En pleine lutte fratricide avec tout ce qui se trouve à sa droite (essentiellement les djihadistes), Ennahdha rouvre un autre front, constitutionnel celui-ci, même si là aussi le parti s’en défend. La trêve des dialogues nationaux n’aura été qu’éphémère.
Derrière le différend constitutionnel, un bras de fer politique
Branle-bas de combat vendredi. Les ténors de l’opposition au grand complet, forts de quelques soutiens du CPR, convoquent une conférence de presse dans l’une des salles annexes de l’ANC.
La veille, les élus les plus branchés high-tech orchestrent des fuites en provenance du comité de coordination et de rédaction, réuni jusque tard le soir jeudi. Selma Mabrouk, Nadia Chaâbane et Iyed Dahmani tweetent au fur et à mesure les volte-faces d’élus d’Ennahdha par rapport à ce que l’on tenait pour des accords définitifs, ceux encore chauds du Dialogue national.
Lorsque la parole est donnée au virevoltant Dahmani, ça balance !
« La loi régit l’exercice des droits et libertés, sans contrevenir à leurs fondamentaux tels qu’énoncés dans cette Constitution », stipulait initialement un article, devenu après passage en comité de coordination « La loi détermine les fondamentaux relatifs aux droits et libertés ».
En matière de droit constitutionnel, c’est une reformulation aussi subtile que lourde de conséquences : elle transfigure totalement l’esprit de ce texte clé.
La liberté de conscience, objet de l’un des accords phares du dialogue national UGTT, subit le même sort, en passant à la trappe de l’ex article 5, tout comme le droit de grève, désormais insidieusement lié à l’encadrement syndical.
Comment expliquer un tel revirement ? Derrière cette énième machine arrière se trouve d’abord l’empreinte d’un élu : Habib Khedher, le très conservateur rapporteur général de la Constitution. Interrogé samedi sur son rôle de lobbyiste idéologique, il fait montre d’un certain mépris envers ses confrères : « Etranges que ces membres du comité de coordination : d’un côté ils veulent intégrer les résultats des accords, de l’autre ils nous interdisent de toucher aux textes », botte-t-il en touche.
En réalité tout porte à croire que la manœuvre est politique. Ce n’est pas la première fois que Khedher est le tenant d’une ligne dure à l’Assemblée. Il s’agit manifestement d’un refus tardif de donner sur un plateau des concessions au cœur des divergences fondamentales avec les progressistes.
En réponse à cette reculade, l’opposition rehausse elle aussi le plafond de ses demandes. Plus question de se contenter de réviser les derniers points litigieux. A l’issue de leur conférence, l’ensemble des partis de la minorité parlementaire réclame le retour à la version 3 du projet de Constitution, déjà considérablement retouché un mois plus tôt par la même commission présidée par Mustapha Ben Jaâfar.
Le vote consensuel du doustour aux 2 tiers s’éloigne donc à vue d’œil. Le referendum est plus que jamais dans tous les esprits.
L’étau se resserre contre Ansar al Charia
La semaine du 20 au 26 mai fut également marquée par les suites du crack down du 19 mai sur Kairouan et la Citée Ettadhamen. On se doutait bien que la réponse ultra sécuritaire donnée au meeting d’al Charia ne resterait pas sans suites, elle qui a nécessité des barrages policiers appliquant un retour au bon vieux délit de faciès barbu.
Seif Eddine Erraïes, porte-parole du mouvement djihadiste, est discrètement libéré mercredi soir, après 72 heures de garde-à-vue. Depuis l’homme se fait lui-même discret. Son groupe reste muet, mais il se dit ici et là qu’il prépare « une surprise », un grand coup, probablement un rassemblement sous forme de revanche dans une autre région.
Mi rival, mi solidaire, Ridha Belhaj, porte-parole de Hezb Ettahrir, a quant à lui promis un 2ème « meeting annuel du califat », alors qu’il avait déconseillé à Ansar al Charia de tenir leur réunion annuelle cette année.
Après que 19 émeutiers de la Cité Ettadhamen aient été inculpés et 12 autres relâchés en milieu de semaine, Rached Ghannouchi a rendu visite au bureau local d’Ennahdha à Ettadhamen, où il a qualifié les fauteurs de trouble de « Khawarej de notre temps », « qui sèment le chaos partout où ils passent. »
Principal enseignement de cette crise qui n’en est sans doute qu’à ses débuts, Ghannouchi passe du statut de « pape » à celui de politicien, contraint de se convertir à la rhétorique du « prestige de l’Etat ».
Vers une contagion de la banlieue nord
Samedi, c’est une autre poudrière socio-salafiste qui menace d’exploser à son tour : le Kram, tenu par l’une des LPR les plus radicales. Brièvement arrêtés pour avoir incité des riverains à rejoindre une manifestation non autorisée à la Goulette, « Reccoba » et Imad Deghij sont libérés dans la soirée.
Aussitôt relâché, ce dernier appelle dans un message vidéo les « révolutionnaires de droite comme de gauche » à se soulever. Tandis qu’Ali Bel Hadj, l’ex leader du FIS algérien, y est allé lui aussi de son message takfiri à l’encontre d’Ennahdha.
En marge des âpres débats à l’Assemblée autour de l’accord de prêt du FMI, c’est un autre islamiste radical qui lâche son parti d’origine, Sadok Chourou, en porte-à-faux par rapport au libéralisme économique d’Ennahdha, considérant l’idée d’intérêts financiers comme impie.
Samedi toujours, un documentaire de France 2 donne à voir le parcours de Walid Kasraoui, un blessé de la révolution emblématique d’une jeunesse aisément récupérée par la mouvance salafiste.
L’UGET contre son double
Ce weekend enfin, la palme du cafouillage revient à l’UGET, le syndicat étudiant n’ayant pas pu éviter la tenue de deux congrès distincts, entre zaâtouriens (partisans de Ezzeddine Zaâtour, secrétaire général) et sécessionnistes partisans d’une refondation.
On connaissait les divisions de l’extrême gauche, entre Watad unifié et ses sous-branches, nous avons désormais un casse-tête similaire avec une « UGET unifiée » et deux congrès les 24 et 26 mai non reconnus par une partie du bureau exécutif…
Seul motif de réjouissance pour les séparatistes, l’élection d’une jeune femme à leur tête, Amani Sassi, une première. Autrement, avec une UGTE islamiste unifiée et une jeune gauche UGET décimée par les conflits internes, rien ne ressemble plus à la vieille garde de la classe politique tunisienne qu’à la jeunesse révolutionnaire dont elle reste le prolongement.
Les partis politiques sont de gauche ou de droite !!!
Ennahda et l’islam politique, socle des valeurs et mécanismes de pouvoir, la place du consensus ? Le combat contre l’extrémisme ?
Le gouvernement de la troïka n’est pas un gouvernement islamiste, et le combat pour un vrai et utile consensus est un combat commun et collectif, aussi comme le combat contre le terrorisme, la contre bande, l’économie parallèle. A travers le dialogue national les tunisiens pourront découvrir leur capacité de travailler sur les éléments et les moyens de la réussite.
Mais c’est quoi cet islamisme politique tunisien ? y a t-il raison d’avoir peur ?
L’islam politique, jusqu’à nos jours n’a pas été identifié à travers une expérience dans un environnement démocratique. L’expérience islamiste en Turkie menée par Najmeddine Arbakane, a été avortée par l’armée malgré ses réussites en la gestion de l’administration et les ouvertures qu’il a réalisé Najmeddine sur le monde musulman, surtout asiatique, entre autre avec la création du colloque ou congrès économique annuel des pays musulmant en Asie où on trouve le Pakistan, entre autre, comme participant et grand partenaire…
L’actuel gouvernement d’Arggodane, est de sensibilité « islamique » et nationale, , ok, mais il est en plein dans la mondialisation libérale. Sa référence à l’islam n’est qu’au niveau des valeurs (…).
Le plus important pour moi est de savoir où il va se situer le mouvement ennahda dans l’échiquier social et politique tunisien ? (…) l’expérience de la dictature, la Tunisie en connait quelque chose (parti unique, culte de la personne, gestion corrompue des affaires de l’état, mafiosisation des relations économiques…). Cette expérience est –elle économiquement libérale, ou de gauche ? Peu importe, l’important est le resultat (l’héritage des 23 ans de ben Ali). La Tunisie à connu l’échec en développement sous les trois théories que la famille dite destourienne a expérimenté en Tunisie:
– Le rien du tout de Bourguiba, absence de vision et d’idée en développement (sans nier les acquis en matière des droits pour la femme, et bien d’autres…),
– Le socialisme ‘’collectivisme’’ de ben Salah expérimentation, était un échec fondamental, et la Tunisie traine encore des problématiques liées à son mode d’attribution ou mise à disposition, des terres. Jusqu’à nos jours on nous parle des problèmes (…).
– La mafiosisation des relations économiques sous ben Ali (son héritage).
Toutefois, il ne faut pas oublier l’intervention de l’homme de la banque centrale, Heddi Nouira, là où une sorte de classe moyenne à vu le jour (c’est un signe de sante pour les sociétés). Mais la dictature a continué de paire avec, certes, une volonté de ‘’modernisation de l’état’’, mais le 26 janvier 1978 est venu dire un gros mot à l’état policier (…), et puis les événements de Gafsa avec les nationalistes ont mis un terme à la vie politique de Hedi Nouira, (et la suite on la connait tous).
Une fois le dictateur à pris la fuite, et que maintenant il y a une sorte de consensus entre certains nombre des partis politiques qui ont la capacité d’animer la cité. Sauf que sur la scène sociale et politique il n y a pas que les partis du consensus (élément rassurant), il y a (les éléments qui inquiètent la Tunisie), des groupes radicaux, qui ne parlent pas et qui sont de la gauche révolutionnaire. Et surtout il y a les groupes salafistes, certes ils sont divisés et différents, mais qui ont (les plus radicaux d’entre eux) une grande capacité de nuire au déroulement doux de la vie sociale et à la transformation douce de la Tunisie en démocratie, surtout du côté ansar echaria et les jihadistes. Les autres tendances salafisttes sont claires dans leur choix politique (ils veulent l’islam au niveau du pouvoir) et la démocratie en terme de pratique politique (hizb ettahrir à titre d’exemple). Reste à eux de d’expliquer et d‘expliquer leur théorie) et surtout de rassurer. Mais dans tous les cas, et y compris hizb ettahrir ont choisi l’état ‘’la reconnaissance de l’état’’, et le travail par les moyens doux. Une condamnation claire de la violence de la part des salafistes dit scientifiques et idem du côté hizb ettahrir (c’est plutôt rassurant).
Et là une 1ère question se pose, qui va voter ennahda prochainement ?
Ma réponse, ennahda est capable d’unir et de rassembler autour de ses idées (et les espaces que ce parti pourra réunir sont vaste et sur sa gauche comme sur sa droite).
La 2ème question, et qui est la plus importante à mon sens :
Les événements de Kairouan et de cité ettadhamoun, y a-t-il divorce entre ennahda et les salafistes ?
Moi je ne pense pas qu’il y a eu un divorce entre ennahda et les salafistes, pour la simple raison qu’il n y a jamais eu de mariage ni copinage. Depuis le 14 janvier 2011 la Tunisie vit une liberté ni sens ni règle ‘’l’anarchie’’ avec un état dit faible, et pendant ces 30 mois tout le monde a eu le temps et l’occasion de s’exprimer et de démontrer son vrai visage (les laïques et la gauche, aussi les tendances religieuses ou de référence religieuse), ils ont tous baigné dans cette liberté (c’a coûté cher à la Tunisie, aussi bien à l’économie, qu’au tissu social). Toutefois, ennahda est un parti qui a su faire différence entre l’intérêt partisan, et l’intérêt général, d’où l’état est toujours debout, et l’économie en amélioration et qu’il y a possibilité de dialogue et de consensus. Ennahda a su permettre l’actuel consensus, c’est un point fort à son compte. Ennahda a fait différence avec les salafistes aussi, pour la simple raison qu’ennahda, est un parti politique avec un projet politique qui ne fait pas rupture avec le grand socle commun des valeurs sociétales des tunisiens (à la différence des saadistes d’ansar echaria). Et même si le projet d’ennahda porte une certaine moralisation au niveau des individus, en grande partie less tunisiens ne sont pas inquiets. Et puis le projet social et économique d’ennahda est de nature social libéral qui ne dérange pas trop l’économie ouverte, et cela permet à l’état de ne pas rompre avec la grande économie du tourisme, il lui permet aussi des multiplications de possibilités de ressources –prêts, arrivée des investisseurs étrangers…-. Politiquement ennahda est un parti démocrate et de dialogue, il a su le prouver. Les salafistes c’est tout à fait autre chose qui ne fait pas société moderne et développée. Si ennahda réussit dans la gestion des affaires du pays, loin des mécanismes de la corruption, et d’elfassade en général (…). Alors on pourra dire qu’on est devant un parti social libéral qui pourra réussir à la Tunisie dans le sens d’en finir avec la dictature du parti unique et de la pensée unique. Et que la Tunisie pourra intégrer fur et à mesure une sorte de bonne gouvernance, où c’est la transparence qui gagnera. Il reste aux partis de gauches de construire un parti (unions de plusieurs partis qui pourront se fondre en un mouvement à la taille d’ennahda, et surtout qui ne portent pas des menaces de retour de la dictature, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec le front populaire, ni el massar… je pense qu’il ne faut pas oublier que le volet qui n’a jamais réussi au parti unique au pouvoir en Tunisie depuis l’indépendance, et qui est le développement et la justice sociale (qui vont de pair), et que la tunisie d’aujourd’hui doit mettre fin à ces échecs qui ont finalité ont fait la révolution de 17 décembre 2010/14 janvier 2011. Là je ne crois pas au miracle. Mais la nouvelle tunisie n’a pas le choix. Le tunisien doit apprendre à travailler les moyens et les outils de la réussite, et non pas continuer à fabriquer les moyens et les outils pour durer dans le pouvoir. L’actuel consensus pourra rentrer dans ce changement de cap, et pour avenir meilleur. Cependant pour avancer dans ce combat pour la justice sociale, il n y a pas deux chemins, Pour moi, il faut tout le temps se battre et surtout, apprendre à innover dans le combat social et pour une meilleure distribution des richesses et de pouvoir entre les territoires. Ce combat de la justice sociale (meilleure distribution des richesses et du pouvoir) , ne pourra prendre forme qu’à travers une décentralisation par la cohérence et la liberté d’union entre les différentes communes et les différentes collectivités territoriales. Vouloir, c’est pouvoir, et pouvoir, c’est se donner les moyens. Ben Ali harab. Mandhouj Tarek.