Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

De nombreuses espèces se raréfient autour de nous. Nous avons détruit leurs habitats et avons créé des dysfonctionnements dans les écosystèmes naturels, dont certains sont irréversibles. Des dysfonctionnements constatés, on peut signaler la raréfaction des chauves-souris et des insectes pollinisateurs, ainsi que de plusieurs autres groupes animaux.

L’avidité du gain associée aux dogmes du productivisme nous a menés à cette situation. Le manque de suivi des milieux naturels rend la détection de ces phénomènes très ardue, surtout par des observations discontinues dans le temps. Un seul exemple : l’envahissement de tous les espaces par les déchets plastiques nous est devenu familier, sans que nous ne soyons quelque peu indignés. Nous nous familiarisons avec la laideur et nous ne posons pas de questions sur ses causes ou les manières d’y remédier !

L’extension phénoménale de nombreuses espèces exotiques et envahissantes passe tout à fait inaperçue pour la majorité d’entre nous. L’exemple de la morelle jaune est édifiant. Cette plante fait désormais partie de nos paysages, et personne ou presque ne s’interroge sur les causes et les conséquences de cette extension. Quasiment aucune voix ne s’élève pour exiger une explication du phénomène, déterminer son étendue et identifier les méthodes les plus efficaces pour le contrer (photo 1).

Champ de céréales entièrement envahi de morelle jaune (Tunisie centrale)

Ces deux exemples à eux seuls prouvent :

  1. L’incapacité de nombreuses structures en place à détecter des déséquilibres évidents de nos espaces naturels et, par voie de conséquence, de prendre les mesures nécessaires pour y remédier ;
  2. Notre retard par rapport à ceux que nous prenons souvent comme exemples en matière de gestion de notre environnement, à savoir nos voisins du nord de la Méditerranée ;
  3. La limite de notre vision du fonctionnement de la nature, comme espace capable de s’autoréguler à l’infini.

Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire de :

  1. Réclamer des comptes aux structures en charge de l’environnement dans le pays ;
  2. Revoir nos modes de vie et de consommation ;
  3. Pousser vers l’émergence d’une conscience écologique, afin de proposer des mesures urgentes pour remédier à ce qui pourrait être sauvé à temps.

Parlons du vivant maintenant. Il est clair que les espèces les plus menacées sont celles qui subissent directement des pressions de chasse et de braconnage. La chasse “légale” contribue également à la raréfaction de certaines espèces. C’est le cas de la tourterelle des bois, en danger global d’extinction et pourtant chassée légalement en Tunisie ! La mise à jour dans le pays de l’arrêté annuel de la chasse, en conformité avec le statut de conservation des espèces n’est malheureusement pas à l’ordre du jour.

Revenons au braconnage. Les espèces exposées à cette pression sont, entre autres, le lièvre et la perdrix gambra. De nombreuses populations ont été décimées, et la pression continue à s’exercer sur elles. L’outarde houbara, quant à elle, pourtant emblématique des milieux steppiques, a subi d’énormes pressions, et continue à être très recherchée, pour assouvir des désirs bestiaux. Ses populations ne cessent de régresser et ses effectifs se réduire. Les troupes de gangas se composaient au début du siècle dernier de centaines d’individus, ne sont plus qu’un souvenir…

Les oiseaux de plus petite taille ne sont pas en reste. Certains oiseaux chanteurs ont presque complètement disparu de nos contrées (le chardonneret par exemple, mais les pressions concernent d’autres espèces comme le Verdier). Une fois les grandes espèces décimées, on passe à celles de plus petite taille, comme la tourterelle maillée, ou le cratérope fauve (photo 2), dans certaines régions. Le pigeon biset a lui aussi son lot de braconnage, où on le chasse partout; sur les falaises, dans les puits ou les bassins profonds, tout comme le pigeon ramier dont les populations ne cessent de décroître sans que la pression qu’il subit ne diminue…

Cratérope fauve

Les oiseaux d’eau sont également concernés par la chasse et/ou le braconnage. Qu’il s’agisse d’espèces sédentaires ou migratrices, certaines sont vivement recherchées et chassées. C’est le cas notamment des canards et oies. Les grues, quant à elles, sont chassées de nuit dans leurs dortoirs ! Les vanneaux, surtout ceux hivernant à l’intérieur des terres, et même si leur statut de conservation est préoccupant, sont aussi chassés.

Les rapaces, pourtant difficiles à observer en raison de leur faible fréquence, sont capturés et exposés aux “touristes” pour être photographiés. Remarquons ici que ce sont les nationaux qui sont friands de ce genre de distraction sans le moindre souci des conditions dans lesquelles les animaux sont maintenus et de leur état souvent déplorable. Il y a lieu de remarquer que certaines des espèces de rapaces capturées sont rares ou en déclin (circaète, épervier…).

D’autres espèces ne sont pas en reste. Tous les grands mammifères herbivores sont en sursis, notamment celles vivant en dehors des aires protégées, et même au sein de quelques unes. N’a-t-on pas vu des dénonciations concernant le braconnage de la gazelle dorcas dans la réserve de Touati à Kairouan, par exemple ?

Les grands carnivores (loup gris, hyène rayée, pour ne citer que ces deux espèces) sont souvent tués et parfois exposés comme des trophées par des personnes croyant débarrasser le pays de créatures non désirables ! Les populations de la loutre qui habite les grands cours d’eau tendent à se fragmenter. Cet animal est victime de la chasse, de la destruction de ses habitats et de la raréfaction de ses proies principales, les poissons. Certains animaux sont parfois tués sur les routes ou meurent en se mêlant à des filets de pêcheurs dans les retenues des barrages. Les populations vivant à la périphérie de l’aire de distribution de l’espèce ont presque disparu, probablement à cause de la sécheresse et du manque de proies. Il faut remarquer par l’occasion qu’un état des populations de la loutre doit être établi. C’est aussi le cas du lynx caracal et des deux espèces de chats non domestiques dont on ne sait presque rien en dehors de quelques témoignages sporadiques de bergers…

Le sanglier, même abondant et la cause de plusieurs dégâts déplorables aux producteurs, meurt parfois d’une façon atroce, lorsqu’il est piégé dans des nasses que certains placent sur ses voies de passage (Photo 3). Ceci sans parler des nombreux animaux tués sciemment sur les routes ou dans les champs.

Nasse posée sur une voie de passage de sanglier

Les petits carnivores ne sont pas épargnés par ces tueries injustifiées. Le renard, la genette ou encore la mangouste sont souvent victimes d’empoisonnement ou sont fréquemment tués sur la route (quand est ce que nous évaluerons les effectifs des animaux tués sur le réseau routier ?). La zorille, petit carnivore, est activement recherchée, pour ses “vertus curatives” contre le cancer ! Elle est devenue rare et a disparu de plusieurs régions, à cause de la chasse et de la destruction de son habitat. Le fennec que tout le monde connaît est capturé pour être vendu ou exposé aux touristes. Mais quand est-ce que nous comprendrons que l’animal n’est pas un jouet ?

Le hérisson, animal sympathique et inoffensif, est victime des produits chimiques utilisés en agriculture, mais aussi du trafic routier. L’habitude de sa chasse pour la consommation de sa viande a tendance à régresser. Son rôle pourtant dans le contrôle des populations d’insectes est indéniable. C’est aussi le cas du porc-épic qui n’est presque plus chassé, mais dont la raréfaction est évidente. Les dérangements et la destruction de ses habitats en sont pour quelque chose.

Les amphibiens sont surtout affectés par la destruction et l’assèchement de leurs sites de reproduction. Ceux vivant dans des agro-écosystèmes sont affectés par les produits chimiques utilisés. On note aussi une grande mortalité sur les routes de ces animaux, surtout pendant leur période de reproduction lorsqu’ils tentent de passer entre deux plans d’eau séparés par une route. Des mesures de sauvetage pourraient être mises en place sans qu’elles ne soient d’un coût important, afin de préserver les populations les plus menacées.

Quant aux reptiles, certaines espèces sont sous pression constante. L’habitude de tuer les serpents une fois rencontrés semble se maintenir, même si ces animaux vivent souvent loin des installations humaines, et que nombreuses espèces ne sont pas venimeuses. Les espèces subissant d’importantes pressions sont le caméléon, la tortue mauresque (tortue terrestre), souvent vendus sur les marchés et au bord de certaines routes. Parmi les motifs invoqués pour ces pressions, le fait qu’elles « éloignent le mauvais œil » (caméléon), ou qu’on a « l’habitude de les élever » (tortue). Cette dernière espèce est parfois tuée en la bouillant dans l’eau chaude pour lui enlever sa carapace et la vernir pour la vendre ! Deux espèces sahariennes sont particulièrement menacées : le varan, chassé pour être empaillé et vendu aux touristes, pourtant constituant un prédateur des vipères et autres reptiles sahariens et le fouette-queue, un lézard herbivore très inoffensif. Cette dernière espèce est vendue vivante sur certains marchés touristiques, et l’habitude de consommer sa viande semble perdue pour les générations actuelles.

Tortue mauresque adulte

Des exemples précédents, il est clair que nous ne sommes pas encore conscients des menaces qui pèsent sur nos ressources naturelles, notamment certaines espèces animales qui se raréfient sans que nous nous en rendions compte, et sans que des mesures appropriées et efficaces ne soient mises en place pour les préserver. Le milieu naturel a des capacités limités de se régénérer, et les pressions qui s’exercent sur les habitats naturels sont telles, qu’elles rompent de nombreux équilibres fragiles. Notre vision et nos attitudes vis-à-vis du vivant sont appelées à changer, le cas échéant, les conséquences seraient dramatiques, notamment pour des espèces dont la distribution globale est restreinte.

Nous sommes également appelés à prendre soin de notre environnement physique, en réduisant les déchets non dégradables, notamment le plastique. Il est temps que des mesures fermes soient prises pour bannir le plastique à usage unique et remplacer les emballages par du papier ou d’autres matières recyclables (le verre par exemple).

Nous ne pouvons détériorer davantage notre en environnement déjà pollué. Les générations futures ne nous pardonneront pas notre laisser-aller.