Six morts et treize blessés, tel est aujourd’hui le bilan de la nuit du 15 au 16 janvier 2011 à Ouardanine, une ville située à quelques dix sept kilomètres de Monastir. Vingt victimes pour lesquelles la vérité n’a pas été établie ni la justice rendue.
Cette nuit-là, au lendemain du départ de Ben Ali, la population, à la suite d’un appel lancé depuis un véhicule équipé d’un haut parleur, s’est organisée en comités de quartiers chargés de veiller à la sécurité de la ville et elle collabore avec l’armée. De cette dernière, elle a reçu pour consigne de ne laisser passer aucun véhicule de police qui ne serait pas secondé d’un véhicule militaire.
Ce sont pourtant trois véhicules de police, peints en noir et blanc accompagnés d’une voiture blanche qui se présentent vers 22 heures 30 à l’entrée de la ville. Avec à leur bord une quinzaine d’hommes armés, elles passent le premier barrage du comité, puis le second, leurs occupant affirmant à chaque barrage être « en mission ». Difficile pour les habitants de Ouardanine de remettre en cause leur propos d’autant qu’ils connaissent certains d’entre eux, des policiers de la localité et de la région. Mais un des habitants a contacté par téléphone l’armée qui lui a intimé l’ordre d’arrêter les véhicules et leurs occupants. Arrivés à hauteur du barrage suivant des comités au niveau du café des Chasseurs, ils ont été reconnus par plusieurs habitants, notamment par Jilani Ben Salah, qui les a identifiés pour le journal Ech Chourouk. Selon plusieurs témoins dont s’est fait l’écho Ech Chourouk, les membres du comité présent au premier barrage sont alors arrivés sur les lieux et Moez Ben Salah, un habitant de Ouardanine membre du comité, a crié « Kaïs Ben Ali ! » à la vue d’un occupant d’une voiture de police[1].
D’autres témoins disent qu’une femme était dans une des voitures. Les habitants ont entouré les véhicules pour les empêcher de redémarrer, crevant les pneus notamment. C’est alors qu’un des policiers a dégainé un pistolet et abattu Moez Ben Salah, qui décédera sur le champ. Dans la foulée, les forces de l’ordre ont ainsi abattu cinq autres personnes et en ont blessé beaucoup d’autres, un autocar garé là servira d’abri provisoire aux fuyards et évitera que le nombre de victimes ne soit supérieur. Deux des six personnes décédées cette nuit-là à Ouardanine auraient été abattues par l’armée et non la police, dans la confusion qui a fait suite aux premiers tirs.
Les véhicules ont alors redémarré en direction de Msaken, ville dans laquelle ils ont été rejoints par l’armée qui a procédé à des arrestations au terme de tirs nourris de part et d’autre.
Il s’agit donc de jeunes hommes, l’un d’entre eux était mineur lors de son décès-, qui ont été inhumés dans la foulée des événements.
Les blessés :
(A suivre)
Luiza Toscane
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[1] « Mejzara fi Ouardanine : 6 qotla wa 13 jarihan, Ecchourouk », 28 janvier 2011
[2] Rapport d’examen médico-légal, ML 5144, Hôpital Universitaire Fattouma Bourguiba de Monastir.
[3] Rapport d’examen médico-légal, ML 5142, Hôpital Universitaire Fattouma Bourguiba de Monastir.
[4] Extrait d’acte de décès, Année 2011, n° 8, Municipalité de Ouardanine.
[5] Extrait d’acte de décès, Année 2011, n°5, municipalité de Ouardanine.
[6] Rapport d’examen médico-légal, ML 5143, Hôpital Universitaire Fattouma Bourguiba de Monastir.
[7] Rapport d’examen médico-légal, ML 5145, Hôpital Universitaire Fattouma Bourguiba de Monastir.
[8] Certificat médical initial n°03792, 20 janvier 2011, Hôpital Fattouma Bourguiba de Monastir.
[9] Certificat médical initial n °03791, 20 janvier 2011, Hôpital Fattouma Bourguiba de Monastir.
[10] Certificat d’hospitalisation n°1206, 27 janvier 2011, Hôpital Fattouma Bourguiba de Monastir.
[12] Certificat Médical Initial n°03793, 20 janvier 2011, Hôpital Fattouma Bourguiba de Monastir.
[13] Certificat Médical Initial n°03794, 20 janvier 2011, Hôpital Fattouma Bourguibade Monastir.
[14] Certificat d’hospitalisation n°001332, 24 janvier 2011, Hôpital Sahloul de Sousse.
[15] Certificat de constatation n°007170, 21 janvier 2011, Hôpital Fattouma Bourguiba de Monastir.