La convention relative à la création d’un bureau du fonds qatari du développement en Tunisie est à l’ordre du jour au parlement de Kais Saied. L’initiative suscite une vive polémique dans les médias locaux. Ladite convention a été examinée par la commission des relations extérieures lors de sa réunion du jeudi 25 janvier. D’après le communiqué de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), les avis des députés divergent : certains l’estiment bénéfique pour l’économie et le développement, alors que d’autres préfèrent mettre en avant « l’intérêt général du pays », en faisant allusion à des vices tant sur le fond que sur la forme. Alors que dans les faits, les clauses des conventions se débattent et se concluent au niveau de l’exécutif. Et le rôle du parlement se limite à l’approbation ou au refus de la convention dans sa totalité, avec un vote sur un article unique.
Même convention, contexte différent
Lors du mandat parlementaire écoulé, la même convention avait été débattue en commission puis approuvée en plénière le 30 juin 2021. Elle avait obtenu la majorité des voix, soit 122 pour, 12 contre et une abstention.
Pour entrer en vigueur, la convention devait être promulguée par le président de la République. Mais des blocs de l’opposition, en l’occurrence le Courant démocrate et le Parti destourien libre (PDL) avaient déposé deux recours d’inconstitutionnalité auprès de l’Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL), dissoute en vertu du décret 117 du président Kais Saied. « Pour des raisons procédurales, nous avons recouru devant l’IPCCPL », explique à Nawaat Hichem Ajbouni, ancien député du bloc démocrate. A l’époque, l’ARP utilisait une application de vote à distance, dans le cadre des mesures exceptionnelles dues à la crise sanitaire du Covid-19. « Le vote à distance permettait aux députés présents de voter à la place de leurs collègues absents », ajoute l’ancien député. Et de renchérir : « L’ancien bureau de l’ARP (présidé par Rached Ghannouchi, ndlr) tentait de faire passer en force cette convention. Mais on n’avait pas vraiment de réserves sur le fond ». Quant au bloc PDL, il avait estimé que ladite convention représente une violation à la Constitution de 2014, notamment les articles premier, 10, 20 et 65.
Coopération internationale
Considéré comme étant proche d’Ennahdha et du mouvement des frères musulmans, le Qatar et ses initiatives suscitaient une levée de boucliers du côté des parlementaires de l’opposition. Le Parti destourien libre (PDL) de Abir Moussi, actuellement en prison, se faisait particulièrement virulent. D’où sa mobilisation contre la création du bureau pour le fonds qatari du développement sur le sol tunisien. Alors que la Tunisie abrite déjà plusieurs bureaux de coopération internationale, dont l’agence de coopération allemande GIZ qui opère en Tunisie depuis 1999, pour le compte du gouvernement fédéral allemand et de l’Union européenne. Elle collabore avec ses partenaires tunisiens, dans le cadre de plus de 50 projets et déclare « soutenir le pays dans son développement économique et démocratique ».
Idem pour l’Agence française de développement AFD, une institution financière publique qui met en œuvre la politique définie par le gouvernement français. L’AFD dit travailler notamment sur la protection des sols et l’utilisation durable des ressources en eau en Tunisie. Durant 25 ans, l’agence française soutient avoir financé 90 projets ayant permis à 1 million de personnes d’accéder à l’eau potable. Elle a accordé 40 millions d’Euros au ministère de l’Agriculture dans le cadre d’un projet de lutte contre l’érosion de la terre, au profit de dix gouvernorats, dont Sidi Bouzid, Bizerte et Gafsa, de 2008 jusqu’à 2015.
Le Fonds qatari pour le développement affiche des objectifs du même ordre, avec en ligne de mire la promotion de projets dans différents secteurs, à savoir l’industrie, l’énergie, l’éducation, la santé, etc.
Selon l’exposé des motifs du projet de loi de la convention, le Qatar a accordé en 2016, une somme de 250 millions de dollars à la Tunisie dans le cadre du congrès d’investissement 20-20, via le fonds qatari pour le développement. Parallèlement, un mémorandum d’accord a été signé pour la création d’un bureau du fonds qatari en Tunisie. De même, le fonds a injecté 82 millions de dollars au profit d’un hôpital d’enfants à Tunis.
En juin 2019, l’accord avait été officiellement signé entre le gouvernement tunisien et le fonds qatari. Cependant, il devait encore recueillir l’approbation de la majorité absolue des voix au parlement, puisqu’il s’agit d’une convention internationale, dont la valeur juridique est supérieure aux lois et inférieure à la constitution. Et voici que le Qatar est de nouveau sur la sellette, mais cette fois-ci au parlement de Kais Saied.
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