Les pêcheurs de Monastir dans les filets de la Frontex.

Dans un communiqué, publié sur le site tunisnews.net du 23 août 2007, de la Fédération des tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) il est question d’une affaire de sauvetage en pleine mer. On ignore quelle est la signification exacte de « citoyenneté des deux rives » qui serait à la base de la constitution de cette fédération, mais là n’est pas la question. L’affaire porte sur des pêcheurs, originaires des villes Téboulba ou de Monastir, qui se trouvaient le 08 août 2007 en pleine mer quand ils se sont rendu compte qu’une embarcation rudimentaire était en train de faire naufrage. À bord il y avait quarante quatre personnes dont onze femmes, deux d’ entre elles enceintes, ainsi que deux enfants. L’état de santé de la plupart des naufragés, comme on peut l’imaginer, était déplorable et nécessitait d’urgence de l’aide. Les pêcheurs avant de prendre toute décision auraient informé, on suppose par radio, les autorités italiennes ainsi que les tunisiennes.

Finalement tout le monde débarquent, sur l’île de Lampedusa, mais entre les mains des « carabiniers » et des policiers italiens, en leur qualité d’agents de la FRONTEX européenne, y compris les pêcheurs qui seront en état d’arrestation et seront traduits devant les tribunaux italiens sous le chef d’accusation de passeurs de clandestins ou de délit qui favorise l’immigration clandestine. Le procès devrait s’ouvrir le mercredi 22 août 2007 devant le tribunal de la ville d’Agrigente [1] (Sicile, sud). Bien qu’on ne parle plus des quarante quatre personnes qui tentaient d’atteindre l’Europe à travers l’Italie par la seule manière qui leur restait possible, c’est-à-dire au péril de leur propre vie, le sort de chacun est parfaitement connu et sera sans aucun doute le même que celui réservé de leurs compagnons de malheur en Espagne.

Une fois vérifiée l’identité de chacun, les photos d’usage de la police criminelle réalisées, les empreintes digitales prélevées et tous les renseignements pris, ils seront tous expulsés manu militari et sans contemplation aucune vers leurs pays respectifs d’origine. La fiche de chacun, avec toutes les données, passera à travers le disque dur du puissant ordinateur de la Communauté européenne, le SIS (Système Informatique Schengen), pour être à la disposition de toutes les polices du Continent.

A présent d’aucuns diraient que vu le contexte dans lequel se trouve le monde aujourd’hui, les italiens, les espagnols, les français et tous les membres de la Communauté européenne sont dans l’obligation d’appliquer les accords convenus à Schengen le 14 juin 1985. À ces accords ont été souscrits, en première phase, par la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg et en deuxième phase, plus tard, par l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. La Suisse, bien qu’elle ne fasse pas partie officiellement de la Communauté européenne, elle a adhéré à ces accords le 5 juin 2005. Deux pays sont restés en dehors, l’Angleterre et l’Irlande. Oui il n’y a rien à dire à ce sujet. Comme on le voit les accords de Schengen sont bien antérieurs au 11-S qui a déclenché la guerre mondiale contre le « terrorisme ». Aux dernières nouvelles lues sur le site de tunisnews du 28 août, il est question d’une intervention diplomatique, au niveau de l’ambassade tunisienne en Italie, qui chercherait à faire libérer les pêcheurs.

Quelle que soit l’issue qui va être donnée à cette affaire, le vrai problème restera posé et demeurera aussi sans solution aucune. Il n’y a rien dans les horizons qui indique un changement quelconque. Car d’un côté l’espace Schengen tout en se verrouillant de plus en plus mais sans pour autant renoncer à ses « intérêts vitaux » dans le reste du monde et particulièrement en Afrique et dans le monde arabe, de l’autre côté la réaction des « exclus », qui a pris ces derniers temps la forme des pirogues pacifiques, prendra, sans la moindre doute, d’autres formes que personne, ni même les experts occidentaux en la matière et qui sont payés royalement, ne peuvent ni imaginer ni prévoir. Au moment où les embarcations, telle que celle des derniers naufragés sauvés in extremis par les pêcheurs de Monastir, continuent leur traversée vers les côtes italiennes les plus proches, beaucoup d’autres pirogues le font vers les côtes espagnoles. Là on est en pied de guerre depuis plusieurs années. De ce côté-là la complexité de la question et les moyens mis en œuvre pour y faire face mérite bien un léger détour dans l’histoire susceptible de jeter plus de lumière sur les origines et les dimensions de la problématique.

L’Espagne : de la dictature au retour impérial.

Donc il a fallu la guerre civile – une guerre qui a duré trois ans, de 1936 jusqu’à 1939, faisant huit cents milles morts et plus de 350.000 exilés – pour voir l’Espagne, sous la dictature du général Franco, se maintenir durant quarante ans hors des « zones d’influence occidentales » de par le monde et particulièrement en Afrique et en Amérique du Sud. Par influence s’entend surtout les sources des matières premières qui ont permis l’enrichissement matériel de l’Occident où ce qu’ils appellent leurs « intérêts vitaux ». Après la deuxième Grande Guerre qui a opposé l’Allemagne aux autres pays européens, l’Espagne ainsi que le Portugal étaient restés à l’écart de la nouvelle reconstruction de l’Europe et par la suite de la construction de la Communauté européenne actuelle. Les deux pays ibériques, gouvernés par deux dictatures, celle du général Franco et celle de Salazar, sont restés isolés du reste de l’Europe occidentale pompeusement démocratique.

Donc jusqu’aux années soixante et soixante dix, sur le plan du développement économique et social, l’Espagne était pratiquement au même niveau que les autres pays du sud de la méditerranée, le Maroc, la Tunisie ou l’Algérie où le PIB dans l’un comme dans les autres se situait à quelques 400 dollars. Aujourd’hui il serait d’environ 4.000 dollars [2] en Tunisie et de 22.000 euros ou 29.000 dollars. Donc dans le même espace de temps, du côté sud de la méditerranée, le PIB s’est multiplié par dix et du côté nord, dans ce cas l’Espagne et le Portugal, il s’est multiplié par plus de 70 ! Et pourtant ni les espagnols, ni les portugais n’auraient découvert de gigantesques ressources naturelles, ni qu’ils ne soient des êtres dotés d’une intelligence supérieure à celle des peuples du sud de la méditerranée et en l’occurrence les arabes. Encore plus, ils ne sont pas, non plus, plus laborieux. Tout à fait le contraire. Ils travaillent strictement 40 heures par semaine et en comptant les jours fériés additionnés aux samedis et dimanches, sans prendre en considération les vacances de chacun, on arrive à 127 jours [3] , soit plus de quatre mois de l’année. Alors d’où vient cet écart ahurissant dans les PIB ?

– C’est très simple, les coffres-forts de la Communauté Européenne contiennent des accumulations de richesses inimaginables, de quoi pouvoir reconstruire toute l’Europe d’un seul coup. Ces accumulations qui se comptent par billions d’euros s’appellent aussi les fonds structurels. Et en plus une domination sans partage de la technologie et de tous les moyens les plus sophistiqués de production. Et en parlant des richesses occidentales faut-il aussi y inclure, à part le pétrole en lui-même, tout l’argent du pétrole du Golfe.Tout flue vers la même destination !

Jamais les espagnols ou les portugais qui dans les années soixante-dix étaient âgés de 20 ou 30 ans et donc aujourd’hui seraient des retraités ou sur le point de l’être, n’avaient rêvé d’une pension aussi fabuleuse, qui leur permet de vivre dans un confort total, en plus faire des vacances aux quatre coins du monde et entreprendre des croisières réelles sur des bateaux de grand luxe comme l’Europa dans le récit fiction dont il sera question plus loin. Alors que jusqu’aux années soixante dix, les français gardaient encore l’habitude de dire qu’au-delà des pyrénéens, commence l’Afrique. Ils ne le disent plus aujourd’hui. Certains français des classes populaires se considèrent même frustrés devant le niveau de vie de leurs voisins du sud qui les a brusquement rejoints et dans certains cas même dépassés.

À cette époque des années soixante et soixante dix, les émigrés qui partaient du Maroc traversaient à toute vitesse l’Espagne en direction de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, de l’Allemagne, des pays nordiques ou de l’Angleterre. Il n’y avait rien en Espagne de nature à inciter ces émigrés économiques à y rester. Ni des possibilités de travail, ni des salaires alléchants, ni un cadre social meilleur que celui de leur pays d’origine qu’ils ont décidé de quitter. En plus beaucoup d’espagnols étaient eux-mêmes des émigrés dans ces mêmes pays de l’Europe riche ou dans certains pays d’Amérique du Sud comme l’Argentine, le Mexique ou le Venezuela. Dans les témoignages de tous ceux qui ont eu l’occasion de visiter l’Espagne à cette époque il y avait beaucoup de sentiments de sympathie et de solidarité envers un peuple apparemment affable. En tout cas c’était bien l’impression générale qui se dégageait à l’époque. On était très loin des autres considérations de l’histoire.

Et quand on passait par des villes comme Séville ou Grenade, on faisait abstraction des siècles de splendeur d’un certain empire espagnol avec ses Hernan Cortès ou Francisco Pizarro et on mettait beaucoup plus l’accent sur le moment avec ses attractifs aspects culturels et folkloriques, ses artistes, ses couleurs et sa riche et appétissante gastronomie. A Grenade ou à Cordoue il y avait quelque chose qui intriguait quand même les visiteurs. L’Alhambra ou la Grande Mosquée, deux vestiges d’une autre splendeur, celle de l’Andalousie musulmane et qui sont de visite obligée, constituent une immersion inévitable dans l’histoire. Dans les rues de Séville, comme dans toutes les autres villes de l’Andalousie on croisait des gens, des hommes, des femmes, des jeunes filles et des garçons tous ou presque tous, aux cheveux et aux yeux noirs et à la peau brune. Ils semblent avoir beaucoup plus d’affinités avec les foules arabes de Damas, de Bagdad ou de Rabat qu’avec les foules européennes, à la peau blanche, aux cheveux blonds et aux yeux bleus ou en couleurs claires, de France, d’Allemagne ou des pays scandinaves.

Avec toutes ces caractéristiques et beaucoup d’autres, l’Espagne de l’époque gardait encore une colonie en Afrique et dont on parlait très peu, le Sahara. Le roi du Maroc Hassan II en 1975 – profitant d’un moment d’incertitude qui planait sur l’Espagne, dû à l’agonie et puis à la mort du général Franco – a cru le moment opportun pour l’annexer. Le roi d’Espagne, une fois Franco enterré, ayant devant lui une énorme tâche à la maison, a laissé faire. Et les troupes espagnoles se sont retirées plus ou moins avec une certaine discrétion et dans l’ordre. De toute manière l’Espagne de l’époque avait d’autres préoccupations. Et son isolement qui a duré quarante ans ne pouvait lui permettre de compter trop ni sur l’Europe ni sur les instances internationales pour garder cette possession coloniale. Non sans quelques morts de plus et des tentatives de coup d’état, le pays va s’approcher petit à petit de l’Europe et finir par s’intégrer officiellement comme membre à part entière dans la Communauté européenne en 1986, une fois que toutes les réformes exigées par les autres états membres étaient accomplies.

De toute manière dans cette marche, d’une dizaine d’années environ, de démantèlement des infrastructures de l’ancien régime dictatorial, la volonté politique de l’Europe, traduite en capitaux et en technologie qui coulaient à flot vers la péninsule ibérique, était plus qu’évidente. Sans une telle volonté, il aurait exclu, de parler aujourd’hui, d’une Espagne totalement différente et de nouveau impériale ou presque.
De 1986 à nos jours, en l’espace d’un peu plus de vingt ans, un pays a bel et bien remplacé un autre. Mais surtout une mentalité et un esprit ont remplacé d’autres. Pendant les quarante ans de dictature, beaucoup de peuples en Amérique du Sud, en Afrique et ailleurs avaient très peu de reproches à faire à l’égard de cette Espagne. Plutôt le contraire. Mais pour ce qui est du passé, c’est un autre chapitre à part. Mais une fois la page de la dictature tournée les choses vont changer. Il a fallu d’abord mettre de l’ordre à l’intérieur de la maison, car durant quarante ans de dictature, beaucoup d’intérêts se sont constitués et surtout résistaient avec force à tout changement. Donc une bombe à désamorcer. Par la suite tout va rentrer dans l’ordre. Philippe Gonzalez et son parti politique PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) ont définitivement renié leur âme marxiste. Santiago Carrillo le chef du parti communiste espagnol finit par rejoindre à son tour le bercail du nouveau parti socialiste de Gonzalez et d’autres personnages vont fonder des partis les plus divers.

Aujourd’hui les deux grands partis qui se tournent au pouvoir sont le PSOE et le Parti du plus que célèbre José Maria Aznar, le Parti Populaire, dont le fondateur Manuel Fraga était dans l’establishment du général Franco à plus d’un titre, de ministre à ambassadeur. Une nouvelle constitution espagnole a aussi permis de décentraliser le pouvoir et calmer les régions récalcitrantes et moins monarchiques, telle que la Catalogne par exemple. Les choses ne sont pas tout à fait réglées avec les Pays Basques. Mais avec la solidarité ou la complicité agissante des autres pays européens et particulièrement la France cette question est reléguée au niveau des faits divers, traitée comme telle et ne semble avoir aucune répercussion sur la marche générale de la Communauté Européenne triomphante.

Durant tout le temps qu’a duré la dictature, l’Espagne n’était parti pris dans aucune des innombrables détresses de la planète, contrairement aux autres occidentaux et à leur tête, les États-Unis, qui s’y trouvaient à l’origine avec leurs agressions multiples qui n’ont jamais cessé depuis des longs siècles et jusqu’à nos jours. Tous les peuples de l’Amérique du sud ou des Indes Occidentales ainsi que les peuples arabes ou d’Afrique étaient à l’abri d’une Espagne agressive. À présent les choses ont changé ou plutôt, l’Espagne a récupéré son appétit d’antan. Son appétit impérial ou impérialiste mais avec une voracité comme aux temps des conquêtes du 16ième siècle et des siècles d’après. C’est cette voracité qui est le point essentiel et qui a nécessité la brève introduction qui a précédé afin de pouvoir analyser mesurer les dimensions de l’attitude de la nouvelle Espagne vis-à-vis des autres peuples, de leurs droits, de leurs richesses, de leur liberté et enfin de compte et surtout de leur dignité.

Les pirogues des désespérés, le reflet de l’hypocrisie occidentale

Depuis plusieurs années, il ne se passe plus de jour où les policiers espagnols ne détiennent pas des pauvres qui fuient la misère, sous toutes ses formes, dans leurs pays d’origine à la recherche légitime d’une vie meilleure. On les détient en pleine mer, sur les rivages ou déambulant dans les rues des villes côtières ou de l’intérieur. Certains qui arrivent par avion sont arrêtés dans les mêmes aéroports. Pas moins de 13.504 personnes [4] l’ont été du début de l’année et jusqu’à la date. Tous ont été, sous différents arguments, expulsés ipso facto, vers leurs pays d’origine.

Ceux qui arrivent par mer le font généralement à bord des pirogues ou des zodiacs. Quelques années en arrière la traversée se faisait des côtes marocaines vers les côtes espagnoles à travers le détroit de Gibraltar. Mais la surveillance accrue des deux côtés en plus des noyades dues aux énormes vagues que soulèvent les gros bateaux, en passant à côté de ces fragiles embarcations rudimentaires sur lesquelles s’entassent des jeunes, des adultes, des jeunes filles, des femmes et même des adolescents, a rendu ce point de passage plein de risque. Ces bateaux, ironie du destin, sont généralement des tankers qui transportent du pétrole ou du gaz liquéfié venant d’Algérie, de la Libye ou de l’un des pays arabes du Golfe ou des bateaux de croisière de luxe cinq étoiles comme celui dont le récit est rapporté par Fernando .L. de Aranoa dans le journal El Pais [5]. Même s’il s’agit d’un récit fiction, il dépasse par plusieurs de ses aspects la tragique réalité. Les évidences auxquelles fait allusion l’auteur, à travers les personnages et les brefs dialogues imaginaires, révèlent bien l’ampleur de l’hypocrisie de l’espèce humaine.

Les naufragés de l’Europa.

« Les turbines de l’Europa (Le nom du bateau de croisière) se sont brusquement arrêtées provoquant un grincement rauque. Ses 1.100 cabines de luxe s’inclinent plutôt à tribord, où se sont rassemblés les passagers, attirés par la curiosité. En bas, la houle est sur le point de faire couler, ce qui restait encore à la surface de l’eau, de l’épave d’une embarcation à bord de laquelle 30 africains avaient pris place. Finalement, un à un, tous ont pu être ramenés sains et saufs sur l’avant-pont Windsor du croiseur entre les applaudissements et l’émotion des clients. Le capitaine leur donna formellement la bienvenue à bord de l’Europa… La loi de la mer, a dû penser en son fort intérieur, s’écrit aujourd’hui avec la calligraphie lumineuse, en lettres d’or, de la solidarité humaine. Mais aussitôt commencèrent les problèmes. Un représentant de la compagnie informa immédiatement le capitaine de sa préoccupation, car il ne restait de libre que les cabines de première classe cinq étoiles sur l’avant pont Neptune. Et comme le capitaine ne voyait pas bien où il en voulait venir, il a fallu lui expliquer que les passagers ne pourraient facilement accepter que les africains puissent être logés dans des cabines supérieures aux leurs et en plus gratuitement. Et que dans ce cas il vaut mieux déménager certains clients des cabines touristes vers les cabines de luxe et ainsi loger les africains à leur place.

Le capitaine essaya un moment de se rappeler ce que stipule exactement la loi de la mer mais en vain. Au même moment les personnes chargées des relations publiques au siège de la compagnie à Genève se réunirent en caractère d’urgence. D’autre part on ne pouvait se permettre de voir ces immigrants se promener en haillons sur le croiseur. Sur instructions de leurs supérieurs, des membres de l’équipage se chargèrent de les accompagner aux boutiques sur l’avant pont Milano et chacun a pu se procurer un maillot, un pantalon et de quoi se chausser. A présent soulagés et habillés avec élégance avec des vêtements signés Armani, Ralph Laurent, ils pouvaient se promener sur les ponts du bateau. Dans les yeux des passagers on pouvait lire un mélange de respect, de la commisération et de la crainte. Souriants à pleines dents, les hôtes inattendus, se laissaient photographier à volonté. Ce soir là ils seront répartis sur différentes tables où ils seront reçus par les invités avec enthousiasme, bien qu’a différents degrés.

Un expert en matière d’immigration, qui profitait de ses vacances méritées accompagné des membres de sa famille, tout en prenant les premiers plats, se mit à expliquer à Bilal [6] qui avait pris place à sa table, les lois sur les étrangers, les contingents décidés par le gouvernement, les effets que peuvent avoir les plans de régularisation à long terme et surtout les pernicieuses conséquences de l’effet appel [7] , mais Bilal semble s’excuser pour le fait de ne rien comprendre de ce qu’on lui racontait. En fin de compte, Bilal n’a pas été à l’école, une guerre lui avait brisé son adolescence et la misère qui sévit dans son pays, ont fait qu’il n’a jamais pu voyager à l’étranger. En tout cas la plupart des convives autour des tables étaient d’accord pour affirmer que ce sont les nécessités qui les ont poussés à prendre des risques aussi élevés en se lançant en mer. Certains ont mis ajouté que leur présence dans nos pays est devenue un impératif. D’autres ont été encore plus précis sur cette présence : Il faut bien que quelqu’un fasse le travail de merde que personne en Europe ne veut plus faire. D’autre part ils élèvent notre indice de natalité, ajouta le voisin de la table d’à côté. Enfin des commentaires qui semblent jouir de l’approbation de tous.

Mais les problèmes surgirent de nouveau quand les africains ont commencé à mélanger la marmelade avec le pâté que les services de bord distribuait sur les tables et s’intensifièrent encore plus quand une adolescente, la fille d’un homme d’affaires français, s’était montrée fascinée, au-delà de ce que la loi de la mer ne le permet, par l’insolite voracité d’Abdula, un sub-saharien musclé, la peau noire presque bleue, que le maillot de Ralph Laurent a rendu encore plus séduisant. Sur cette question le consensus semble se maintenir assez large. « Moi je voudrais bien qu’ils accroissent notre indice de natalité, mais pas sur le compte de ma fille », semble penser la mère de l’attractive jeune fille, avant de changer de siège et ainsi s’éloigner des eaux territoriales de l’africain et de sa potentielle influence. Pour le dessert, au moment où le capitaine donnait de nouveau, à travers le micro, la bienvenue aux récents arrivés sur l’Europa, les membres de l’équipe des relations publiques, réorganisèrent les tables, de façon à ce que tous les naufragés soient regroupés autour d’une seule table et ainsi éviter les problèmes d’ordre culturel. Les africains ont pu de cette manière prendre leur dessert dans leur ghetto de fil blanc. Par la suite ils ont été conduits à la discothèque Rythme Latin. Là Abdula chercha, les yeux de la fille de l’homme d’affaires français et tomba sur ses mains. Ils s’embrassèrent sur le pont Tudor sous un clair de lune qui impressionna le naufragé, même si au fond, il est, au moins, la copie conforme de celui laissé derrière, dans le ciel de son pays.

Entre temps une délégation des passagers s’est réunie avec un responsable de la compagnie pour lui transmettre la mauvaise humeur envers les naufragés : « Leur sauver la vie, c’est bien, mais qu’ils profitent de nos jacuzzis et de nos filles, là on n’est plus d’accord », lui dirent-ils. Bien qu’au fond ils aient utilisé d’autres termes. Quant au commercial qui est allé voir le capitaine, a résumé les choses de cette manière : « La loi de la mer est parfaite, mais elle interfère dans les lois du marché. » Ainsi il lui résuma le nouveau panorama. Un peu plus tard, les immigrants étaient conduits dans les soutes du bateau et là ils passèrent leur première nuit dans le Premier Monde. À la loi de la mer a succédé la loi de la terre.

Tout le monde sur le pont Mare Nostrum applaudissait les immigrants, toujours habillés en Armani, qui descendaient sur la passerelle du bateau. Bilal qui répondait par un sourire de reconnaissance alors qu’avec ses grands yeux noirs il voyait en face de lui, les autorités locales qui les attendaient sur le quai. Immédiatement tous vont être expulsés vers leur pays en guerre.

Aujourd’hui encore quand on lui demande comment est l’Europe, Bilal reste muet. Il pense que personne ne va le croire. Mais souvent, il se souvient, de ce soir où on les a pris vers le pont de commande de croiseur Europa et il demanda au capitaine vers quelle destination se dirigeait le bateau, au moment où ils ont été sauvés. ” À nulle part” lui répondit- le capitaine mal à l’aise. L’Europa – ajouta-t-il – est un bateau de croisière de plaisir. Et même si le capitaine a évité que cela puisse le paraître, le ton employé équivalait bien à une excuse. Bilal accepta poliment l’explication même s’il n’y a rien compris. « À nulle part » pensa-t-il au fond de lui-même : « Les naufragés sont eux ». Fin du récit de fiction !

L’accueil et le traitement policier.

On revient à la réalité. Tous ceux qui arrivent à braver tous les périls et survivent à leur traversée sont accueillis par un nombre exagéré de fonctionnaires de la sécurité espagnols en uniforme ou sans celui-ci et une nuée formée par les humanitaires de la croix rouge. Les fonctionnaires de police ou autres qui peuvent avoir un contact direct avec ces personnes, qui arrivent totalement exténuées, portent des gants blancs et des masques à gaz ou de médecin, pour éviter toute contagion probable, comme s’ils avaient affaire à des lépreux ou des pestiférés. Quelques scènes, où des gestes de compassion, telle que des couvertures posées sur la tête et autour des épaules mouillées de ces pauvres ainsi que la distribution des bouteilles d’eau et des galettes, sont filmées. Ce sont ces scènes-là qui sont montrées à la télévision. Et si dans le groupe il se trouve des femmes enceintes ou des bébés, la caméra s’attarde un peu plus pour transformer ces moments pathétiques en un témoignage sur le caractère humanitaire espagnol qui force le respect ! Mais au-delà le traitement est d’une toute autre nature. Et là les caméras n’y accèdent pas.

La police et la garde civile espagnoles, l’une comme l’autre, sinistrement célèbres pour leur impitoyable dureté à l’époque franquiste, leur comportement aujourd’hui, envers leurs compatriotes ayant fléchi, démocratie oblige, trouvent dans la masse des étrangers et particulièrement auprès de ceux qu’on appelle les émigrés, légaux ou illégaux, le terrain de leur prédilection pour le défoulement. Et de préférence s’ils sont arabes ou musulmans ou des marginaux de la même société espagnole, car il y en a quand même. Pourtant, chose difficile à croire, tous les membres de ces corps de la sécurité espagnole, dont l’âge se situe entre les vingtaines et les quarantaines d’années, qui n’avaient pas vécu l’époque de la dictature ont le même comportement barbare et par-dessus le marché, ils sont mieux équipés, mieux entrainés et mieux payés. Ils sont par conséquent plus efficaces et démontrent bien qu’ils sont le même instrument qui sert aussi bien la dictature que la démocratie. Pourvu qu’on leur indique bien les limites de leur action. Ou plutôt le « sac » sur lequel il faut cogner.

En parlant d’âge tous les politiciens, à part quelques rares exceptions au niveau de la cour suprême, du corps judiciaire en général, du corps diplomatique, tous les hommes et femmes politiques espagnols, du président du gouvernement aux ministres et aux chefs de l’opposition, tous se situent aussi dans la même fourchette d’âge et par conséquent à l’époque de la dictature beaucoup n’étaient même pas nés. Ils sont nés dans la nouvelle Espagne rose. Avec tous les efforts intellectuels, quand volonté et honnêteté s’y joignent, il est presque impossible d’avoir une idée de l’Espagne grise, pour mesurer l’impact de toute décision et de toute action. À part quelques « marginaux », qui n’ont aucune influence sur les centres de décisions, la classe politique espagnole d’aujourd’hui dans son ensemble, toutes couleurs confondues, agissent dans le cadre stratégique des intérêts vitaux de l’Europe. Il leur arrive souvent d’innover dans ce cadre !

Amnesty International et d’autres organismes internationaux continuent à décrire la police espagnole sous les mêmes effroyables traits de toujours. Bien que les gouvernements espagnols successifs le démentent, les cas de tortures suivis de mort sont relatés avec des documents irréfutables. Mieux encore les organes de sécurité espagnols, dans le cadre de la démocratie en vigueur, et, afin de se blinder à l’égard des pouvoirs politiques, ont constitué eux aussi leurs syndicats multiples. Et ainsi les hommes politiques ne peuvent plus facilement, à chaque bavure, faire porter les responsabilités sur le compte de quelques fonctionnaires isolés, ayant agi de leur propre chef. Le cas le plus récent qui oppose l’un des syndicats au gouvernement, est celui du nigérien Osamuyi Aikpitanyi. On devait le rapatrier par force – comme le sont d’ailleurs tous les autres en dehors de toute considération juridique – et ainsi il était mis dans un avion escorté par deux agents de police.

Dans le passé l’expulsion d’un étranger, arrivé d’une manière clandestine ou se trouvant d’une manière irrégulière dans le pays, passait par un processus légal qui finit par une sentence juridique ferme prononcée par un juge. Ça prenait des mois sinon quelquefois des années. La démocratie était encore fraîche et on voulait faire les choses en concordance avec les lois supposées protéger les droits des personnes et en harmonie avec les valeurs de la démocratie. Eh bien tout ça a été supprimé. C’est la police et la garde civile qui détiennent toutes les prérogatives. La démocratie, l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et tous les textes semblables ne sont plus pris en considération.

Donc Osamuyi était bâillonné et les poings liés. Ce jour-là du 9 juin 2007, aucun des passagers dans l’avion ne s’était rendu compte que l’homme, placé entre les deux agents, était en train de mourir. Eh bien Osamuyi avait perdu la vie par asphyxie. Une enquête officielle est depuis ouverte. Le chef du syndicat de police, SUP (Syndicat Unifié des Policiers), auquel appartiennent les deux agents, Maximiliano Correal [8], vient de menacer de grève dans le cas où les deux policiers sont condamnés à une quelconque sanction. Selon le syndicat, la mort d’Osamuyi n’est due qu’au manque de moyens de rapatriement mis à la disposition des agents ! (Sic).Les agents n’avaient pas semble-t-il les moyens suffisants pour ramener au Niger le pauvre Osamuyi vivant !

La complicité nécessaire des régimes corrompus de la Périphérie.

Le pays d’Osamuyi considéré comme le dernier pays dans l’indice du développement humain, en plus d’un endettement endémique auprès de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, est néanmoins un des cinq pays producteurs de l’uranium dont dépendent, par exemple les 30% de l’électricité produite en France. L’uranium dans ce pays africain est exploité aujourd’hui même, exactement comme à l’époque coloniale, par la compagnie française, Areva, leader mondial de l’énergie nucléaire civil. Dans la foulée du scandale qui vient de se produire autour de cette compagnie qui aurait appuyé un coup d’état mené par le MNJ (Mouvement Nigérien pour la Justice) et dont le directeur Dominique Pin et le chef de la sécurité de la compagnie, Gilles Namur, viennent d’être expulsés, on apprend qu’elle payait à l’état 27.300 FCFA (Franc de la Communauté Financière Africaine) soit l’équivalent d’environ 40 euros la livre d’uranium pour la revendre sur le marché international à raison de 122.000FCFA environ 183 euros. Incroyable mais vrai, et, il va de même du reste de toutes les matières premières du Niger ou de n’importe quel autre pays de la Périphérie.

L’uranium est classé en deuxième position avec le lithium comme matière première stratégique. Et il se trouve que la société française Areva refuse de donner, au gouvernement nigérien, la carte géologique du pays qu’elle détient. On pense, de cette manière, limiter la possibilité d’exploitation à toute autre compagnie concurrente. Ce n’est là qu’un petit exemple qui explique les origines des misères qui poussent les désespérés à ce genre d’aventure au prix de leur vie.

A propos des moyens pour faire face à ce genre « d’invasion », comme la plupart des journaux espagnols et européens qualifient l’arrivée des ces pauvres dans leur tentative de « prise d’assaut » de la Citadelle Europe, des moyens considérables en finances comme en matériels divers de surveillance des côtes y compris des corvettes équipées de radars, à même de détecter une pirogue perdue en pleine mer à plusieurs dizaines de nœuds des côtes espagnoles, de moyens technologiques des plus sophistiqués, permettant aux agents de la garde civile ou autre de voir de jour comme de nuit ainsi que des installations sur terre ferme, soit pour retenir les émigrés, soit pour les identifier et les ficher avant de procéder à leur expulsion. En tout cas c’est l’organisme approprié de la Communauté européenne appelé « FRONTEX » qui fournit à l’Espagne et aux autres pays du sud, les pays qu’on appelle la frontière sud de l’Europe, tous ces moyens. Un budget de grandes dimensions qui a permis, en dehors de l’objectif à atteindre en lui-même, à l’Espagne de créer des centaines, sinon des milliers de postes permanents de travail, non seulement aux fonctionnaires de police ou de la garde civile, sinon aussi à la croix rouge et à beaucoup d’autres professionnels qui peuvent être mêlés, d’une manière ou d’une autre, à ce genre de situation.

Du premier janvier 2007 au 15 août sont arrivés sur les côtes espagnoles 8000 émigrants clandestins. Dans la même période, selon le ministère de l’intérieur espagnol, 8.500 « Sans papiers » ont été expulsés . Ce qui veut dire qu’en plus des 8.000 émigrants irréguliers [9], le gouvernement espagnol, à l’instar du président français Sarkozy, profite de la « cohue » et attrape tous ceux qui lui semblent suspects ou par leurs aspects jugés indésirables et on les met dans la même fournée des expulsés. La majorité de ces immigrés ratés, 4.600, ont été rapatriés par avion sur 123 vols affrétés ex professo. Les autres 3.900 l’ont été sur des vols commerciaux. Les plus récentes opérations de rapatriement ont été réalisées mardi dernier (Le 21 août 2007). Ce jour-là 409 immigrants ont été expulsés vers le Maroc et le Sénégal.

Dans une note, écrit le journal El Pais du 23 août, le ministère de l’intérieur a expliqué hier (mercredi 22 août) que dans l’opération vers le Sénégal ont participé 240 agents de l’Unité d’Intervention de la Police (UIP) et du Commissariat Général chargé des questions des Étrangers et de l’Identité Nationale. Le ministère a précisé que les agents ont tenu compagnie aux immigrants durant six heures – deux vols vers le Sénégal d’une durée de trois heures chacun. Ils étaient aussi accompagnés d’infirmiers et l’opération s’est déroulée impeccablement. Ce travail bien fait par les policiers – ajoute la note – mérite la considération d’un service extraordinaire bien accompli. Ce qui veut dire – selon le journal – que les agents sont en droit de s’attendre à une récompense spéciale qui se traduira en indemnités spéciales.

Aux dernières nouvelles, comme le rapporte le journal espagnol « La voz de Galicia » [10], le syndicat des policiers vient de gagner la partie au gouvernement et a obtenu satisfaction totale. Sous le titre, « Le ministère de l’Intérieur autorise l’usage de la force durant l’expulsion des immigrants » écrit : « Le ministère de l’intérieur a élaboré son premier protocole d’usage concernant les déportations massives des immigrants qui entrera très bientôt en vigueur. Dans ce document de vingt deux pages, la Direction Générale de la Police et de la Garde Civile autorise un large éventail de mesures de forces à employer contre les sans-papiers qui présentent une résistance quelconque à leur déportation. Le projet que le gouvernement approuvera dans les prochaines semaines est daté du 20 juillet dernier. Selon le porte-parole du ministère de l’intérieur, toutes les mesures qui étaient jusque là dispersées seront unifiées et appliquées durant les viajes de déportation. Elles seront encore renforcées par les directives européennes.

En vertu de ces directives, les fonctionnaires sont autorisés de neutraliser les déportés qui présentent une résistance en utilisant les lacets de sécurité (brides en plastique), des casques, des vêtements immobilisant homologués (sans spécification), des ceintures, des menottes ou similaires, et même du ruban adhésif renforcé, plus connu sous nom commercial de ruban adhésif américain… Le document souligne le fait que toutes ces mesures coercitives destinées neutraliser les sans-papiers ne doivent pas mettre en danger « leur dignité ni leur intégrité physique »(Sic). L’usage de ces procédures devra être proportionnel et conforme au respect des droits individuels des expulsés, ajoute la directive. Et en plus si jamais, dans le contingent, se trouvent des mineurs, toute action violente contre le passager récalcitrant devra se réaliser loin de la vue des enfants et adolescents ! (Quelle grandeur d’âme !!!)

Avec des instructions pareilles qui sont intentionnellement confuses, on cherche bien – en cas de bavures plus que prévisibles – de mettre le gouvernement et particulièrement le ministère de l’intérieur à l’abri. Et ce n’est pas tout.

Le texte ajoute qu’en tout moment durant le vol, les déportés doivent maintenir les ceintures de sécurité attachées et on ne peut leur enlever les menottes que dans le cas où le chef du dispositif policier le juge opportun. Les sans-papiers ne peuvent aller au toilette qu’accompagnés d’un fonctionnaire. Les rideaux des hublots des avions doivent être tirés afin que les déportés ne puissent jamais deviner vers quelle destination ils sont transportés. Bien que l’emploi de la drogue ou un puissant sédatif ne soit pas souhaité, l’option reste entre les mains du médecin qui fait partie du corps policier qui sera toujours de compagnie dans les expéditions… Plus loin on peut lire que la nouvelle norme établit aussi que le nombre minimum d’agents d’escorte sera d’un fonctionnaire par rapatrié. La directive donne le feu vert à l’emploi des agents de sécurité privés durant les déplacements. Les compagnies privées de sécurité sont aussi de la fête, il y a beaucoup de millions d’euros en jeu. L’adage qui dit, le malheur des uns, fait le bonheur des autres ne peut trouver meilleure application.

Ces escortes privées agissent en qualité d’appui et sont subordonnées aux instructions que leur donnent ou dirigent les fonctionnaires de police. Enfin il est établi qu’un nombre fixe de 900 heures de travail annuel au maximum que les agents de l’Unité de l’Intervention de la Police (Anti-émeute) peuvent réaliser dans ces services aériens.

Il est très rare, écrit encore le journal El Pais, que le ministère de l’intérieur révèle des détails sur un rapatriement et encore moins vers quel pays exactement. La principale raison réside dans le fait que les Gouvernements africains [arabes aussi] n’aiment pas que ce genre de question soit publique et encore moins faire l’objet d’une certaine publicité, de crainte de la réaction de leurs opinions publiques susceptibles face à ce qu’on considère une « vente » de leurs compatriotes qui ont parié de leur vie pour arriver en Espagne. En effet le nombre de ceux qui n’arrivent jamais, ni à atteindre l’Espagne ni à être expulsés, on n’en a aucun chiffre qui reflète les dimensions réelles de la tragédie, même si certains survivants indiquent bien aux autorités espagnoles le nombre exact de leurs compagnons de malheur qui sont morts et abandonnés en pleine mer durant la traversée. La secrétaire d’état de l’immigration espagnole, Consuelo Rumi, a déclaré que la seule pirogue arrivée le lundi 20 août 2007 à Fuerteventura (Dans l’archipel des Îles Canaries) 13 personnes auraient perdu la vie [11]. Alors que d’autre source et s’agissant uniquement des sénégalais, l’année 2006 aurait enregistré plus de mille disparus en mer [12].

Avec beaucoup de chances, ces traversées en pirogues, prennent deux à trois jours. Beaucoup se perdent en mer et n’arrivent qu’au bout de plusieurs semaines. Une pirogue avec 56 « passagers » est arrivée le 21 août 2007 en plein jour directement sur la plage du petit village de pêcheurs, Tajao, sur l’île de Tenerife. Les malheureux exténués quittaient leur embarcation insolite pour s’effondrer sur les galets gris de la plage. Le journal El Pais du 22 qui a publié l’article, a intitulé l’image avec l’expression suivante : « 56 sans papiers ont pu atteindre un petit village de pêcheurs. Surpris par le spectacle, les baigneurs se sont approchés et ont pris des photos souvenirs ! »

Donc le ministère de l’intérieur espagnol a rompu hier (pour le jeudi 23 août) avec cette discrétion, concernant le pays de destination des expulsés, parce que dans la même journée le Syndicat Unifié de la Police (SUP), majoritaire dans le secteur, avait protesté pour les conditions dans lesquelles travaillent les agents chargés des opérations de rapatriement ! Dans un communiqué sous le titre Administration misérable, le syndicat avait incité mais vainement les policiers à refuser d’accomplir l’ordre de rapatriement vers le Sénégal [De ce syndicat il était déjà question plus haut avec l’affaire de Osamuyi Aikpitanyia]
La note du ministère de l’intérieur révèle parfaitement l’importance d’un gouvernement de la Périphérie à côté d’un simple syndicat de policier aux yeux non seulement du gouvernement espagnol mais aux yeux de tous les gouvernements occidentaux. Que ceux qui pensent que l’affaire n’est qu’une question de dictateurs, qu’ils désenchantent, la question va bien au-delà et que tous les dictateurs à peine s’ils constituent ensemble ou séparément l’équivalent, non pas d’un syndicat de police comme le SUP espagnol, mais d’un syndicat des éboueurs d’une capitale occidentale quelconque.

La crainte de la réaction d’un syndicat justifie le mépris total vis-à-vis d’un gouvernement africain ou arabe. En même temps et plus grave encore, le mépris total vis-à-vis des sentiments des populations arabes ou africaines. C’est une évidence sur laquelle il n’y a aucun doute. Seuls sont les crédules, les naïfs et les innocents qui prennent l’esprit occidental pour ce qu’il n’est pas, n’a pas été et probablement ne le sera jamais.

Monsieur le Consul est en vacances.

La Guinée Bissau colonisée par les ibériques, frères des espagnols, les portugais, serait officiellement indépendante depuis 1974. Dans ce pays africain, il y a le petit enfant, Amadou, orphelin pratiquement depuis sa naissance, il y a un an et demi. Sa mère qui l’a au monde – comme l’écrivait Samuel Beckett, pour elle « le jour a brillé un instant, puis c’était la nuit… » Elle est morte juste après l’accouchement. Une ONG catalane s’est intéressée au cas du petit Amadou, qui passait toute la journée en pleurs. Non pas pour sa condition d’orphelin, car au début il était plutôt souriant comme pratiquement tous les bébés, explique Ruth Mañero [13] membre de la ONG catalane AMIC qui a vu Amadou en Guinée Bissau, mais pour les douleurs intenses qui l’accablent. Il souffre d’une hernie ombilicale géante depuis sa naissance.

Selon le chirurgien Ivan Mañero de la même ONG, l’hernie mesure 20 centimètres de longueur et 9 de largeur et sa solution nécessiterait en Espagne une opération d’à peine une demi-heure. Et tant que le pauvre n’est pas opéré, il peut mourir à tout moment. En février dernier l’ONG avait commencé avec toutes les démarches administratives nécessaires afin de faire voyager le pauvre Amadou en Espagne. Mais à chaque fois la procédure pour l’obtention du visa prenait une rallonge quelconque. Ce qui n’a pas découragé l’ONG, tout au contraire. Enfin un volumineux dossier a été constitué et se trouve entre les mains du consul espagnol à Bissau, la capitale, Ricado Aniño, avec tous les documents exigés y compris plusieurs photos du petit.

Et jusque là, le pauvre Amadou, inconsolable, continue à pleurer tout le temps qu’il se trouve éveillé. A aucun moment les larmes ne quittent ses yeux. Monsieur le consul avant de partir en vacances a refusé toutes les sollicitudes de visa y compris le visa d’Amadou. Il n’y a rien d’étonnant dans le comportement impitoyable du consul espagnol. Cette race de personnages, connue sous la dénomination corps diplomatique, est dotée d’une insensibilité effrayante. En ce qui concerne au moins l’Europe et le monde occidental, c’est un legs génétique qui vient de très loin, des profondeurs de l’histoire. Si on regarde de près les noms de famille de tous ces ambassadeurs et consuls actuels on découvrira des authentiques monstruosités. L’une d’elle c’est qu’ils sont presque tous, fils, petits-fils, arrières petits-fils etc. de diplomates. Ça peut remonter à plusieurs générations. Donc c’est une profession monopolisée par ces familles. Un cercle fermé qui n’admet l’accès à personne d’autre.

La deuxième monstruosité, c’est qu’ils ont l’art de servir avec la même habilité successivement un empire, un royaume, une république, une dictature ou un régime démocratique. Pour ce qui concerne l’Espagne la plupart des ambassadeurs et consuls, leurs pères ou leurs grands- pères ont déjà servi sous le général Franco. Comme dirait Jean Paul Sartre, dans leurs veines ne coulent pas du sang mais de la lymphe. C’est l’origine de leur terrifiante impassibilité et leur indifférence devant toute sorte de douleur humaine. Ils sont sans état d’âme.

Pourtant Ruth Mañero et son époux, le chirurgien, assurent que tous les frais de l’opération et du séjour de convalescence du petit seront pris en charge par l’ONG et ne coûteront rien au contribuable espagnol. D’autres représentants de la même ONG ont écrit à la présidence du gouvernement ainsi qu’à la vice-présidence et à toutes les instances du gouvernement qui pourraient être concernées par une telle question. Seule du ministère des affaires étrangères on a reçu une succincte réponse. La fonctionnaire de ce ministère, Nativel Peña, a effectivement confirmé le refus du visa pour Amadou en ces termes : « Je ne sais pas quels sont les documents contenus dans le dossier, mais je sais que le consul n’était pas convaincu. » C’est parfaitement clair. Il ne s’agit ni de lois, ni de légalité, ni d’aucune autre considération de n’importe quelle nature, il s’agit tout simplement de l’humeur de monsieur le consul. Depuis sa naissance le petit Amadou se trouve dans l’orphelinat, Casa Emmanuel, tenu par des sœurs missionnaires catholiques à Bissau. Finalement et pour le moment tout le monde se trouve en vacances sauf les douleurs d’Amadou. Et dire qu’on ne demandait pas un visa pour Amadou pour aller travailler en Espagne !

Les Cris de l’île de Gorée.

Les ancêtres d’Amadou et d’Osamuyi Aikpitanyia, par millions n’avaient pas eu besoin de visa pour être transportés dans les soutes des bateaux des négriers occidentaux vers le Nouveau Monde que venait de découvrir Christophe Colomb vers la fin du 15ième siècle. En effet de l’île de Gorée, du port Saint Louis, à l’embouchure du fleuve Sénégal, ou du port de James Fort, entre autres, des millions de personnes ont été embarquées par force sur les bateaux sous commandement des John Hawkins, Francis Drake ou John Newton. Tous ces personnages funestes sont convertis en légende par le cinéma des marins-pirates.

Newton par exemple avait fait fortune dans ce genre de commerce européen bien lucratif de négriers. C’est un commerce qui n’était pas exclusivement réservé aux navigants, pirates ou contrebandiers, mais auquel beaucoup d’autres, de différentes professions et nationalités européennes y avaient pris part quatre siècles durant. Des rois, des politiciens, des missionnaires, des particuliers et des compagnies diverses tous se sont enrichis à travers l’esclavage. Dans son livre The Atlantic Trade slave, Herbert Klein décrit comment les européens ont légalisé, organisé et systématisé ce commerce qui répondait aux nécessités de l’époque préindustrielle : Des licences sont délivrées, des registres sont tenus et des stocks pour l’approvisionnement des bateaux sont constitués, des formes de coopération entre les équipages et les agents en terre qui s’adonnent à la capture et à la vente sont minutieusement étudiées et ainsi de suite jusqu’aux médecins qui devraient examiner la « marchandise » et certifier sa bonne (qualité)santé.

Les papes, comme Nicolas V, donnaient leur bénédiction et des états supervisaient ce commerce en expansion. En Espagne précisément c’était un monopole d’état : la Couronne prélevait ce qu’on appelait le droit du siège pour l’introduction du produit ou de la marchandise dans ses colonies. Le roi des belges Léopold de Belgique qualifiait ce commerce de « merveilleux gâteau ! »

Tous les autres pays européens avaient, chacun, sa propre forme de tirer profit de ce commerce qui va durer officiellement, du moins, jusqu’à 1869 bien que les portugais par rapport à leurs confrères européens aient ajouté une rallonge jusqu’à 1888, il n’est point étonnant que le pauvre Amadou qui arrive au monde un peu plus d’un siècle plus tard en souffre les douloureuses conséquences, car le commerce n’a changé que dans la forme. Aujourd’hui le Continent Européen et son prolongement au-delà de l’Atlantique ne nécessitent plus ni des noirs massivement pour faire pour faire décoller leur industrie, ni des arabes pour se battre sous les drapeaux de l’Europe en guerre. Plutôt le contraire.

Le Rapport de Lugano et la nécessité absolue de la réduction de la population mondiale.

Dans le livre « Le rapport de Lugano » [14] afin que la Forteresse Occidentale continue son élan récidiviste il est plutôt question de réduction, non seulement des noirs et des arabes, mais de la population dans tous les pays du tiers monde dans son ensemble car la croissance démographique dans ces régions de la planète, constitue le plus grand danger. Dans ce « rapport » on peut lire : « Chaque année, les quelques 175 millions de grossesses se traduisent par 133 millions de bébés vivant à la naissance (les 42 millions de la différence étant avant tout dus aux avortements, légaux ou illégaux). La mortalité mondiale est d’environ 52 millions de personnes par an, ce qui signifie que l’augmentation nette de la population est de 81 millions d’individus par an (en 1995). Autrement dit, ce sont au moins 360.000 bébés qui naissent en moyenne tous les jours, dont plus de 90% dans le Tiers Monde ; ou, si l’on préfère, c’est l’équivalent de la population du Mexique tous les ans, de celle de l’Inde tous les douze ans. Ce sont pendant ce temps 142.000 personnes qui meurent chaque jour, dont beaucoup ont dépassé depuis longtemps leurs années de fécondité.

Tout au long de l’histoire, taux de mortalité et de fertilité ont été virtuellement identiques : il mourrait autant de personnes qu’il en naissait. Un grand nombre d’êtres humains n’atteignaient pas le stade de la reproduction. Aujourd’hui, la fertilité dépasse la mortalité de 250%. La mortalité infantile continue à chuter et l’espérance de vie à augmenter… Le temps que nos mandants lisent ce rapport (Paru en 2000), la population mondiale aura atteint le chiffre de 6 milliards. Elle atteindra celui de 7 milliards en 2008, celui de 8 milliards en 2020. Les prévisions pour les décennies à venir varient de 9 à 13 milliards, en fonction des hypothèses de départ. La population dans la trentaine de pays dits riches est stable ou en déclin. Dans tous les autres, elle continue à augmenter, même si c’est à un taux en général plus bas que dans les décennies précédentes. Les scénarios de stabilisation les plus optimistes reconnaissent qu’on ne parviendra à l’équilibre qu’à un niveau extrêmement élevé (10 à 12 milliards) et que ce stade ne sera pas atteint avant une période allant de 2050 à 2075. » Finalement le « Rapport » arrive à la conclusion qu’il faut absolument réduire les populations en surplus et recommande la Stratégie de Réduction de la Population (SRP). Par la suite le Rapport détaille les différentes formes pour arriver à cet objectif. Il appelle cette réduction de la population les SRP préventives.

Hugo Chavez, le président du Venezuela élu et confirmé dans toutes les règles de la démocratie occidentale, néanmoins il constitue avec Evo Morales de Bolivie et Rafael Correa de l’Équateur les cibles préférées ces derniers temps du cynisme occidental. La campagne incessante de presque tous les médias, de gauche comme de droite, contre la personne de Chavez suivie de menaces à peine voilées d’invasion et de renversement par les États-Unis de Bush, en dit bien long sur l’esprit de la nouvelle Espagne. On l’accuse de tyrannie ! Eh bien Hugo Chavez dans sa dernière réplique [15] il n’a pas mâché ses mots en rappelant à l’Europe d’avoir mis à sac l’Afrique, l’Amérique sans pour autant – jusqu’à nos jours – assumer la responsabilité de ses actions. « Les européens cultivés se sentent scandalisés quand on leur rappelle ce qu’ils ont fait parce qu’ils continuent à nous considérer encore des sauvages… Alors que ceux qui sont en droit de se sentir offensés, ce sont bien les peuples américains quand ils voient comment l’Europe ne cesse de vénérer Christophe Colomb. »

Il n’y a aucun chiffre exact sur le nombre des africains qui sont passés par l’île de Gorée, mais à coup sûr, leurs cris d’angoisse et de terreur mêlés aux bruits des chaînes et des manilles résonnent encore dans l’espace, entre la mer et le ciel. On parle de 60 à 200 millions de personnes entre hommes, femmes et enfants qui ont été arrachées de leur terre et de leur foyer. Au moins le tiers a succombé durant la traversée. Aujourd’hui, à la place des bateaux des négriers, au large des côtes africaines, de plus en plus sillonnent la mer les patrouilles de la FRONTEX européenne à la chasse des pirogues. Et voilà qu’aucun des dirigeants des pays africains concernés ne se trouve en mesure de s’expliquer réellement devant son peuple sur une telle situation. Et comment peuvent-ils le faire s’ils sont des complices ! Ils préfèrent tous, les démocrates, comme au Sénégal ou les dictateurs comme celui de Libye ou du Maroc ou de la Tunisie, collaborer avec l’Occident. Certains, sinon tous reçoivent aussi, en contre partie, de substantielles rémunérations, comme s’ils étaient engagés dans le corps de polices espagnol, italiens ou français.

Dans le communiqué du FTCR, on peut lire au sujet de cette complicité : « L’État tunisien reste par là en cohérence avec sa politique de collaboration active avec les politiques de contrôle des frontières extérieures de l’Europe. Cette collaboration consiste en ce qui est assimilable à de la sous-traitance des tâches de répression de l’immigration hors des cadres législatifs de protection des droits des personnes dont il est établi qu’ils ne sont pas garantis en Tunisie. »

Épilogue.

Loin d’être terminée, cette réflexion aura, comme on peut bien l’imaginer des suites et des interrogations légitimes sur la nature des relations entre les peuples, d’autant plus dans le cadre de ce qu’on appelle pompeusement la « Mondialisation et ses biens faits » il n’y aurait plus de restriction aux libertés. Toutes les libertés. Par exemple la libre circulation des individus et des capitaux. Que le Marché, l’âme de la Mondialisation, finira par porter la prospérité à tous les peuples de la planète. Hors les réalités sont loin de confirmer de telles assertions. Les capitaux sont libres de circuler, mais dans un seul sens, du Sud vers le Nord comme toujours. Les individus sont aussi libres de circuler, mais uniquement ceux du nord. Le Marché ne fait que distribuer plus de prospérité à ceux qui sont déjà prospères et de la misère à ceux qui se trouvent déjà dans la pauvreté absolue. La paix brille par son absence dans les quatre coins de la terre.

En Colombie c’est la guerre qui dure depuis des années. Le Venezuela est menacé d’une invasion à tout moment. La Bolivie qui a vu de toutes les couleurs de l’agression multiforme des États-Unis serait aussi dans le point de mire. Le Mexique est en prise avec la rébellion de Chiapas depuis plusieurs années, Cuba subit un embargo monstrueux depuis des décennies, au Brésil, les scandales de corruption dans l’entourage même du président Lula sont devenus quotidiens. Il n’y a pas un seul pays dans ce continent qui n’est pas en conflit latent ou ouvert avec les États-Unis. En Afrique, la Congo est toujours en « guerre civile ». Le Rouanda aussi. La Côte d’Ivoire, le Tchad, la République Centre Africaine, le Zimbabwe, tous ces pays sont en déstabilisation continue depuis plus d’un demi-siècle. Et comme il ne semble pas suffisant, les occidentaux, européens et américains, sont en train d’ouvrir un nouveau front au Soudan. Sarkozy parle de Darfour comme s’il s’agissait d’un territoire d’outre mer français.

Ils sont en même temps en train de s’installer militairement dans toute la zone de l’Afrique du Nord. Et comme d’habitude, on commence par envoyer des experts et par la suite on enverra les troupes. Ces experts sont passés par Alger, par Tunis, par Rabat et par Nouakchott avant d’aller au Mali et au Niger. Pour ce qui est du monde arabe dans son aile orientale, l’Irak où Bush et compagnies (Surtout les régimes arabes et particulièrement ceux du Golfe) prétendaient installer la démocratie, bientôt il ne restera plus rien d’un pays arabe qui était le plus avancé dans les années soixante dix et même les années quatre vingt. James Baker, l’ancien ministre des affaires étrangères des États-Unis (Ou de la famille Bush) avait bien menacé le ministre des affaires étrangères irakien Tarak Aziz en 1991 de détruire l’Irak et de le renvoyer à l’âge de la pierre.

La sinistre prophétie est actuellement une terrifiante réalité. Ceci dit ni Bush, ni ses alliés ne peuvent prétendre avoir remporté une victoire. Rien n’est fini encore dans ce pays. Quant à l’Égypte sous la tyrannie de Moubarak qui dure depuis plus de vingt ans serait sur un volcan qui peut entrer en éruption à tout moment. Les israéliens qui sont les maîtres de toute la région et d’une grande partie de la planète, tuer les palestiniens, les libanais et les arabes et musulmans, c’est devenu leur sport quotidien favori. Il y a des jours où ils tuent des enfants, des femmes et des vieillards en bon nombre. D’autres jours ils choisissent des jeunes bien ciblés. (Le journal français le Monde, utilise avec effusion le terme ciblé. Parce qu’à partir du moment où la victime est ciblée, elle cesse d’avoir des caractéristiques humaines et par conséquent les israéliens peuvent en tuer autant qu’ils le désirent.) Et personne dans le monde n’ouvre la bouche. Et gare à celui qui le fait. Dans les médias arabes officiels ces massacres ne sont même pas rapportés dans la rubrique des faits divers.

Mais le plus cynique, bien que ça ne soit pas étonnant, l’ONG américaine, Human Right Watch, vient de publier un rapport dans lequel, est accusé Hizbollah d’avoir cherché délibérément des objectifs civils l’été dernier, lors de la guerre engagée par les israéliens contre le Liban ! Plus loin vers l’Est, l’Afghanistan, c’est tout l’OTAN qui s’est installé avec toutes ses troupes pour « moderniser » le pays. Du point de vue démocratie, avec la Jirga, la question serait déjà résolue. Du moins dans l’esprit de Karzai, de Bush et de ses alliés. Il a fallu la prise d’otages des Sud-Coréens pour s’apercevoir que les anciennes méthodes utilisées par les espagnols à partir du 16ième siècle étaient toujours en vigueur. Juan Ginès de Sepùlveda, un « humaniste » espagnol, dit-on, et expert en philologie grecque qui justifiait la « conquista » appuyait avec ferveur l’évangélisation des indigènes. Les sud-coréens étaient donc en mission d’évangélisation des indigènes afghans. Plus loin de l’Afghanistan, il y a encore le Pakistan où la terre tremble dans le sens littéral et figuré du terme. Et puis les pays dont le nom se termine par stan dans la même région sont devenus synonyme d’instabilité, de misère, de corruption et de tyrannie. Nulle part en tout cas on ne trouve les biens faits de la mondialisation, ni la prospérité générale promise par le Marché ou confié à celui-ci.

[1] AFP, le 22 août à 12 h 07

[2] Sur le site de « www.tunisnews.net du 27 août et selon l’INS le RNB ou PIB serait d’environ de 4000 DT

[3] À part les samedis et les dimanches, 8 au total dans chaque mois. En janvier deux jours supplémentaires le 1er et le 6. En février deux jours, le 2 et 28. Au mois de mars deux jours, le 1er et le 19. En avril quatre jours, le 5, 6, 9 et 23. Au mois de mai quatre jours, le 1, 2, 17, 30 et 31. Au mois de juin un jour, le 9. Au mois de juillet un jour, le 25. Au mois d’août un jour, le 15. Au mois de septembre cinq jours, le 8, 11, 15, 24 et 29. Au mois d’octobre trois jours, le 8, 9 et 12. Au mois de novembre un jour, le 1er. Au mois de décembre quatre jours, le 6, 8,25 et 26. (Source El Pais de janvier 2007. Et BOE – journal officiel espagnol – numéro 298)

[4] Voir El Pais du 24 août 2007.

[5] Voir El Pais du 26 août 2007.

[6] Dans le texte original, le nom fictif utilisé est Khaled.

[7] C’est-à-dire le signal qu’on donne à ceux qui se sont restés encore dans leur pays d’origine pour les rejoindre.

[8] Voir El Pais du 23 août 2007.

[9] Voir El Pais du 23 août 2007.

[10] Voir La Voz de Galicia du 26 août 2007.

[11] Voir El Pais du 20 août 2007

[12] Voir El Pais du 25 août 2007

[13] Voir El Pais du 25 août 2007

[14] Le Rapport de Lugano de Susan Sontag (Librairie Arthème Fayard, 2000.)

[15] Voir El Pais du 27 août 2007