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En cette année 2014, centenaire du basculement de l’Europe dans la barbarie, me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m’avez fait une trentaine d’années durant sur votre territoire, d’avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu’ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches en cette année, apothéose de la destruction et de la haine sous l’empire d’un capitalisme financier avide et rapace ?

Vous êtes sorti sains et saufs des terribles guerres de la destruction et de la haine, vous avez conquis les cœurs avec les principes ayant réduit à néant la haine nazie. À la sortie de ces guerres, la seconde surtout, et malgré une crise économique terrible, votre continent est apparu rayonnant dans l’apothéose de sa célébration des valeurs humanistes, allant les porter sur d’autres continents dont les enfants sont venus faire couler leur sang pour votre cause pour faire triompher les valeurs universelles des droits de l’Homme.

Le rayonnement de l’Europe hors ses frontières a couronné sa vocation incarnée par un grand siècle de travail, de vérité et de liberté malgré les affres de la colonisation. Mais quelle tache de boue sur son nom — j’allais dire sur celui de chaque Européen — que ce qui se passe à Gaza, camp de concentration postmoderne où le capitalisme financier avide et rapace se fait apocalypse.

Cela ne fait qu’étendre le rayon de cet autre abominable holocauste moderne en Méditerranée; même les pays européens du sud vous accusant enfin d’absence coupable au lendemain d’afflux de nouveaux arrivants de pays du sud de la Maditerranée. Cette Europe absente du malheur de ceux qui furent tant pour son honneur est soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, l’Europe a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre responsabilité qu’un nazisme mental rampant renaît et prospère en Méditerranée et au-delà.

Puisque des Européens dignes ont osé fustiger l’insensibilité d’une Europe absente, j’oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si des voix justes ne le faisaient pas, montrant la voie de justesse et de justice. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre des innocents qui meurent aujourd’hui à Gaza et depuis longtemps en fond de Méditerranée ou qui expient dans la plus affreuse des tortures morales un crime qui n’en est pas un, celui d’avoir osé se révolter contre une condition humainement indigne que vos financiers entretiennent chez eux.

Et c’est à vous, responsables irresponsables d’Europe, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d’ancien diplomate venant du sud de la Méditerranée et d’Arabe musulman dénonçant les accointances de ceux qui cultivent la haine entre les peuples et les cultures et font la culture de la xénophobie et du racisme. Pour votre honneur, je suis convaincu que vous l’ignorez. Et à qui donc dénoncerai-je la tourbe malfaisante des vrais coupables, si ce n’est à vous, les premiers concernés de l’honneur de l’Europe ?

Antisémitismes et holocaustes

La vérité d’abord sur le soi-disant antisémitisme anti-juif qui se nourrit d’un antisémitisme anti-musulman. Mais est-il besoin de s’étendre sur ce qui est aussi évident que la lumière d’un soleil de midi ? Une politique néfaste est sans fondement sérieux, sans utilité véritable, oublieuse de la légalité internationale d’un partage guère juste, mais bien plus équitable que la politique de rechange qu’on pratique et qui se satisfait du maintien de tout un peuple dans la condition qui était imposée à celui à qui -on a voulu rendre justice d’une injustice dont ce peuple aujourd’hui injustement traité est absolument innocent.

La vérité ensuite sur la prétendue politique d’immigration et sur le système visant son contrôle. Une politique néfaste est sans fondement sérieux, sans utilité véritable, c’est la politique migratoire d’Europe, supposée lutter contre la clandestinité alors qu’elle la maintient et la créé. Elle est le symbole de la faillite morale de l’Europe. On ne mesurera le degré abyssal de son inanité que lorsqu’une enquête loyale aura établi nettement ses apories et ses responsabilités dans les drames récurrents en Méditerranée. Cette politique apparaît la stratégie la plus fumeuse, débordant de mythes, se complaisant aux moyens de science-fiction, les préjugés éculés, les techniques du bouc émissaire, le soupçon de voir derrière tout voyageur un immigrant. C’est cette politique aveugle et autiste qui fait de la Méditerranée un charnier. C’est elle qui dicte aux États du Sud le diktat d’une coopération axée sur la répression et l’immobilisation des élans de liberté humaine. Et je n’ai pas à tout dire les ressorts incongrus de cette politique et ses fondements illogiques, qu’on les examine, on trouvera. Je déclare simplement que la politique migratoire de l’Europe représentée par le système Frontex — cette agence européenne chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’UE — est, dans l’ordre des degrés de responsabilités, la première coupable de l’effroyable catastrophe humaine qui est commise et entretenue en Méditerranée.

On sait pourtant bien que l’immigration n’existe plus et que s’il y a clandestinité, c’est la fermeture des frontières qui en est la cause. Des études scientifiques ont été menées et elles sont légion, toutes démontrant la double erreur manifeste de la politique migratoire européenne. Celle-ci montre avec quel esprit superficiel on avait étudié la question de la circulation des humains, car un esprit raisonné ne peut que comprendre qu’il ne s’agit ni d’émigration ni d’immigration là où il y a circulation qui est durable tant qu’elle est possible, sans entraves. On a cherché plutôt à en faire une affaire de politique interne, des immigrants à empêcher de venir s’installer en Europe et à en expulser s’ils y arrivaient. Et, sans que je veuille refaire ici une histoire connue en partie, Frontex ne peut empêcher les gens d’entrer dès qu’un premier soupçon tombe sur eux, transformant le simple voyageur en immigrant du fait qu’on l’empêche de circuler librement. À partir de ce moment, c’est lui qui a inventé la clandestinité, sa responsabilité devient son fait. Aussi, il se fait fort de chercher à démontrer une vaine utilité au lieu de reconnaître son échec et l’absurdité de sa stratégie. Il y a bien les politiques des pays du sud de la Méditerranée dont le sens du service de leurs compatriotes semble médiocre ; il y a bien leurs diplomates en Europe qui paraissent avoir cédé aux diktats des pays hôtes, et les militants associatifs dont la conscience a pu s’accommoder de beaucoup de choses, dont la fausse inéluctabilité des frontières. Mais, au fond, il n’y a d’abord que le système Frontex qui les mène tous, qui les hypnotise, car il s’occupe aussi de démagogie, d’idéologie, d’un supposé libéralisme, il magnifie la liberté des marchandises sans entraves. On ne saurait concevoir la déchéance à laquelle il a soumis les créateurs de ces marchandises, les hommes, traités moins bien, réduits à moins que rien au nom d’un libéralisme avarié réduit à une économie capitaliste sauvage aux conséquences monstrueuses, fruit d’une démence torturante.

Ah ! cette politique migratoire d’Europe, elle est un cauchemar, pour qui la connaît dans ses détails vrais ! les pays européens ferment leurs frontières aux ressortissants des pays du Sud qui ont versé leur sans pour leur liberté et sué à fond pour leur relèvement économique. on les amenait par charters en ces temps-là, et la clandestinité étai encouragée. Et la fermeture supposée provisoire a duré, comme dans une chronique du XVe siècle, au milieu du non-sens, avec une complication d’expédients farouches, tout cela basé sur une seule conviction enfantine, cette hantise imbécile d’être envahi par ceux qui ont contribué à la prospérité européenne qui n’était pas seulement une trahison vulgaire, qui était aussi la plus impudente des escroqueries, car les fameuses causes de la fermeture des frontières se trouvaient presque tous sans valeur. Si j’insiste, c’est que l’œuf est ici, d’où va sortir plus tard le vrai crime, l’épouvantable déni de justice dont l’Europe est malade. Je voudrais faire toucher du doigt comment l’erreur stratégique a pu être possible, comment elle est née des machinations des xénophobes , comment les vrais libéraux et démocrates ont pu s’y laisser prendre, engager peu à peu leur responsabilité dans cette erreur, qu’ils ont cru devoir, plus tard, imposer comme la vérité sainte, une vérité qui ne se discute même pas. Au début, il n’y a donc, de leur part, que de l’incurie et de l’inintelligence. Tout au plus, les sent-on céder aux passions nationales du moment et aux préjugés de l’esprit du temps. Ils ont laissé faire la sottise.

Tribunal de la conscience

Mais voici l’Europe devant le tribunal de sa conscience. Le huis clos le plus absolu est exigé sur les méthodes criminelles pour repousser coûte que coûte les supposés futurs clandestins. Le territoire européen est menacé d’invasion. La nation est frappée de stupeur, on chuchote des dangers terribles, de ces calamités monstrueuses qui indignent l’Histoire ; et naturellement la nation s’incline. Il n’y a pas de politique meilleure, elle applaudira à la répression tous azimuts de la moindre circulation suspecte, elle voudra que les étrangers restent sur leur continent d’infortune, jadis et encore la proie des puissances du Nord. Est-ce donc vrai, les choses indicibles, les choses dangereuses, capables de mettre l’Europe en flammes, qu’on a dû enterrer soigneusement derrière ce huis clos ? Non ! il n’y a eu, derrière, que les imaginations romanesques et démentes de politiciens soucieux de sauvegarder leur carrière sur un fonds de commerce juteux : la chasse au clandestin. Tout cela n’a été fait que pour cacher le plus saugrenu des romans-feuilletons : leur propre responsabilité dans la création dudit mythe du clandestin. Et il suffit, pour s’en assurer, d’examiner attentivement le résultat de l’action du système Frontex depuis sa création.

Ah ! le néant de ce système de protection des frontières extérieures ! Que des drames aient pu être tolérés en Méditerranée pour en sauvegarder la pérennité, c’est un prodige d’iniquité. Je défie les honnêtes gens de trouver la moindre utilité au système Frontex, sans que leurs cœurs bondissent d’indignation et crient leur révolte, en pensant à l’expiation démesurée, là-bas, aux points de départ des flux des damnés de la terre où leurs dirigeants continuent à dicter leurs lois. Ces gens veulent circuler, crime ; on n’a pu les maintenir sur place, dans leur misère, crime ; ils veulent s’expatrier pour gagner de quoi vivre, crime ; ils sont laborieux, ils ont plein de projets en têtes à réaliser, crime ; ils ne contentent pas de la misère dans leur pays, crime ; ils voyagent, crime. Et les naïvetés d’argumentation, les formelles assertions dans le vide ! On nous avait parlé de péril imminent en Europe si l’on ouvrait les frontières : il y est déjà en fin de compte, malgré la fermeture des frontières ou à cause d’elle ; et on voit même que les extrémistes veulent encore plus, transformer l’Europe en camp retranché. On voit aussi des partis gagner des élections sur des mensonges qu’autorise la politique actuelle en matière migratoire. Nous ignorons encore de quoi sera faite leur politique demain , mais il est certain que tous ne se satisfont pas de xénophobie, car le racisme en est la fatale issue ; et il est à remarquer, en outre, que tous ces partis n’appartiennent pas à la droite extrême. C’est un procès de famille, on est là entre soi, et il faut s’en souvenir : la xénophobie a voulu conquérir l’Europe, l’a conquise, et elle veut arriver à sa fatale issue.

Donc, il ne suffisait de faire de l’étranger le bouc émissaire, il fallait aussi y ajouter un mythique péril islamiste artificiellement mis en place. Et, dès lors, comme l’on comprend l’obstination désespérée avec laquelle, pour justifier l’injustifiable, on affirme aujourd’hui la nécessité de renforcer le dispositif répressif actuel malgré la multiplication des drames dont il est la cause directe; c’est moins devant les victimes qu’il faut s’incliner, mais devant le système répressif obsolète de l’Europe érigé en Bon Dieu invisible et inconnaissable ! Je la nie, l’utilité de cette politique, je la nie de toute ma puissance ! Une politique ridicule, oui, peut-être utile en trompe-l’oeil. Mais une politique servant la défense nationale, qu’on ne saurait délaisser sans que l’Europe fût envahie demain, non, non ! C’est un mensonge ! et cela est d’autant plus odieux et cynique qu’ils mentent impunément sans qu’on puisse les en convaincre. Ils ameutent le peuple, ils se cachent derrière sa légitime émotion, ils ferment les bouches en troublant les cœurs, en pervertissant les esprits. Je ne connais pas de plus grand crime civique.

Voilà donc, responsables d’Europe, les faits qui expliquent comment une erreur de politique a pu être commise ; et les preuves morales, les vraies motivations des soi-disant immigrants, l’absence de motifs pour s’installer si la circulation est possible, le continuel potentiel d’amour dont continue à jouir l’Occident dans le Sud, même s’il vire en dépit, achèvent de montrer votre politique migratoire comme le produit des extraordinaires imaginations d’esprits dépassés par les événements, d’un milieu xénophobe rappelant une chasse aux « sales juifs », qui déshonore notre époque.

Et nous revenons à la fermeture des frontières. Depuis leur fermeture, beaucoup de consciences restent troublées profondément, s’inquiètent, cherchent, finissent par se convaincre de l’inutilité de cette décision qui devait être provisoire.

Je ne ferai pas l’historique des doutes, puis de la conviction des dirigeants des pays de l’Europe du sud confrontés les premiers à l’afflux des demandeurs du droit inaliénable de l’Homme à la libre circulation. L’inutilité de la politique sécuritaire de l’Europe en matière migratoire, son inutilité même ne fait plus de doutes auprès des responsables depuis longtemps; toutes les études sérieuses avaient abouti à cette constatation. Mais l’émoi était grand, car la reconnaissance de l’obsolescence de cette politique entraînait inévitablement le retour à la libre circulation humaine ; et c’était ce que l’état-major à la tête du système Frontex ne voulait à aucun prix.

Immigration et xénophobie

Il dut y avoir là une minute psychologique pleine d’angoisse dans les instances européennes lorsque Giusi Nicolini, maire de Lampedusa, a osé dénoncer un holocauste moderne en Méditerranée, estimant la politique migratoire européenne inhumaine et que l’Union européenne n’a pas tiré les leçons des drames récurrents. Qu’est-ce à dire sinon qu’ils sont le produit d’un nazisme mental rampant qui gagne jusqu’aux consciences libres eu Europe sur la base de mythe, dont le plus granguignolesque est celui de cette lubie d’une prétendue Eurabia que ne peut faire germer et à laquelle ne peuvent croire que des cerveaux malades. De fait, il est un Alzheimer politique qui se propage dans le monde; et il est à dénoncer comme n’étant qu’un vieillissement cérébral problématique qui ne devient maladie que par la médication supposée le guérir. Ce sont les médicaments prescrits pour l’Alzheimer qui en font une maladie, comme ce sont les mesures sécuritaires qui créent la clandestinité et le mythe de l’invasion d’illusoires flux d’immigrés.

Ce sont aussi des intégrismes religieux, y compris ceux travestis en fausse apparence laïque, qui endeuillent ce monde déboussolé. Un tel dogmatisme est à l’oeuvre à Gaza; les extrémistes de tous bords y font feu de tout bois et leurs Écritures saintes sont mises à contribution. Et ce sont les extrémistes juifs qui sont les plus virulents, ne manquant point ouvertement de conforter leurs vues idéologiques en citant le livre de Josué, refaisant à Gaza les massacres évoqués par ce premier sefer des Prophètes de populations entières, les faisant périr par le feu dans ce qui n’est qu’une véritable purification ethnique.

Même les politiciens qui n’étaient compromis dans rien peuvent dire la vérité. Rares sont ceux qui osent; dans la terreur sans doute de l’opinion publique, certainement aussi dans la crainte de ne pouvoir s’attaquer au système actuel devenu trop puissant. Pour eux, ce ne fut qu’une minute de combat entre leur conscience et ce qu’ils croyaient être l’intérêt national. Quand cette minute fut passée, il était déjà trop tard. Ils s’étaient engagés, ils étaient compromis. Et, depuis lors, leur responsabilité n’a fait que grandir, ils ont pris à leur charge le crime des autres, ils sont aussi coupables que les autres, ils sont plus coupables qu’eux, car ils ont été les maîtres de faire justice, et ils n’ont rien fait. Comprenez-vous cela ! Voici longtemps que les chefs d’État européens, que les éminences européennes savent qu’il n’y plus migration ni immigration, à peine expatriation; car il n’y a que circulation pour laquelle on meurt sous leurs yeux. Qu’il n’y a pas agression arabe en Palestine, lutte contre une colonisation qui dure en violation d’une légalité internationale bien établie. Or, on ferme les yeux sur cet effroyable état des choses ! Et ces gens-là dorment, et ils ont des femmes et des enfants qu’ils aiment ! Pourtant, les enfants innocents finissant en mer et sous les décombres à Gaza ne manquent pas !

Il est quand même quelques voix qui s’élèvent faisant leur devoir d’honnêtes hommes. Ils insistent auprès des décideurs au nom de la justice. Ils les supplient même, ils leur disent combien leur attitude est impolitique, devant le terrible orage qui s’amoncelle, qui doit éclater, lorsque le drame actuel sera insupportable. Ils les adjurent par patriotisme de prendre en main la question, de ne pas la laisser s’aggraver, au point de devenir un désastre non seulement européen mais aussi mondial. Non ! Les choses doivent rester en l’état, l’état-major européen ne peut plus désavouer sa politique migratoire criminelle ni son soutien indéfectible à Israël, agressé ou agresseur.

Mais la vérité marche, irrésistible, et l’on sait de quelle façon l’orage attendu éclatera. Angelino Alfano, ministre de l’Intérieur italien, avait annoncé déjà pour l’Europe 400.000 à 600.000 migrants prêts à partir de Libye; et ils sont encore plus nombreux. Enzo Bianco, maire de Catane, a appelé le gouvernement de Matteo Renzi à décréter l’état d’urgence. Or, tous les pays du sud de la Méditerranée ne sont plus en mesure pour trop longtemps de seconder l’Europe dans son illusoire mur sur la mer, leurs peuples sont déjà ou seront irrésistiblement en effervescence pour la reconquête de leurs droits inaliénables. Et la viralité du drame atteint aujourd’hui Gaza; elle ne s’y arrêtera pas.

En Europe même, on dénonce partout de plus en plus ouvertement l’insensibilité des instances dirigeantes, Lillo Firetto, maire de Porto Empedocle, assure même que la crédibilité des institutions européennes est vacillante alors que l’on doit faire face à des chiffres insupportables. On fustige l’Union européenne, on trouve l’Europe totalement absente. Et le président du conseil italien d’affirmer qu’il n’était pas possible de sauver des Etats, des banques, puis de laisser mourir des mères avec leurs enfants, prolongeant les dénonciations du pape François fustigeant une mondialisation de l’indifférence. Et que fait l’Europe pendant ce temps ? Tout juste la garantie du plein soutien de la Commission avec tous les moyens disponibles aux États membres les plus exposés, ainsi que l’a soutenu Michele Cercone, porte-parole de la commissaire européenne aux Affaires intérieures Cecilia Malmström.

Cela ne concernait que la terrible question des clandestins; voyez ce qu’il en est avec les autres clandestins de la légalité, ces terroristes qu’Israël prétend combattre en usant bien plus qu’eux de terrorisme, celui d’un État qui se défend moins qu’il n’agresse étant déjà un colonisateur.

Pourtant, des témoignages montrent certains de ses dirigeants, comme en Europe, d’abord affolés, pris par le remords, prêts à tout. Puis, tout d’un coup, ils payent d’audace, ils étonnent le monde par l’arrogance de leur attitude. C’est que du secours leur était venu, ils avaient réussi à s’assurer l’indéfectible coopération à leur ineptie, tant palestinienne que migratoire, des responsables des pays de départ des flux dits migratoires et des frères ennemis arabes. Leur œuvre, la culpabilité des apatrides de Palestine comme des expatriés du sud, était en péril, et fallait à tout pris défendre cette œuvre. La révision de la politique migratoire, mais c’était l’écroulement du roman-feuilleton si extravagant, si tragique, dont le dénouement abominable a lieu au fond des eaux de la Méditerranée ! Le retour à la légalité internationale, mais c’était l’écroulement du mythe si aberrant, si dramatique, dont le dénouement abominable est la perpétuation des massacres d’un État colonisateur, actuellement à Gaza ! C’est ce qu’on ne pouvait permettre. Dès lors, le duel est entre les tenants de la vérité à venir et le mensonge saturé, en voie d’effacement, l’un le visage découvert, l’autre masqué. On les retrouvera prochainement tous deux devant la justice de l’histoire. Au fond, c’est toujours l’état-major européen qui se défend, qui ne veut pas avouer son crime, dont l’abomination grandit d’heure en heure. Israël est en danger, il faut le protéger quand c’est lui qui met en danger tous es peuples de la région qu’il asservit au lieu de leurs céder leurs des droits reconnus depuis 1947.

Et le beau résultat de cette situation prodigieuse est que l’honnête homme, là-dedans, celui qui compose les peuples d’Europe, va être la victime des partis extrémistes, celui qu’on bafouera et qu’on punira. Ô justice, quelle affreuse désespérance serre le cœur ! Il va jusqu’à dire voter extrême par dépit, lui faire endosser des sentiments xénophobes et racistes. Le joli de l’histoire est que ceux qui votent pour les partis extrémistes ne sont pas tous justement extrémistes. Oui ! nous assistons à ce spectacle infâme, des partis perdus de valeurs et de crimes pour lesquels vote une minorité devenue majorité, tandis qu’on s’abstient majoritairement réprouvant une politique contraire à l’honneur même, faisant d’innocents étrangers les boucs émissaires des problèmes nationaux ! Quand une société en est là, elle tombe en décomposition.

Voilà donc, Mesdames et Messieurs de l’Europe, des drames qu’il s’agissait s’arrêter. Si depuis quelque temps, nous pouvions suivre heure par heure la terrible besogne en Méditerranée, aujourd’hui, nous en suivons le prolongement à Gaza. J’abrège, car ce n’est ici, en gros, que le résumé de l’histoire dont les brûlantes pages seront un jour écrites tout au long. Car il est temps d’arrêter de conduire une politique scélérate d’où les coquins nationaux sortent transfigurés par l’onction électorale et les honnêtes étrangers salis quand ils ne sont pas perdus au fond de la Méditerranée. Il est temps que l’Europe convoque sa conscience !

Comment a-t-on pu espérer qu’un mur érigé sur les eaux empêcherait ce qu’un mur sur terre ferme n’a pas fait  ? Comment peut-on espérer que le massacre aveugle d’innocentes victimes civiles, même s’il est décrit dans la Bible, suffise pour que la paix revienne durable et juste ?

Pour une « poléthique » compréhensive

Je ne parle même pas du choix toujours possible des États. L’idée supérieure de la nécessaire solidarité, qui est dans l’esprit de tout Européen, ne suffit-elle à infirmer leur conception de fermeture à autrui, le voisin qui plus est  ? Qui dit solidarité dit ouverture. Les dirigeants européens ont pris une décision inique en décidant la fermeture de leurs frontières qui à jamais pèsera sur leurs économies, qui entachera désormais de suspicion toutes leurs professions de foi axiologique. La première décision d’instaurer le visa a pu être inintelligente, la seconde mettant en place le système Frontex est forcément criminelle. On nous parle des valeurs de l’Europe, on veut que nous l’aimions, la respections. Ah ! certes, oui, l’Europe qui se lèverait à la première menace, qui défendrait la paix en Méditerranée, elle a tous les peuples du sud avec elle, et ils n’ont pour elle que tendresse et respect manifestés lors des guerres mondiales. Mais il ne s’agit pas d’elle, dont nous voulons justement la dignité dans notre besoin d’une Méditerranée paisible, un espace de démocratie. Il s’agit du tout-sécuritaire, ce dont on fait le maître de la politique aujourd’hui et demain peut-être. Et baiser dévotement la poignée un tel sabre, le dieu, non !

Je l’ai démontré d’autre part : la politique migratoire était l’affaire de gros intérêts sous couvert de menace sécuritaire. Encore une fois, l’étranger ne peut redevenir innocent sans que tout l’état-major du système Frontex soit coupable. Aussi, par tous les moyens imaginables, par des campagnes de presse, par des communications, par des influences, cherche-t-on à accréditer l’idée que le visa biométrique actuel est incontournable. Or, s’il peut l’être encore pour un temps, il ne peut demeurer ce qu’il est, il doit se transformer en un visa biométrique de circulation permettant un libre mouvement dans le cade même des mesures sécuritaires garanties par l’actuel visa.

Quel coup de balai le gouvernement européen devrait donner dans cette jésuitière ! Où sont-ils, les responsables vraiment forts et d’un patriotisme sage, qui oseront tout y refondre et tout y renouveler ? Que de gens je connais qui, devant une guerre possible, tremblent d’angoisse, en sachant de quels périls est menacée la pix en Méditerranée et dans le monde ! Nous le voyons bien à Gaza. Et quel nid de basses intrigues, de commérages et de dilapidations est devenu cet asile sacré qu’est Frontex où se décide le sort de la Méditerranée ! On s’épouvante devant le jour terrible que vient d’y jeter l’affaire migratoire, ce sacrifice humain de malheureux, de « damnés de la terre » ! Ah ! tout ce qui s’est agité là de démence et de sottise, des imaginations folles, des pratiques de basse police, des mœurs d’inquisition et de tyrannie, le bon plaisir de quelques dogmatiques imposant leur conformisme au monde, lui rentrant dans la gorge son cri de vérité et de justice, sous le prétexte menteur et sacrilège de la raison du plus fort qui est celle du plus fou ! Gaza n’est pas loin.

Et c’est un crime encore que de s’être appuyé sur une presse immonde, que de s’être laissé défendre par toute la fripouille des intellectuels xénophobes, de sorte que voilà la fripouille qui triomphe insolemment, dans la défaite du droit et de la simple probité. C’est un crime d’avoir accusé de troubler l’Europe ceux qui la veulent généreuse, à la tête des nations libres et justes, lorsqu’on ourdit soi-même l’impudent complot d’imposer l’erreur, devant le monde entier. C’est un crime d’égarer l’opinion, d’utiliser pour une besogne de mort cette opinion qu’on a pervertie jusqu’à la faire délirer. C’est un crime d’empoisonner les petits et les humbles, d’exaspérer les passions de réaction et d’intolérance, en s’abritant derrière l’odieux antisémitisme — débaptisé anti-islamisme — dont la grande Europe libérale des droits de l’homme mourra si elle n’en est pas guérie. C’est un crime que d’exploiter le patriotisme pour des œuvres de haine, et c’est un crime, enfin, que de faire du tout-sécuritaire le dieu moderne, lorsque toute la science humaine est au travail pour l’œuvre prochaine de vérité et de justice.

Cette vérité, cette justice, que nous avons si passionnément voulues, quelle détresse à les voir ainsi souffletées, plus méconnues et plus obscurcies ! Je me doute de l’écroulement qui doit avoir lieu dans l’âme de certains à la Commission européenne et je crois bien qu’ils finiront par éprouver un remords, celui de n’avoir pas agi révolutionnairement, le jour de la réitération des derniers drames atroces, en lâchant tout le paquet, pour tout jeter à bas. Certains ont été de grands honnêtes politiciens, les politiques d’une vie vie loyale, ils ont cru que la vérité se suffisait à elle- même, surtout lorsqu’elle lui apparaissait éclatante comme le plein jour. À quoi bon tout bouleverser, puisque bientôt le soleil allait luire ? Et c’est de cette sérénité confiante qui a fait leur silence si cruellement coupable. Je dis que ceci est un crime de plus et que ce crime soulèvera la conscience universelle. Décidément, l’Europe se fait une singulière idée de la justice.

Telle est donc la simple vérité, mesdames et messieurs de l’Europe, et elle est effroyable, elle restera pour votre Europe une souillure. Je me doute bien que vous n’avez aucun intérêt en cette affaire, que vous êtes les prisonniers des intérêts des lobbies de votre entourage. Vous n’en avez pas moins un devoir de conscience, auquel vous songerez, et que vous remplirez. Ce n’est pas, d’ailleurs, que je désespère le moins du monde du triomphe. Je le répète avec une certitude plus véhémente : la vérité est en marche et rien ne l’arrêtera. C’est d’aujourd’hui seulement que l’affaire commence, puisqu’aujourd’hui seulement les positions sont nettes : d’une part, les coupables qui ne veulent pas que la paix s’installe en Méditerranée et dans le monde ; de l’autre, les justiciers qui donneront leur vie pour qu’elle soit faite. Je l’ai dit ailleurs, et je le répète ici : quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l’on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres. En attendant, Gaza en donne un avant-goût.

J’accuse…

Mais cette lettre est longue, mesdames et messieurs de l’Europe écervelée, et il est temps de conclure.

J’accuse l’Europe d’être responsable au Proche Orient d’une violation caractérisée du droit international en fermant les yeux sur la nécessité du retour impératif et immédiat au partage de 1947.

J’accuse les Européens d’être complices de l’État juif qui bafoue les principes démocratiques dont il se prévaut en pratiquant une guerre d’extermination du jumeau monozygote de son propore État; car sans lui, il se condamne lui-même.

J’accuse, plus largement, le système Fontex d’être responsable de l’holocauste moderne en Méditerranée, en inconscient, je veux le croire, et de chercher à perpétuer une œuvre néfaste par des allégations les plus saugrenues et les plus coupables sur sa supposée utilité. Une oeuvre qui alimente la haine et nourrit la guerre des cultures comme on le voit en Palestine.

J’accuse les politiques des pays du Sud de s’être rendus complices, tout au moins par faiblesse politique, d’une des plus grandes iniquités du siècle.

J’accuse les politiques des pays européens d’avoir eu entre les mains les preuves certaines de l’inutilité de la politque migratoire actuelle et de les étouffer, de s’être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but de politique interne et pour sauver leur pouvoir compromis par la montée des extrémismes.

J’accuse les élites du Nord et du sud de s’être rendus complices du même crime, les uns sans doute par passion judéo-chrétienne, les autres peut-être par cet esprit de singerie qui fait des élites faussement libérales l’arche sainte, inattaquable.

J’accuse les experts économiques de faire des rapports scélérats, j’entends par là des études de la plus monstrueuse partialité, dont nous savons l’impérissable monument de naïve prétention à l’utilité du visa actuel.

J’accuse les experts politiques de faire des rapports mensongers et frauduleux sur la vraie nature d’une circulation humaine, transformée en installation, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement.

J’accuse les bureaux de certains partis, au nord mais aussi au sud de l’Europe, d’avoir mené une campagne abominable, pour égarer l’opinion et couvrir leur faute.

J’accuse enfin la conscience de tout politique honnête d’avoir violé le droit et l’éthique en faisant un crime d’un acte humainement digne, et j’accuse tout intellectuel honorant la pensée d’avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique de se taire sciemment une politique européenne coupable.

Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.

Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur en Méditerranée, un lac de paix. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me contredire sur l’inutilité de la solution que je propose en lieu et place de la fermeture des frontières et consistant en l’instauration d’un visa biométrique de circulation dans la cadre d’un espace de démocratie européenne ! Qu’on ose aussi revenir à la légalité internationale, la seule juste aujourd’hui, le partage de 1945.

J’attends.

Veuillez agréer, honorables responsables d’une devise plus guère honorée, l’assurance de mon profond respect.

Farhat Othman