Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
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Photo par Callum Francis Hugh, Nawaat.

« 10 %! »

Les résultats de la présidentielle montrent finalement que les adeptes de l’ancien régime ne pèsent finalement qu’un petit « 10 % » de la population en âge de voter.

Cela est confirmé par les voix qui se sont portées sur le presque nonagénaire, rescapé de la Destourie, et véritable patriarche de la bourgeoisie tunisienne.

Et ce ne sont point les jeunes « Chicagos boys » qui brassent beaucoup de vent, qui peuvent aujourd’hui prétendre à la relève.

Ce dernier a obtenu, en somme, les même voix que le parti qu’il a réussi à mettre sur pied pour sauver les meubles des anciennes classes dominantes.

Si Nidaa, l’auberge espagnole de la Destourie a obtenue 1.285,539 voix (35,89%) aux législatives, le patriarche, BCE, a obtenu 1.289,384 (39,48%).

En cela les élections, qui restent un miroir déformant de la réalité, donnent quand même une indication sur le véritable poids de la bourgeoisie tunisienne et ses « 70 voleurs » : « 10 % » de la population. Pas de quoi pavoiser.

Au regard du poids financier pour l’achat de voix et l’utilisation, pied au plancher, de tout le panel médiatique (journaux papiers et électroniques, radios et télés) le résultat est plutôt maigrichon.

Un « tartour » peut en cacher un autre

Venant en à notre « tartour » national, nous avons nommé le président provisoire actuel, Moncef Marzouki. outre que personne n’a relevé que ce dernier passera dans l’histoire comme le candidat jamais « officialisé » de Ghanouchi, le gourou d’Ennahdha ; le voici en deuxième position avec à peu près les mêmes voix que celles obtenues par la formation de son parrain : 1.092,414 (33,43%) en lieu et place des 937,294 voix décrochées par la formation des « marchands du temple ».

Là aussi, il n’y a pas de quoi fouetter un révolutionnaire ! Les deux « partis » du clan de la conservation ne pèsent qu’un petit 20 %. On est loin de la prétention à l’hégémonie.
C’est à peu prés le poids de la droite française, UMP et FN réunis.

La leçon de ces deux élections, législative et présidentielle, c’est finalement le poids de l’abstention ou du boycott1. Comme pour les législatives, si un tiers de la population en âge de voter s’est finalement rendu aux urnes, deux tiers de cette même population a préféré rester chez elle.
Et ce ne sont plus des prévisions, ni des sondages mais les résultats réels et définitifs.

Le presque nonagénaire, comme nous l’avons prédit, est de ce fait l’un des plus vieux présidents que la Tunisie s’honorera d’avoir porté à la magistrature suprême et cela en plein boum révolutionnaire.

Et au contraire de ce que nos « démocrates » ne cessent d’ânonner, la responsabilité de cette déconvenue est toute entière portée par notre « gauche » frontiste.

Notre « Ould Echaab » améliore le score de sa formation, le Front populaire : 255 529 (7,82%) en lieu et place des 120,815 et 3,38 % des votants. Il arrive néanmoins bon troisième, bien loin derrière notre « tartour » national.
Bien piètre prestation, au final ; n’en déplaisent à ses groupies, nationales et étrangères de la dernière heure.

Ceux qui mordent la poussière !

Mais les deux personnages qui ont mordu la poussière à l’occasion de cette présidentielle c’est bien l’indécrottable « présidentiable » Néjib Chebbi, qui avec à peine 34,025 voix et la quasi extinction de son parti croupion est « dégagé » par la grande porte de la scène politique ; et le président du perchoir de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar, qui avec ses 21,989 voix et un parti fantomatique, disparu des écrans de la représentation national, pourra toujours profiter de sa retraite de « constituant » !

Le programme d’une gauche vraiment de gauche

Nous ne lisons pas dans le mare du café et ne sommes point portés sur les prédictions, mais un candidat d’une « gauche vraiment de gauche », se battant pour faire « rendre gorge » au vol et à la rapine des « 70 voleurs » qui ont fait « main basse » sur le pays ; qui aurait réclamé qu’enfin les même « 70 voleurs » payent leurs dus ; que nos richesses ne soient plus spoliés par des « harkis » alliés à des représentants de la « phynance internationale », que nos terres ainsi que les « bijoux de familles » ne soient plus bradés au plus offrant ; qu’enfin avec notre formidable mobilisation nous puissions mettre le pays en ordre de marche pour la satisfaction des besoins des « 2 tiers » du pays réel, autrement dit la majorité de la population ; un programme pareil nous aurait donné, sans contestation possible, la majorité…

« Le courant chaud de la révolution »

Ce qu’oublient les « militants de la vingt cinquième heure », c’est que nous sommes toujours dans « le courant chaud de la révolution ».

Au contraire de ce que le parti de la revanche imagine, nous n’avons pas été défait. Même le poids militaire de l’armée du maréchal Sissi, en Egypte, les massacres et les arrestations de masse, n’ont pas ramener le cours de la révolution « inter-arabe » dans la lit du fleuve.

En Libye, le candidat au grade de « Maréchal », le général et ami de notre nonagénaire BCE, Haftar, n’a pas réduit les poches de résistance, et ce malgré les moyens mis à sa dispositions par des alliés « impérialistes » qui nous veulent du bien.

Chez nos voisins algériens, la dégringolade du prix du baril de la crotte du diable (le pétrole), à l’échelle internationale, par la concurrence du gaz et pétrole de schiste américain, empêchera la bourgeoisie rentière de ce pays de calmer la poudrière algérienne par un saupoudrage temporaire de dinars dévalués et qui s’apparentent de plus en plus à de la monnaie de singe.

La monarchie marocaine qui a profité du malheur de ses voisins, voyant un petit millier de « patrons voyous tunisiens » délocalisés, ne peut rêver d’une stabilité éternelle. Le roi, bouffi de drogues diverses et variées est comme son confrère algérien à deux doigts de rendre son tablier de patron.

C’est dire que, comme nous l’avions indiqué, notre cours révolutionnaire a de beaux jours devant lui, n’en déplaisent aux Cassandre.

Une victoire à la Pyrrhus

La victoire de la Destourie avec une petite majorité à l’assemblée et un patriarche/président est une victoire à la Pyrrhus.

L’inflation atteint encore des plafonds. 6 % cette année. A titre de comparaison l’inflation mondiale est contenue dans une fourchette comprise entre 1 % et 2 % !

La croissance peine à décoller des 2 %. Le modèle économique mis en place par le « thermidorien » Hedi Nouira avec les lois d’Avril 1972 est en voie d’extinction. Aucun nouveau modèle n’est envisagé, mis à part la continuation de la vente à la découpe de nos richesses (Hydrocarbures, phosphates, eaux fossiles, ainsi que nos terres) aux étrangers.

Et ce ne sont pas les jeunes pousses regroupés dans Afek (Perspectives!) qui font la démonstration du contraire.

Le taux d’investissement retombe à son niveau plancher de 20 % du PIB. La moitié de cet investissement est tiré par la dernière vague de « constructions anarchiques » et quelques travaux publics !

Baisse de 12 % des investissements dans le secteur industriel et stagnation de la production en relation avec l’extinction des moteurs économiques de nos principaux partenaires européens, la France et l’Italie.

Les dépenses de la caisse de compensation se sont alourdies passant de 1500 millions de dinars en 2010 à 5500 millions de dinars en 2013 et une prévision de 7000 millions de dinars pour 2014 !

Le service de la dette crève les plafonds en passant de 3600 millions de dinars en 2010 à 4400 millions de dinars en 2013, presque l’équivalent de l’investissement public, 4800 millions de dinars !

Cerise sur le gâteau, le déficit commercial continu de se creuser avec une baisse des exportations de 1,8 % et une augmentation des importations de 7,9 %, surtout pour des produits de « luxe ».

Face à ce sombre tableau que restera-il au futur gouvernement formé par les conservateurs (quelle que soit la combinaison envisagée) ?

Point de carottes !

Nos voisins égyptiens ont expérimenté le retour en force des « foullouls » avec le Maréchal Sissi. Ce fut l’assassinat de plusieurs milliers d’égyptiens et l’ « encasernement » de dizaines de milliers d’autres. Peine perdue, le mouvement social a été virulent tout au long de l’année 2013 et début 2014 avec des milliers de grèves, en particulier dans les bastions industriels.

En l’absence de carottes, n’en déplaisent encore une fois à nos « démocrates » qui continuent à donner le bon dieu sans confession à nos partenaires occidentaux pour « faire de l’expérience démocratique tunisienne une véritable leçon de chose » ; il n’y a point d’issue que la répression des nouveaux mouvements sociaux dont la Tunisie est grosse.

L’année 2013 a connu une bonne moisson de grèves même si elles n’ont pas eu l’ampleur et la vigueur des années du début de la révolution (2011/2012).

La nouvelle année 2015, celle d’une austérité annoncée, avec un budget qui va encore chercher à faire payer la facture aux mêmes, les classes populaires, s’annonce comme l’année d’une nouvelle séquence révolutionnaire.

Celle-ci prendra la relève des séquences « constituante » et « électorale » qui ont fait patienter une grande partie de la population qui a crû à la logique institutionnelle.

La forte abstention aux deux échéances électorales est un indicateur du retour de la question sociale sur le devant de la scène.

Avec la faillite des combinaisons « frontistes » il est plus que jamais nécessaire de repenser les formes d’organisation pour se munir de l’outil qui permettent aux futures mobilisations d’atteindre leurs objectifs. Les expériences espagnoles avec Podemos et le mouvement des indignés peuvent nous éclairer sur les pistes à emprunter pour nos prochaines batailles et nos victoires.

Notes

1. Un autre exemple qui éclaire l’importance de l’abstention : la France pays où sont regroupés la majorité de la diaspora, environ 800 000 personnes, majoritairement adultes, parce que travailleurs immigrés. Le total des inscrits sur les listes électorales de France Nord est d’à peine 73,567. Le total des votants est de 36,923 soit 50,19 %.
Marzouki arrive en tête avec 14,630. C’est un peu mieux que le résultat de l’organisation qui le parraine en sous main, Ennahdha, (10 177 voix aux législatives).

BCE le talonne avec 12,793, moins bien qu’aux législatives pour Nidaa : 13,454.

Notre « Ould Echaab » arrive bon troisième avec 3,931, bien mieux que son fidèle et dévoué lieutenant du Parti des Travailleurs : Adel Thabet. (1,386).