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D’après une note de L’Institut national de la statistique, le taux de chômage a atteint dans le premier trimestre de l’année en cours 16,5%, et ce, malgré les remaniements ministériels censés, selon les partis au pouvoir, défricher un terrain fertile d’embauche. Au lieu de tâtonner, d’essayer de colmater les brèches, ou encore de s’épauler en fin d’analyse sur la conjoncture mondiale et la « lâcheté du capital », les autorités se doivent de réagir dans une situation problématique.

Bien que l’issue, les alternatives et les moyens, soient vivement débattus sur la scène tunisienne, il n’en reste pas moins vrai qu’ils sont encore incapables de mettre un terme à ce fléau. Un fléau qui, en l’absence de solutions radicales, pourrait mettre tout le processus révolutionnaire en péril, d’après les dires du gouvernement ainsi que ceux de l’opposition. Les diplômés du supérieur comptent aujourd’hui 231 000 chômeurs.

Non sans raison, certains activistes sociaux demandent de receler dans l’immédiat le chômage en questionnant ses origines, son évolution et ses remèdes : le gouvernement n’a créé que 5800 postes d’emploi en 2012, hors secteur public et SIVP (voir le tableau « évolution du chômage de mai 2010 à novembre 2012 » publié par l’Institut Nationale de la Statistique INS) dans un marché du chômage qui dépasse les 690 000, selon la même source.

Bref, le sujet suscite encore une vive polémique nécessitant un rapprochement des acteurs sociaux, à savoir l’Union Générale des Diplômés Chômeurs (UDC). Lors de son premier congrès national (24, 25, et 26 mai), l’organisation a essayé de dresser son propre diagnostique. L’occasion pour étudier les causes et les chemins à parcourir pour mettre fin à la prolifération du chômage auprès des jeunes diplômés.

Il y deux ans, le 10 décembre, L’UDC a adressé une lettre ouverte à l’attention de l’Assemblée constituante en vue d’organiser un congrès national pour l’emploi qui s’est « étrangement transformé en un débat national autour du Nikab ». Dans l’une de ses publications, elle a beaucoup insisté sur le caractère global de la perte massive des chances d’embauche auprès des diplômés. Cela impose logiquement l’intervention de toutes les composantes de la société civile et politique pour partager les différentes évaluations et les approches adéquates.

De l’autre côté de la rive, Ali Laaryedh estime donner le meilleur de lui-même pour surmonter les retombées de ce phénomène. En témoigne, selon le discours officiel, les pourparlers avec les banques mondiales. Dans ce sens, « les concertations turco-tunisiennes pour renforcer l’investissement du capital extérieur pourrait élever l’employabilité. »

Cela semble déplaire aux leaders de l’UDC:

« Nous sommes différents sur les principes, l’esprit et les horizons ».

Absence de volonté politique et premiers signes de nostalgie à l’état policier

Selon Souhail Idoudi, membre du bureau exécutif, chargé de l’administration et du financement :

« A deux ans de la révolution, les gouvernements successifs n’ont pas su apaiser la tension sociale. Pire, le licenciement massif des ouvriers dans les différents secteurs économiques et les résultats des concours nationaux ont débouché sur des contre-effets. Les réformes entamées n’ont pas absorbé l’antagonisme social. La transparence administrative ratée a mis en échec toute tentative de lutte contre la corruption et le népotisme. »

Le jeune membre de l’UDC estime également les autorités responsables dans une certaine mesure de l’agitation sociale qui ne serait finalement que la résultante de l’incompétence de ces dernières :

« elles ont tendance à criminaliser les sit-in et les manifestations sans présenter en contrepartie une alternative sérieuse. »

Les évènements de Chaâmbi et de Kairouan provoquent aussi des craintes d’un autre genre, chez Idoudi, inquiet de les voir utilisés comme « prétexte pour opprimer les manifestations légales des chômeurs. »

Les appels à un débat national restent sans réponses ; les gouvernements ne prendraient en considération les propositions qu’en « fonction des appartenances idéologiques et politiques, non pas sur la base des besoins réels des initiateurs. »

Politique économique, cadre légal défavorable et système éducatif inadéquat

Ahmed Sassi, chargé de la communication auprès du bureau exécutif, pense quant à lui que

« le modèle économique tunisien depuis 1972 et la politique inconditionné des portes ouvertes au capital étranger a chosifié les sortants de l’université tunisienne et les a sciemmenttransformés en une marchandise prête à porter à bas prix. »

En ligne de mire ? «La pseudo-dite souplesse d’embauche [qui chercherait] plutôt à défricher le terrain aux investisseurs au détriment des droits sociaux des employés. »

Les membres de l’UDC militent ainsi pour l’annulation de ces lois injustes touchant à la dignité des citoyens actifs. « Qu’on commence alors par la constitutionnalisation du droit à l’emploi » renchérit Ahmed Sassi. La privatisation conçue pour la monopolisation des investisseurs étrangers des secteurs à productivité élevé n’aurait ainsi pas su absorber les employés licenciés du secteur public.

« Nous avons tous remarqué que l’émergence des familles mafieuses a affaibli le capital national par la facilitation de l’évasion fiscale ainsi que par la prolifération de la corruption. Sur le plan régional, Le gouvernement est conscient que la décentralisation du développement et l’un des clés nécessaires pour lutter contre le chômage. »

Toutefois, d’après le jeune homme, cette bonne intention ne mènerait nulle part si elle n’est pas épaulée par une lutte contre la corruption économique et administrative.

Le système éducatif en prend aussi pour son grade :

« L’élaboration des programmes et la création des sections virtuelles ont tourné les dos à nos besoins sociaux et citoyens. Au contraire, les taux de réussite gonflé a dévoilé l’aspect propagandiste des programmes éducatifs. »

Quelques mesures Immédiates

Le secrétaire général M. Salem Ayari avance qu’en règle générale les autorités considèreraient que les chômeurs sont un fardeau.

« C’est cet esprit même qui génère auprès des experts des solutions morphiniques. Exemple, la subvention Amal, la continuation de l’adoption des mécanismes 16, le système de délégation dans le secteur éducatif et le C.I.V.P. Il est temps que le gouvernement reconnaisse la subvention de compensation au chômage égale au smic. »

D’après Ayari, il est aujourd’hui indispensable que l’Etat garantisse aux inactifs la gratuité des soins et la couverture sociale, mais également l’exonération de toute taxation : gratuité des concours nationaux, annulation des mécanismes virtuels d’embauche.

« Toutes ces revendications ne seront incarnées que si l’état soutien la protection des investisseurs locaux face au capital étranger à travers notamment l’annulation de toutes les conventions subordonnant l’économie tunisienne à la rapacité des banques. »

La révision de la politique fiscale est également un secteur de développement économique essentiel d’après le secrétaire général : « Nous défendons à ce propos l’équité fiscale. C’est dire l’augmentation des taux d’imposition en fonction du volume des revenus. »

Plus de transparence également grâce à l’implication de la société civile lors du recrutement dans le secteur public. Les régions ne sont pas laissées en plan, à titre de discrimination positive aux plus défavorisées d’entre elles, l’Union invite à leur adresser une part de leurs richesses dans le cadre d’une démarche de décentralisation politique et économique.

En conclusion, pour le secrétaire général, La balle serait finalement dans le camp de l’Etat :

« Le gouvernement a tant de fois essayé de rassurer les investisseurs et de faciliter leur installation. Les chômeurs ont droit à un clin d’œil de sa part pour ne pas jeter le pays dans l’antagonisme social et politique ».