Photo: leconomistemaghrebin.com
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Colère sociale au Kef, ville économiquement sinistrée

Depuis plus de 10 jours, la colère gronde au Kef. Le 8 janvier déjà, de jeunes diplômés chômeurs avaient bloqué des routes de la région et l’entrée de la ville en signe de protestation. Au cours d’une réunion, tenue jeudi 10 janvier, la commission administrative de l’Union régionale du Travail du Kef (URT) décide d’organiser une grève régionale le 16 janvier 2013.

Le syndicat explique son action par le non-respect par le gouvernement des accords conclus avec l’URT. Ceux-ci prévoyaient notamment l’impulsion du développement dans la région et la réalisation de projets visant à la lutter contre le chômage. Le secrétaire général de URT, Ibrahim El Gasmi, a ajouté que cette décision a été prise à l’unanimité des membres de la commission administrative de l’Union régionale du travail du Kef.

La marche de protestation dégénère

Les déclarations du gouverneur sur le recrutement prochain de plus de travailleurs sur les chantiers n’auront donc pas suffi à calmer les Keffois. Loin s’en faut, puisque la grève est largement suivie et l’activité complètement paralysée le 16 janvier. Une large majorité de commerces ont cessé leur activité pour respecter le mot d’ordre.

D’abord pacifique, l’importante manifestation accompagnant la grève (5000 personnes selon la TAP) a rapidement dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. Une partie des manifestants s’en sont pris aux locaux du Mouvement Ennahdha et à un poste de police en tentant de les incendier en lançant des cocktails Molotov. Sur l’une des vidéos filmées au Kef, on peu même voir un petit groupe de jeunes manifestants scander « Vive Ben Ali ! » en déroulant une affiche représentant le dictateur déchu.

La réponse sécuritaire peine à ramener le calme

Celle-ci a répliqué en faisant usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule. Selon des témoins, des membres des Ligues de protection de la Révolution ont pris part aux affrontements pour réprimer les manifestants en soutenant la police. Les affrontements se sont poursuivis jusque tard dans la soirée du 16 janvier.

Suite à ces graves incidents, la police a annoncé le lendemain avoir arrêté 17 personnes impliquées dans « des actes de violence et de pillage ». Mais, la situation ne semble pas s’être calmée pour autant. Jeudi 17 janvier, les cours ont en effet été interrompus dans certains établissements scolaires du Kef suite à des agressions perpétrées par des individus non identifiés. Des violences ont aussi été rapportées dans la journée du vendredi, pendant laquelle la police a dû utiliser du gaz lacrymogène pour disperser des individus visant le poste de sécurité de Barnoussa.

Selon des témoins contactés sur place, la reprise des cours s’est faite péniblement ce samedi matin, mais sous haute tension après les attaques et les subits par les écoles et lycées jeudi et vendredi. Dans le même temps, un rassemblement de Keffois avait lieu devant le siège du gouvernorat pour protester contre la répression et l’absence de dialogue.

Silence assourdissant du gouvernement

Le gouvernement demeure étrangement silencieux sur ces graves incidents. Seul le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi s’est exprimé pendant cette crise pour annoncer des mesures pour l’ensemble des gouvernorats de l’intérieur du pays et pas seulement pour le Kef.

Souvent critiqué pour sa gestion des crises sociales dans le centre du pays, le gouvernement brille une fois de plus par son silence et sa réponse strictement sécuritaire comme ce fut le cas à Siliana et plus récemment à Ben Guerdane par exemple.

Rached Cherif