Dans son article 149, la Constitution précise que cette instance « est obligatoirement consultée sur les projets de loi relatifs aux questions économiques, sociales, environnementales, ainsi que sur les plans de développement. L’Instance peut donner son avis sur les questions se rapportant à son domaine de compétence».

L’instance constitutionnelle du développement durable et des générations futures n’a pas encore été mise en place. Sa loi organique a été adoptée au parlement le 13 juin 2019. L’élection de ses membres traîne encore, tout comme celle des autres instances constitutionnelles. « Même si l’élection des membres de l’instance n’a pas eu encore lieu, je trouve que l’ouverture des candidatures est déjà un pas », précise Afef Marrakchi, professeure en droit environnemental.

Le rôle de l’instance du développement durable, tel que prévu par l’article 2 de la loi organique qui la régit, est principalement consultatif. Elle présente son avis par rapport aux projets qui concernent le climat, le développement durable, les plans de développement et les plans d’aménagement. « Son rôle est principalement institutionnel. Elle est saisie par le parlement et le gouvernement, mais ça reste un avis non contraignant », affirme la juriste. Et d’ajouter : « Les municipalités et les composantes de la société civile peuvent à leur tour saisir l’instance. Elle constate les abus et rédige un rapport qui est soumis aux autorités concernées. Elle peut chapeauter des institutions émanant du ministère de l’Environnement, notamment l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE) ou l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL) ».

Par ailleurs, elle peut collaborer avec les autres instances, en l’occurrence l’instance de la lutte contre la corruption et celle des droits de l’Homme en cas de constatation d’affaires de corruption environnementale ou d’atteinte aux droits de l’Homme, puisque le droit à un environnement sain relève des droits universels. « Ces instances n’ont pas le même rôle et les mêmes compétences. L’instance du développement durable n’a pas un pouvoir réglementaire, alors que les autres instances peuvent prendre des mesures de sanction », explique Afef Marrakchi.

La protection des droits des générations futures relève des compétences de cette instance. Les droits des générations futures revêtent deux aspects : d’abord, le droit de l’environnement (le développement durable), ensuite le droit de la bioéthique (la protection de la condition humaine). Ces droits ne sont pas encore garantis en Tunisie, notamment avec le taux de pollution enregistré sur tout le territoire. Plusieurs régions sont victimes de l’industrie polluante, en l’occurrence Gabes et Gafsa. Les citoyens de ces régions se sont mobilisés contre le modèle de développement en place qui affecte la santé des habitants.

Dans un rapport diffusé en janvier 2021, le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES) a évoqué le « plaidoyer environnemental » et la mobilisation citoyenne contre les abus qui menacent l’environnement. La juriste Afef Nahali s’est penchée sur le rôle de l’instance du développement durable dans l’accompagnement des mouvements écologiques spontanés. « Il faut que les groupes s’organisent davantage pour assurer plus d’efficacité », insiste-t-elle.

Plusieurs mouvements écologiques ont été créés. Il s’agit notamment du mouvement « Manich Mssab » (qui veut dire je ne suis pas un dépotoir), qui a été lancé en 2018 en réaction à l’installation d’un dépôt de déchets dans une réserve naturelle à la délégation d’Agareb relevant du gouvernorat de Sfax. Par ailleurs, les habitants d’El Houaidiya à Jendouba se sont mobilisés contre un projet polluant qui menace la nappe d’eau.