors même que son porte parole Hamma Hammami concours pour l’élection présidentielle confirmant mes conclusions concernant les dérives droitières qui touchent d’importantes fractions de la dite « gauche », nous sommes dans l’obligation de reconstruire la maison commune d’une gauche vraiment de gauche.
Tirant en commun les conclusions qui s’imposent pour couper le cordant qui nous lie à tous les opportunistes, les usurpateurs, ceux qui ont fait commerce des acquis de la révolution.
Construisons avec les nouvelles générations et leur formidable énergie l’outil organisationnel qui nous manque tant pour les futures batailles. Sans sectarisme mais avec la ferme conviction de se ranger aux côtés des opprimés et des exploiteurs contre les oppresseurs et les exploiteurs.
Tout le reste n’est que bla-bla de tavernes.
imbuvable commentaire de l’auteur d’un article non moins imbuvable.
Mon cher Hamadi, Je vous trouvais injuste envers les gens d’EL MASSAR, et vous me répondez dans une quasi diatribe globalisante en faisant une recension de tous les travers d’un stalinisme dont ils sont, au mieux, un groupuscule Tunisien combattu de toutes parts, y compris par les “camarades révolutionnaires”.
Je pourrais vous exhiber mon parcours militant et vous présenter une image des communistes avec lesquels j’ai mené des luttes, des décennies durant, autrement plus juste et fraternelle avec les immigrés et autres “damnés de la terre”. Ceux-là n’ont pas rejoint les cénacles du pouvoir, ou s’ils le firent dans des conditions historiques précises, ce fut toujours sur la base de programmes de changement (Conseil national de la Résistance et Programme commun) et refusèrent de pactiser avec les reniements en les dénoçant pour finir par rompre leur “collaboration”.
Voyez-vous, l’engagement politique ou syndical ne consiste point, selon moi, uniquement dans une posture critique. Il faut savoir aller vers son risque et agir concrètement sur le réel: ” Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” écrivait René Char.
Nous verrons si les camarades Trotskystes de Rahoui et Hamma Hammami choisiront la “pureté révolutionnaire” ou la participation à une alliance avec les tenants de la Destourie. Dans un cas comme dans l’autre, ils n’auront pas mieux fait que les camarades d’EL MASSAR.
Je vous le redis, je préfère débattre avec vous, quitte à vous voir enfourcher les antiennes d’un anti-stalinisme d’attribution. L’avenir n’est pas écrit, et demain reste à construire.
La Tunisie ouvre une séquence dans sa petite histoire où tout le monde peut revendiquer une reconnaissance de ses droits de citoyen et sa place. Mais, chacun a droit à ses choix dans le cadre d’une démocratisation formelle.