Les médias tunisiens sont devenus experts dans la récupération et la manipulation des résultats obtenus par la Tunisie dans les différents classements internationaux. Après l’indice de qualité de vie présenté comme le fruit de 20 ans de “changement”, omettant de préciser que le score de 2009 était en recul par rapport à celui de 2008 ; ou l’indice “d’instabilité politique et de vulnérabilité à l’agitation politique et sociale” présenté comme un indice de stabilité et de progrès démocratique alors qu’il ne faisait que refléter l’immobilisme politique du pays, nous avons eu droit cette semaine à l’indice de la gouvernance en Afrique. Cette fois encore, l’information était incomplète : elle ne mentionnait que la moyenne des scores obtenus par la Tunisie sur 5 critères d’évaluation, évitant de parler des notes très moyennes obtenues sur 2 de ces 5 critères- et pas les moindres: “Participation et droits humains ” avec 45.3/100 et “Opportunités économiques” avec 52.5/100. (Voir rapport)
Il ne s’agit pas là de nier la situation relativement bonne du pays comparé à d’autres pays africains ou du monde arabe sur le plan du développement humain (initié d’ailleurs bien avant le changement) ou de celui de la sécurité (au prix d’un contrôle et d’une surveillance accrus de la société), mais de dénoncer l’interprétation trompeuse de ces résultats et leur détournement systématique à des fins de propagande. Il faut dire que pour un régime obsolète et de moins en moins crédible, de tels classements, c’est du pain béni! Cette soif de reconnaissance à l’échelle nationale et internationale ne cache-t-elle pas le mépris d’une large partie de l’opinion envers un régime qui continue de tabasser ses opposants, et ce même en pleine période électorale?
Telle est la stratégie déployée depuis plus de 20 ans pour construire et refléter l’image d’une Tunisie tranquille, heureuse et apaisée et pour détourner le regard sur les dérives du pouvoir. A côté de la quasi-totalité des médias tunisiens qui sont exclusivement voués à cette basse besogne, d’autres magazines étrangers comme Afrique Asie , Arabies, ou dans une moindre mesure Jeune Afrique , tous très sensibles à la manne publicitaire de l’état tunisien, contribuent aussi à véhiculer une telle image en prenant soin d’éviter les sujets qui fâchent comme la question sociale ou celle des libertés.
Mais dans cette guerre de l’image, qui passe indéniablement par une guerre de l’information, le pouvoir n’a plus le monopole de la parole et perd depuis un certain temps du terrain. Des chaînes satellitaires comme Al Jazira, connue pour son ton libre et critique envers les dictatures arabes, continuent de déranger en donnant la parole à des militants et à des opposants tunisiens. Ce qui lui vaut régulièrement de véritables compagnes de dénigrement de la part du pouvoir. Actuellement, pas moins de deux livres critiques sur la situation de la Tunisie circulent et peuvent être téléchargés sur le net. Toutes les tentatives de censure déployées pour contrer ces sources d’information alternatives n’ont pas réussi à empêcher leur diffusion. Dans cette guerre de l’image, le pouvoir ne cesse de perdre des batailles. Entre temps, c’est malheureusement l’image de tout pays, mal représenté, qui continue à se détériorer…
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