Cette éclaircie a néanmoins été atténuée par la hausse des charges d’exploitation qui a connu une envolée des achats d’approvisionnements consommées. Ceux-ci ont presque quadruplé en l’espace d’un an, ils ont atteint 118,7 millions de dinars en 2014, contre 31,8 millions lors de l’exercice précédent.
Carthage Cement avait profité du fait que sa production atteigne un rythme de croisière pour se pencher sur la consolidation de ses fiances. En Février 2014, l’entreprise avait obtenu l’accord des banques sur un plan de rééchelonnement des dettes. Cet accord était vital pour sa pérennité financière car fin décembre 2013, la dette de Carthage Cement avait atteint 515 millions de dinars (plus du triple de son capital social). Un an plus tard, l’entreprise avait réussi à obtenir un réaménagement de ses crédits ainsi que l’obtention d’un crédit supplémentaire.
Carthage Cement a ensuite opéré un repositionnement sur le marché local. Elle a limité la vente de Clinker (matière première du ciment) afin de se focaliser sur la vente de ciment. Cette stratégie a été payante : L’entreprise a triplé sa part de marché en l’espace de trois ans, elle est passée de 6,68% au premier trimestre 2014 à 19% quatrième trimestre 2016, pour occuper la seconde place du marché tunisien, derrière la Société de Ciments d’Enfidha (SCE) et ses 20,69%.
Entretemps, les exportations de ciment ont connu une certaine régression, dues à la baisse de la demande en Algérie. Ces dernières années, l’entreprise a fait face à un handicap majeur lié à l’infrastructure : Carthage Cement n’avait pas de voie ferrée lui permettant d’acheminer sa production vers un terminal vraquier dans un des grands ports tunisiens. Ses exportations sont restées limitées aux voies terrestres, principalement vers l’Algérie. En Juillet 2015, le cimentier a dû négocier avec les ministères du Transport, des Finances et de l’Industrie afin d’obtenir l’autorisation d’exporter via les ports maritimes et enfin s’ouvrir au marché européen.
Des perspectives de marché prometteuses
Le secteur du ciment constitue un élément stratégique de l’économie tunisienne. Or, sur les huit cimenteries du pays, seulement deux sont étatiques (Les Ciments d’Oum El Kélil et Les Ciments de Bizerte) et une est confisquée (Carthage Cement). Les cinq restantes appartiennent à des multinationales : Colacem (Italie), Cimpor (Portugal), Cementos Molins (Espagne), Cementos-Portland-Valderrivas (Espagne) et Secil (Portugal).
Selon une étude publiée fin 2015 : « Il existe actuellement en Tunisie une divergence entre offre et demande de logements. En effet, 70% de la population du pays appartient à la classe moyenne tandis que 70% de l’immobilier construit en Tunisie est de l’ordre du haut standing. […] Un programme spécifique […] qui démarrera en 2016, permettra de construire entre 6 000 et 10 000 logements sociaux par an […] au profit des familles nécessiteuses […] De même, il est prévu par les pouvoirs publics d’investir un montant de 747,1 millions de dinars pour le développement de l’infrastructure routière, de 64,5 millions de dinars pour la protection de zones urbaines et le littoral et de 165,7 millions de dinars pour l’aménagement du territoire et l’habitat ».
La production nationale de ciment est de 10,45 millions de tonnes par an (dont 22,4% sont issus de l’usine de Carthage Cement), pour une demande locale de 7,85 millions de tonnes. L‘industrie du ciment produit donc un surplus de près de 4 millions de tonnes de par an. Ce surplus est un atout pouvant permettre à l’Etat d’équilibrer sa balance commerciale, en cette période d’aggravation du déficit budgétaire, vu le potentiel qu’offre le développement urbain des pays africains et la reconstruction de la Libye.
De l’aveu de Radhi Meddeb : « l’outil industriel dont dispose Carthage Cement est la Rolls Royce du secteur. Il n’a pas d’équivalent en Tunisie. C’est un actif de très grande qualité que l’on devrait préserver et développer au service de la collectivité ».
Pour Adel Grar, directeur général d’Al Karama Holding, « l’usine Carthage Cement et la qualité de sa production, considérée comme l’une des meilleures qualités de ciment, constituent des facteurs à même de conférer une valeur ajoutée à la société lors de sa vente ». Pour preuve, dès le lendemain de l’annonce de la ministre des Finances sur la cession des parts de l’Etat dans le capital de Carthage Cement, la Bourse de Tunis a connu une hausse exceptionnelle avec une capitalisation de 133 millions de dinars. Le titre de Carthage Cement a été le plus sollicité de la place financière, jusqu’à trois jours après cette annonce.