De 2011 à 2019, l’endettement total est multiplié par près de 3,4. En d’autres termes, une augmentation de 78,5 Milliards de dinars, ce qui correspond à plus de 70% de l’endettement total et une moyenne d’expansion de 8,72 Milliards de dinars par an. Ainsi, aux regards des montants et de la période post-révolution concernée, l’ampleur de l’endettement de la dernière décennie aura pratiquement éclipsé la période Ben Ali ! Et les perspectives d’endettement auprès du Fonds Monétaire International (FMI), lourdement négociées pour tenter de circonscrire les effets négatifs des réformes structurelles imposées, n’apportent aucune garantie d’amélioration de la situation économique et sociale dans le pays.
Depuis la révolution de 2011, la Tunisie n’a conduit et n’a engagé aucun investissement productif d’envergure ou d’avenir pour bâtir les fondations contemporaine d’une économie durable et verte : Aucune centrale électrique solaire innovante, aucune proto-industrie de pyrolyse des plastiques, aucune ingénierie propre à développer une industrie nationale, ni même dans le numérique qui pourtant est essentiellement une production intellectuelle.
Il n’y aura eu aucun objectif de contenir (si ce n’est inverser) le déficit structurel de la balance commerciale ou réduire la dépendance de la Tunisie aux marchés financiers et aux devises étrangères… Rien ! Le néant absolu ! Que sont devenus les quelques 90 milliards de dinars TND provenant de la dette extérieure post-Révolution ? Quelles est la situation réelle ? Quelles en sont les conséquences et les perspectives pour la Tunisie ? La Tunisie a-t-elle des solutions ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre de manière objective.
Une dette extérieure hors de contrôle
Usuellement, la soutenabilité de la dette extérieure d’un pays est évaluée en fonction de son PIB. Cet indicateur peut être critiqué à plus d’un titre, notamment pour la Tunisie, car la dette extérieure est libellée et reste remboursable en monnaies étrangères, alors que le PIB du pays est généré en monnaie locale. Le fait que la dette extérieure puisse financer le déficit budgétaire de la Tunisie, implique comptablement que cette dette participe directement à la croissance artificielle du PIB, par un effet de change. L’expression du PIB de la Tunisie en dollar USD, fait apparaitre une période de récession comprise entre 2014 et 2019. Une récession qui disparait par effet de change lorsque le PIB est exprimé en Dinar TND sur la même période. Pour éviter ce biais, le PIB comme les dettes ainsi que tous les prochains indicateurs seront exprimés en dollar USD à sa valeur courante de marché. Ainsi, il sera possible de décrire les évoluions réalistes de la soutenabilité de la dette ou la solvabilité de la Tunisie vis-à-vis de tous ses partenaires internationaux.
En 2021, la dette extérieure atteint 44,3 milliards USD, alors que le PIB atteint 46,8 milliards USD après que la Tunisie ait connu 5 années de crises économiques caractérisées par une forte récession à partir de 2015 et la chute du PIB jusqu’à ce que ne survienne la crise sanitaire. Dans ces conditions, il peut être conclu que l’accélération de l’endettement extérieur de 2014 n’a pas permis et n’a pas servi à éviter ou circonscrire la récession de 2015 à 2020.
En 2020, la Tunisie saura faire preuve de résilience face à la situation sanitaire avec un PIB qui renoue avec la croissance dès 2021. Une croissance technique dans un contexte de reprise économique mondiale, suffisamment soutenue pour maintenir un niveau d’endettement juste en-dessous de la barre toute symbolique de 100% de son PIB !
On peut d’ores et déjà constater, que l’endettement de la Tunisie a largement dépassé les niveaux raisonnables de soutenabilité qui étaient encore maintenus jusqu’en 2014 à 53,6% du PIB, pour finir hors de contrôle à des niveaux équivalents à près de 100% PIB ces deux dernières années. Ce dérapage est acté et il est à imputer aux derniers gouvernements post-révolution et en particulier sous le mandat de Béji Caïd Essebsi, ex-ministre de la dictature de Ben Ali dont les schémas de corruption ont largement été reproduits …
En effet, en venant combler le déficit budgétaire et l’incurie financière des gouvernements successifs, la dette extérieure a plus nourri la corruption des parties politiques, que ce qu’elle aurait dû permettre de réaliser en terme d’investissements productifs nécessaires au développement économique durable, touristique, agricole, culturel et social … Cette manne financière, couteuse, a été gaspillée au détriment de l’avenir de toute la nation, de tout son peuple et ce, pour de très nombreuses générations …
Toute dette extérieure, qui ne soit pas investie dans la création durable d’une richesse tangible et réelle, tel qu’un équipement industriel ou de services, s’inscrit dans une politique de création monétaire dont la contrepartie de valeur sera prélevée soit par les impôts, soit par l’augmentation des prix à la consommation, couramment appelée « inflation ».
Compte tenu de réserves de changes et des revenus en Tunisie, le niveau d’endettement extérieur est désormais insoutenable. Il met le pays dans une situation de dépendance et de vulnérabilité extrême face à l’instabilité économique et géopolitique mondiale et ce, avec fort peu de perspective d’une issue favorable.
Aujourd’hui et plus que jamais, la Tunisie est dépendante pour sa survie financière de l’intervention extérieure et du FMI. Elle devra alors se soumettre à ses exigences de court-terme et au dogme de l’austérité et des privatisations des services publics, ce qui la maintiendra toujours au seuil de l’insolvabilité perpétuelle et conservera le système pyramidal d’usure et le transfert continu de richesses des plus pauvres vers les plus riches !
Tous les symptômes d’un système à l’agonie
Sachant que la Tunisie connait un déficit structurel de sa balance commerciale qui l’oblige à recourir à la dette extérieure pour équilibrer ses comptes, il est plus réaliste de mesurer la soutenabilité de la dette par rapport à ses avoirs et ses réserves. Les réserves de changes (monnaies étrangères) et d’or de la Tunisie garantissent en réalité la capacité en trésorerie pour assurer le règlement de ses engagements financiers.
En 2009, la Tunisie a connu la meilleur configuration de sa solvabilité et donc de la soutenabilité de ses engagements extérieurs, lorsque le niveau de réserve a égalé 48% de sa dette extérieure, suite à une amélioration graduelle de la qualité de ses réserves de changes depuis son point le plus bas de 1985 à seulement 5%, période des plus sombres pour la Tunisie et l’inflation mondiale … L’histoire se répète-t-elle encore une fois ?
Par contre, depuis 2010, le niveau des réserves du pays n’a pas cessé de se dégrader très fortement et ce, en dépit du flux massif entrant des nouveaux emprunts extérieurs pour atteindre un nouveau point bas en 2018 à 15% de réserve, pour atteindre péniblement 23% en 2020 grâce à la crise sanitaire et au ralentissement du déficit de la balance commerciale pour arriver au niveau de 18% en septembre 2022.
Si le niveau de réserve actuel semble un peu plus important qu’en 1985, en réalité il cache deux grandes faiblesses. Contrairement à 1985, les réserves de changes sont aujourd’hui constituées de dettes à court terme remboursables dans les 12 mois et des droits de tirage spéciaux DTS au FMI. Deux facteurs aggravants qui viennent s’ajouter à une situation déjà critique de surendettement
D’une part, le recours aux financements à court terme soumet la Tunisie à la spéculation des marchés et à la merci des agences de notation. D’autre part, le recours au FMI expose la Tunisie aux dogmes fallacieux des privatisations des services publics et les politiques d’austérité. L’une et l’autre des solutions réduisent les ressources financières intérieures, condamnent toute croissance durable, tout en maintenant le pays au bord de l’insolvabilité permanente.
La Tunisie plonge inexorablement et de manière inextricable dans un endettement global à deux vitesses : le premier à long terme qui représente 75% du stock total et qui engage l’avenir sur plusieurs générations. Le second à court terme qui représente désormais 25% du total et qui aggrave la vulnérabilité du pays face à l’instabilité économique mondiale. La Tunisie est tombée dans la spirale de l’endettement à court terme, dont elle n’arrive pas à s’extraire en dépit du recours de plus en plus massif aux financements auprès du FMI, uniquement pour constituer la trésorerie nécessaire à honorer ses engagements extérieurs et en particulier le règlement des intérêts des dettes désormais arrivées à échéance.
Avec une dette à court terme qui dépasse 29% de l’endettement total en 2019, 26% en 2020 puis 32,4% en 2021, la Tunisie ne pourra pas résister à la succession des crises financières, économiques et politiques dans lesquelles elle est engluée, sans rompre avec cette voie sans issue conduisant au moins aux mêmes conséquences qui ont suivi les évènements de décembre 2010 et avant eux de décembre 1983 lors des « émeutes de pain ».
Il ne fait plus aucun doute que la Tunisie ne peut plus résister à son endettement extérieur lorsque son maintien financier dépend de la dette à court terme et de sa soumission au FMI sur toute la dernière décennie. Une manœuvre comptable qui tente de gagner du temps sur un court terme dans un contexte désormais irréversible, sans disposer de nouvelles ressources financières renouvelables et durables.
Compte tenu de la récession de 2015 à 2019, suivi de la crise sanitaire en 2020, puis de la flambée de l’inflation mondiale dès 2021, qui s’amplifiera et se doublera d’une crise énergétique avec le conflit en Ukraine en 2022, ainsi que désormais les anticipations de récession mondiale en 2023, la Tunisie est prise au piège de sa vulnérabilité économique dépendante de ses créanciers étrangers; ainsi que de l’environnement délétère mondiale auquel elle est soumise.
Pour comprendre par quel mécanisme la Tunisie est enferrée dans ce piège, il ne suffit plus de le constater par des indicateurs d’insoutenabilité ou d’insolvabilité. Il devient nécessaire de saisir le fonctionnement de l’usure qui conduit inévitablement les pays pauvres à enrichir les pays riches !
Les intérêts de la dette extérieure que la Tunisie cherche à honorer par tous les moyens, même les plus désespérés, en souscrivant aux engagements du FMI contre réformes structurelles et à un recours massif aux emprunts à court terme, sont les instruments de l’usure et de l’austérité pour enrichir les pays riches et les actionnaires des institutions financières.
Une « aide » gratuite n’existe pas, il n’y a que du profit !
Dans le jargon financier, contracter une dette, c’est réussir à obtenir une « Aide financière » comme si la philanthropie était la motivation de l’argentier pour octroyer généreusement un emprunt. Il n’en est rien ! La subvention n’existe pas dans le monde de la finance car ni la philanthropie, ni l’empathie n’y ont leur place. Il ne s’agit là que de « business » et de spéculation qui se doivent d’être rentables pour avoir un intérêt.
Le principe de ce « business » consiste à spéculer sur la solvabilité des débiteurs pour imposer des intérêts d’usure, au prétexte de rémunérer le risque à sa juste valeur.
Les intérêts sont calculés sur tous les types de dettes, aussi bien sur les emprunts à long terme des secteurs publics et privés, que sur les emprunts à court terme engagés sur 12 mois ou même encore sur les fonds du généreux FMI. Tous les engagements extérieurs sont adossés à des intérêts, sans exception.
La charge des intérêts à régler annuellement a atteint son pic à deux reprises en 2007 et en 2020 pour dépasser la barre des 900 millions USD par an, soit près de 3 Milliards TND! Uniquement pour assurer le règlement de l’usure de la dette extérieure, dont un peu moins d’un tiers est dû au titre de la dette à court terme ! Une manne financière qui vient annuellement enrichir les créanciers, déjà bien riches pour pouvoir prêter, mais pas assez riches pour se dispenser de percevoir régulièrement les intérêts de sa générosité bien opportuniste ! Une manne financière due et qui n’est même pas investie dans l’avenir du pays, dans des investissements productifs ou pour un développement mutuel …
Considérant que les intérêts sont comme la dette, payables en monnaie étrangère, leurs règlements nécessite que la Tunisie accède à ce précieux sésame pour honorer ses engagements. L’accès à la monnaie étrangère se réalisera par la souscription de nouvelles dettes pour compléter les apports des transferts de la diaspora Tunisienne à l’étranger. Les intérêts sur la dette augmentent les besoins de réserves de changes de la Tunisie et s’accumulent comptablement au déficit structurel de la balance commerciale.
L’usure à long terme des générations futures !
Un regard éclairé sur le poids des intérêts de la dette à long terme permet de constater qu’entre 1970 et 2020, soit la totalité des données consolidées disponibles, sur le total de27,6 Milliards USD de dettes cumulées en 2020 : 20,5 milliards sont dus au titre des seuls intérêts ; soit plus de 74% !
Autrement dit, les trois-quarts de la dette de long terme accumulés depuis 1970 à aujourd’hui est le fait des intérêts accumulés depuis cette date ! Cela signifie aussi quesi la Tunisie n’avait pas à supporter le poids des intérêts cumulés depuis 1970, la dette réellement engagée ne s’élèverait en réalité aujourd’hui à environ 7 milliards USD. On peut en en conclure que la Tunisie s’est appauvrie de près de 20 milliards USD, soit près de 65 milliards de TND, pour un apport financier net global, trois fois inférieur. Ces 65 milliards TND d’appauvrissement seront à payer par les générations futures !
Pour retarder l’appauvrissement progressif et assurer le règlement régulier des intérêts sur sa dette extérieure, la Tunisie est obligée d’accélérer le rythme de souscription de nouveaux emprunts pour dépasser le rythme de l’accumulation des intérêts à payer, sans quoi le solde des transferts nets financiers devient négatif et la Tunisie devient comptablement financeur net de ses créanciers. Une véritable hérésie en matière de développement durable. Une défaillance pure et simple du système financier !
Cette situation a bel et bien été vécue par la Tunisie entre 2008 et 2014. Sept années durant lesquelles la Tunisie s’est appauvrie par le transfert net de 12 milliards USD, soit 39 milliards de TND vers ses créanciers étrangers comme si le pays s’était engagé dans un processus de désendettement massif. Pourtant, comme nous l’avons constaté aucun processus de désendettement n’a effectivement eu lieu ou n’a même été initié, puisque la dette globale n’a jamais cessé d’augmenter.
En 2008, suite à la crise financière des « subprimes » aux Etats-Unis et la faillite de la banque Lehmann Brother, les conséquences de la crise économique mondiale ainsi engendrée ont été sévères pour la Tunisie et les pays les plus vulnérables face au dollar USD. Au premier rang desquels on peut citer l’assèchement des liquidités sur les marchés financiers, puis la dégradation des notes souveraines. Dans ces conditions, pour la Tunisie comme pour les autres pays du monde exposés aux dérèglements économiques globaux, les capacités d’emprunts et de refinancement se sont restreintes au point de maintenir continuellement ces économies au bord de la rupture.
Le piège s’est refermé de manière définitive avec l’accélération du surendettement en 2014: la Tunisie est contrainte à un rythme de surendettement plus élevé que l’accumulation des intérêts réglés depuis 1970… C’est inextricable, sans quoi le système financier s’effondre, d’où les recours en urgence à l’intervention du FMI !
Techniquement, les flux nets sur la dette extérieure représentent la somme du principal des nouvelles dettes décaissées à l’étranger, dont les rachats du FMI, auxquelles on aura retranché les remboursements du principal sur les dettes arrivées à échéance. Nous avons donc, avec cet indicateur, une bonne évaluation du bilan entre le « Principal » des dettes remboursées et encaissées.
Tant que l’indicateur est positif, le flux financier sur le « Principal » de ses dettes extérieures est favorable à la Tunisie en fournissant un apport de devises pour constituer les réserves de changes. Ce flux financier permet ainsi en théorie, de combler son déficit commercial systémique et honorer les engagements financiers extérieurs.
On constate que la reprise des engagements a lieu dès 2013 pour s’accélérer à partir de 2014 et atteindre un nouveau pic historique à près de 25 milliards de USD de flux nets entre les engagements financiers et les remboursements du principal des créances (sans les intérêts). Ainsi, la Tunisie ne peut prétendre en 2020 avoir dégagé un solde positif depuis 1970 sur les transferts nets sur sa dette extérieure (intérêts inclus) que de 4,04 milliards USD. Soit à peine de quoi assurer le paiement le service de la dette à payer en 2021 en principal et intérêts s’élevant à 4,5 milliards USD !
Autrement dit, les 4,04 milliards de financement nets théoriquement disponibles en 2020 par l’accumulation de l’endettement extérieur depuis 1970, ne serviront jamais à réaliser un seul investissement d’avenir ! Ils serviront dans le meilleurs des cas, à enrichir les pays créanciers par le paiement technique et mécanique des intérêts d’usure de la dette et au pire des cas, à corrompre les parties politiques et faire accepter les réformes structurelles. Tel est l’unique avenir qui a été réservé aux générations futures issues de la dernière décennie d’endettement !
Que vaut réellement la dette extérieure de la Tunisie ?
Pour bien prendre conscience de ce que représente de nos jours 40 milliards USD de dette extérieure pour la Tunisie, il faut se situer dans le contexte actuel de mondialisation des économies et de la finance internationale, défendue par la doctrine néolibérale anglo-saxonne dominante.
L’argent gratuit pour les pays riches
Depuis la crise financière mondiale de 2008 déclenchée par la défaillance de la banque Lehman Brother et l’éclatement de la bulle spéculative des « surprimes », la FED et la BCE, entre autres, se sont engagées dans des politiques, dites « non conventionnelles », de création monétaire tout-azimuts : Premièrement, en abaissant les taux de refinancement des banques privées auprès de ces banques centrales au point que l’argent est devenu « gratuit ». Puis, en augmentant la masse monétaire en circulation dans des proportions démesurées. Enfin, en s’engageant dans de vastes programmes de rachats massifs d’actifs financiers publics et privés. Ces programmes d’achats d’actifs ou « Quantitative Easing QE » auront pour but d’injecter de l’argent « quasi-gratuitement » à la demande des gouvernements de la zone euro, comme les grandes entreprises cotées en bourse et indirectement les hommes parmi les plus riches de la planète.
Avec leurs politiques de taux bas, voir nuls, lA FED et la BCE ont accordé une facilité de crédit historique qui a permis aux banques privées d’être rémunérées pour inonder d’argent leurs clients, leurs marchés financiers et boursiers de manière inédite et illimitée. Cet afflux financier massif a expédié artificiellement les indicateurs boursiers des pays riches vers des sommets historiques en nourrissant des bulles spéculatives sur toutes les classes d’actifs financiers.
Les politiques de création monétaire de la FED et de la BCE deviennent paroxystiques avec la crise sanitaire en 2020, dontles conséquences planétaires sont incommensurables, générant une inflation mondiale inédite depuis les années 1980 !La FED a, à elle seule, créé du néant plus de 16 600 milliards USD entre 2020 et 2021,pour faire face à la crise sanitaire aux USA.
16 600 milliards USD de création monétaire, sans aucune contrepartie et en moins de 2 années, relève bien de la démesure. Il s’agit de 415 fois de la dette extérieure accumulée par la Tunisie, en 50 ans d’usure, depuis 1970 !
Entre 2009 et 2022, la BCE a, quant à elle, créé ex-nihilo plus de 7400 milliards d’eurode monnaie en seulement 13 années. Soit 185 fois la dette extérieure que la Tunisie a accumulée en 50 ans, depuis 1970. Un rythme et une capacité de financement que la Tunisie ne connaitra jamais, dans le contexte financier mondial actuel !
A partir de 2014, la BCE a aussi engagé un programme d’achat d’actifs (APP) qui consiste à, je cite : « un ensemble de mesures de politique monétaire non conventionnelles qui comprend également des opérations de refinancement à plus long terme ciblées, et qui a été lancé à la mi-2014 pour soutenir le mécanisme de transmission de la politique monétaire et fournir le montant des politique d’accommodement nécessaire pour assurer la stabilité des prix … »
Autrement dit, à contre-courant du dogme classique du capitalisme libéral, la BCE a créé de la monnaie pour 3 436 milliards d’euros pour acheter des actifs financiers publics et privés afin de refinancer les entreprises et les Etats européens en difficultés chroniques depuis la crise de 2008 … Sur les 7 années durant lesquelles la BCE a massivement refinancé Etats et entreprises, elle a injecté l’équivalent de 40 milliards par mois sur 84 mois successifs.
La BCE a injecté dans l’économie de la zone euro, l’équivalent de la dette extérieure de la Tunisie au rythme d’une fois par mois pendant 84 mois. Sans ironie aucune : si la BCE avait décidé d’arrondir son injection monétaire à 85 mois, soit un petit mois de plus sur les 7 dernières années, elle aurait pu se permettre d’effacer le stock de la dette extérieure de la Tunisie cumulée depuis 1970 et ce, intérêts inclus ! Voilà ce que représente la dette de la Tunisie : un mois sur les 7 années du programme d’achats d’actifs de la BCE !
Les Européens n’auront pas souhaité partager avec la Tunisie, ne serait-ce qu’une petite fraction (1/84 éme) de la richesse créé ex-nihilo en quelques années. Visiblement il a été préféré de faire porter à la Tunisie le poids de l’inflation mondiale et des intérêts de la dette pour l’appauvrir encore et favoriser l’enrichissement de ses créanciers de la zone euro !
Bien au contraire, si les Européens avaient fait le choix d’un 85ème mois de programme d’achats d’actifs par la BCE, au bénéfice de la Tunisie, ils auraient commis alors l’acte de partage de richesse le plus important de l’histoire de l’humanité pour seulement 40 milliards d’USD ! Ce partage de richesse aurait même pu s’inscrire dans le cadre d’une prise de responsabilité éclairée face aux changements climatiques et à la dette écologique de l’Europe envers les pays pauvres du Sud. Cela aurait été l’initiative du 3ème millénaire pour un codéveloppement Nord/Sud équitable à essaimer. Mais tel n’a pas été le cas !
De quoi reléguer le peuple tunisien, ses 40 milliards USD de dettes extérieures et toute la misère accumulée depuis 1970 à l’expression la plus insignifiante, la plus négligeable, de l’existence humaine ou de la vie sur Terre ! Lorsque la BCE rachète massivement des actifs de la zone euro pour 84 fois la dette tunisienne. Quand l’expansion monétaire en zone euros sur les 13 dernières années représente 185 fois la dette tunisienne. Quand la seule FED aux USA fabrique du néant de la monnaie pour un équivalent de 415 fois la dette tunisienne et ce, en moins de deux années. Alors, on peut conclure que la dette tunisienne est insignifiante et que son peuple est méprisé par les élites des pays riches.
Subir l’inflation importée
Avec une balance commerciale déficitaire et une dépendance aux importations pour subvenir aux besoins de son économie,la Tunisie est de fait, obligée de se procurer des dollar USD et de l’euro €, essentiellement par de la dette, pour avoir accès à la monnaie, précieux sésame, qui lui permettra d’honorer ses échanges commerciaux internationaux. Ainsi, la Tunisie est de facto livrée aux paiements d’intérêts pour accéder à une monnaie d’échanges.
La Tunisie doit avant tout payer un service pour avoir accès à une monnaie qualifiée par le FMI de « librement utilisable » sur un marché mondial qualifié de « libéralisé » … On ne peut pas définir un « marché libre », s’il faut payer pour y avoir accès … Surtout, lorsque tout le monde ne paye pas le même prix, pour le même service. Dans la vie de tous les jours, lorsque l’on paye pour un service, celui-ci n’est ni libre d’accès, ni gratuit : la sémantique « libérale » du FMI est mensongère !
Si l’accès aux marchés financiers ou monétaires n’est en réalité pas libre, mais bien payant, il y a aussi une autre réalité à percevoir lorsqu’il s’agit de réaliser des échanges internationaux : les prix de marché des matières premières comme des produits finis ne dépendent pas uniquement de l’offre et de la demande, mais ils s’ajustent également en fonction de la valeur et de la disponibilité de la monnaie dans laquelle ses échanges sont libellés et réalisés ; soit la spéculation et l’inflation.
D’une actualité chronique brulante, les tendances de l’inflation dans les économies avancées et en Europe de l’ouest sont synchronisées depuis 2000, d’après le FMI. Ce qui est remarquable, c’est que l’inflation dans le monde, ainsi que l’inflation dans les économies émergentes et en développement sont elles aussi très fortement corrélées aux économies développées et d’Europe de l’ouest.
On constate que l’inflation des pays émergents est deux fois supérieure à la moyenne mondiale et que l’inflation dans les économies avancées et de l’Europe de l’ouest est deux fois inférieure à la moyenne mondiale. Le taux d’inflation moyen mondial atteint son point le plus bas avec un plancher de 2,5% environ que lorsque l’inflation des pays développés et de l’ouest de l’Europe est quasiment nulle.
On observe que les pic d’inflations dans les pays développés en 2008, 2011, 2018 et actuellement la flambée de 2022, génèrent des pics d’inflation près de deux fois plus intense dans le monde et encore plus saillant dans les pays émergents. On remarque que la région Afrique, la région Maghreb et la Tunisie subissent différemment l’amplification des pics d’inflation survenant dans les pays aux économies développées et de l’Europe de l’Ouest.
L’inflation générée par les économies développées se propage vers le reste du monde par l’usage massif du dollar USD et de l’euro d’une part comme principales monnaies de réserves pour réaliser les transactions financières et d’autre part comme référence de valeur pour déterminer les prix des transactions. Ainsi une dévaluation de ces monnaies génère mécaniquement une inflation aux répercussions planétaires.
Cette inflation planétaire qui s’impose à la Tunisie, comme au reste du monde, l’obligera à dépenser plus et puiser dans ses réserves pour satisfaire ses besoins essentiels intérieurs et ce, que ce soit pour accéder aux matières premières, aux biens et services ou pour accéder aux marchés monétaires et financiers … Tel a été le cas des années 80 qui ont connu une flambée mondiale de l’inflation durant laquelle les réserves de changes et d’or de la Tunisie se sont volatilisées jusqu’à un plus bas en 1985, concomitant aux « émeutes de la Faim ».
L’argent est un produit financier spéculatif, sans boussole ni étalon de mesure !
Le système de Bretton Woods, adopté en 1944 et qui a donné naissance au FMI, met en place un système monétaire international de changes fixes basés sur le dollar américain, qui, lui, disposait d’une valeur fixe de conversion face à l’or. Le Dollar USD devient alors l’unique monnaie de réserve internationale, ainsi que la monnaie d’échange pour les transactions et fixer les prix des biens et services. Tous les pays doivent désormais se procurer et disposer de cette monnaie pour réaliser ses échanges internationaux. Un privilège qui enracinera la domination financière des USA sur le reste du monde grâce au contrôle exclusif sur le dollar USD.
Toutefois, les dérapages monétaires, les dépenses de guerres et les déficits commerciaux des Etats-Unis ont conduit à ce que les demandes de remboursement en or des dollars excédentaires, affaiblissent les stocks d’or aux Etats-Unis et leur capacité à garantir la convertibilité du dollar USD. Ainsi survient en 1971 la crise économique et monétaire mondiale générée par la décision unilatérale des États-Unis de suspendre la convertibilité en or du dollar USD. Par une décision provisoire, les Etats-Unis imposeront depuis ce jour le système des changes flottants, encore en vigueur aujourd’hui. Système ouvrant la voie à la spéculation sur les monnaies et donc sur les nations, sachant que le vecteur principal de cette spéculation est le dollar USD.
Le régime de changes flottants régit le taux de change entre les monnaies qui estdit « librement » fixé sur un marché spécialisé. Les États ne déterminent donc plus directement leurs taux de change, et laissent la valeur de leur monnaie être déterminée par la rencontre de l’offre et de la demande, ouvrant la voie à la spéculation et à la dérégulation financière au titre du néolibéralisme. Dès lors, l’argent devient un produit financier spéculatif, affranchit de la convertibilité en Or et donc d’un étalon de mesure de valeur physique.
À compter de ce fait accompli, l’ensemble des monnaies du monde sont devenues des monnaies essentiellement scripturales, matérialisées par une écriture sur un registre bancaire et dont la valeur varie au rythme des transactions sur le marché des changes. Ces valeurs et leurs variations n’ont plus d’étalon de mesure monétaire, tel que l’Or auparavant. La valeur et les variations des monnaies ne sont plus mesurable qu’entre elles.
Le Forex (en anglais Foreign exchange market ou FX), est le marché sur lequel la valeur des monnaies échangées est fixée l’une contre l’autre, à des taux de change qui varient en permanence. Pour accéder au Forex, les pays dépourvus de ressources financières, doivent indexer leur monnaie sur une devise majeure sur le marché comme l’euro ou le dollar USD. Ces pays doivent acheter ou vendre leur propre monnaie sur le marché des changes contre la devise par rapport à laquelle la valeur de sa monnaie est fixée afin de maintenir un niveau stable de change. Ces pays tentent ainsi de se prémunir des effets de la spéculation sur leur monnaie nationale pour tenter de conserver une stabilité financière et réunir les conditions durable d’un développement économique local.
Les pays dont la monnaie domine sur le Forex, comme l’euro et le dollar, détermine la valeur des autres monnaies et ainsi le taux de change. Ils peuvent alors subir impunément l’influence de l’offre et de la demande, ou de la spéculation, sans intervenir nécessairement sur le marché. Ces pays manipulent la valeur de leur monnaie et influencent la cotation des marchés, en agissant sur les taux de refinancement bancaires et décidant du rythme de création monétaire, réalisant ainsi autant d’opérations spéculatives de rachats ou de revente de dettes, de monnaies ou d’actifs financiers sur l’ensemble des marchés tel que cela a été massivement pratiqué cette dernière décennie. C’est pour cette raison essentielle que l’on constate la chute libre du dollar USD depuis des décennies et en même temps un gain de valeur sur l’ensemble des autres monnaies de la planète. Une hérésie, un crime hystérique et compulsif contre l’humanité !
La chute flottante des monnaies
La FED évalue la perte de valeur du dollar USD qu’elle émet depuis 1960 à plus de 90% aujourd’hui. Autrement dit, 100 dollars USD de 1960 ne valent plus que 9,57 USD aujourd’hui. C’est à dire que le pouvoir d’achat a été divisé par plus de 10 en 60 ans ; soit en l’espace d’à peine une vie humaine. Quel progrès !
Ces données historiques décrivent un processus à sens unique : le dollar USD n’a jamais fait que perdre de la valeur depuis 1960, plus ou moins rapidement. Il ne s’est jamais significativement ou durablement apprécié par rapport à une valeur antérieure. Jamais, le dollar USD n’a permis de faire baisser le prix des matières premières, des biens et services. L’inflation ainsi générée depuis 1960 n’a fait que s’accumuler jusqu’à ce jour. Les prix n’ont jamais connu une baisse significative. Le dollar USD, de par sa perte de valeur continue, n’a jamais amélioré le niveau de vie ou le pouvoir d’achat des populations. A croire que le progrès n’a jamais été en mesure d’améliorer la productivité du travail.
Cette perte de valeur du dollar USD depuis 1960 a, toujours selon la FED, conduit à une augmentation continue des prix jusqu’à atteindre 916% aujourd’hui … Les prix des biens et services, dont les prix sont fixés en dollar USD et qui sont échangés dans cette monnaie, ont été multiplié par 10 environ depuis 1960 du seul fait de la dévaluation du dollar et des politiques monétaires expansionnistes des USA …
Cette augmentation des prix sur les marchés internationaux génère pour les pays les plus démunis un besoin supplémentaire en financement en dollar USD et/ou Euros, pour renforcer leurs réserves de changes. Cette demande supplémentaire conduitmécaniquement ces monnaies (Euro/dollar) à récupérer progressivement de la valeur sur le « marché des changes flottants », et retrouvent alors leur statut de « valeur refuge ».
Un autre phénomène vient contre nature, accentuer la progression du dollar vis-à-vis des autres monnaies : dans le tandem Euro/dollar, l’euro qui se présente en concurrent, s’inscrit de fait dans ce système de change indexé au dollar et en subit aussi les conséquences. En effet, pour tenter de juguler la flambée de l’inflation aux USA, la FED a entamé dès février 2022 une politique de resserrement monétaire sans coordination avec les autres banques centrales (BCE, BoJ, BoE) déclenchant ainsi une vaste guerre des monnaies sur les marchés des changes. En effet, les divergences des taux de refinancement auprès de la FED et les autres banques centrales, dont la BCE entre autres, ont naturellement alimenté la spéculation sur les monnaies.
A cela vient s’ajouter un cercle vicieux pour les économies dépendantes du billet vert. Plus le dollar s’apprécie et se renforce par effet de bulle spéculative sur le marché, plus les paysles plus vulnérables rencontreront de difficultés pour s’en procurer et ce, à un prix plus élevé. De cette façon, se crée un effet de rareté (“dollar shortage”) qui auto-alimente la bulle spéculative sur une valeur forte artificielle du dollar USD.
Ce qu’il faut comprendre dans ce vaste égarement de la mondialisation, réside dans le fait qu’aujourd’hui le dollar entraine toutes les autres monnaies vers des pertes significatives de valeur dans leur ensemble, mais de façons désordonnées les unes par rapport aux autres. En réalité, la dévalorisation continue et globale du dollar USD est dissimulée dans le système de « change » flottant » par ce qu’il est dépourvu d’étalon de mesure monétaire. Cette dévaluation du dollar se diffuse de manière plus ou moins brutale et plus ou moins amplifiée sur les autres monnaies pour lesquelles il fait référence de valeur. Cette dévaluation engendre le choc de prix ou le choc d’inflation planétaire qui s’amplifie, par conversion, en fonction du taux de change. Cette dévaluation du dollar, entraine la perte généralisée de valeur sur toutes les autres monnaies. On pourrait qualifier ce phénomène monétaire de « chute flottante des monnaies ».
Galilée, puis la relativité d’Einstein illustrent parfaitement ce phénomène lorsque leurs théories décrivent la chute libre des corps et la gravité terrestre dans un référentiel newtonien. Deux corps, quelque soit leur poids, qui chutent en même temps sont quasiment immobiles l’un par rapport à l’autre. Le corps le plus léger des deux aura même tendance à s’élever en hauteur par rapport à l’objet plus lourd et ce, alors que les deux corps sont bels et bien en chute libre et vont lamentablement s’écraser au sol de la même manière et quasiment en même temps. Il s’agit là, encore une fois, d’un point de vue d’observation pour décrire un phénomène : La chute libre du dollar entraine simultanément la chute généralisée de toutes les autres monnaies et ce, grâce au système de change flottant imposé provisoirement depuis 1971 par les USA au reste du monde qui établit le dollar comme unique étalon artificiel de valeur!
Ainsi, le cycle infernal et destructeur de richesse, se referme sur l’économie mondiale qui reste dépendante de monnaies de références illégitimes pour déterminer les prix des matières premières, des biens et des services, dans un régime de change spéculatif manipulé au détriment de toute logique d’équité ou de durabilité de l’ordre économique mondial.
Une pyramide financièrede Ponzi
Si la doctrine classique du capitalisme libéral a toujours imposé le fait que pour garantir sa solvabilité, une dette doit être associée, en contrepartie, à une valeur ou à une production de richesse, en réalité, selon les dispositions récentes « non conventionnelles », plus aucune richesse n’est adossée à la dette ou à la création monétairetelles que l’ont massivement pratiquées la FED et la BCE. De la même manière que l’inflation intérieure détruit les économies des citoyens, une inflation mondiale détruit les réserves de changes des pays et particulièrement des pays les plus démunis et vulnérables !
Les réserves mondiales de changes sont constituées de nos jours pour 55% de dollars USD et pour 19% d’euros ; soit un total de 74%. Lorsque la valeur intrinsèque de ces deux monnaies est détruite par une création monétaire non conventionnelle, alors les prix des produits fixés dans ces monnaies s’envolent dans une inflation incontrôlable à l’image et de ce que le monde a connu dans les années 1980 et nous connaissons aujourd’hui !
Il existe un consensus général qui associe la flambée dès 2021 des prix sur les marchés internationaux, à la création d’argent par la BCE et la FED en 2020 et ce, après une décennie de politique « non conventionnelle » d’expansion monétaire. Pourtant, la présidente de la BCE Christine Lagarde, prétend que l’inflation en Europe et dans le monde provient de nulle part … Déni de réalité ? Aujourd’hui, toutes les prévisions anticipent la persistance de l’inflation forte en 2023 …
Les politiques d’expansion monétaire des pays riches, génère une inflation internationale qui procède aux transferts ascendants de valeurs depuis les pays les plus démunis exposés aux augmentations des prix et qui voient se dégrader la valeur de leurs réserves de change. En effet, lorsque l’inflation augmente aux USA ou en Europe, les prix augmentent aussi sur les marchés internationaux par ce que la grande majorité des matières premières, d’où qu’elles proviennent, sont échangées sur de places boursières où les prix et les transactions sont fixés en dollars ou en euros.
Ainsi, l’inflation mondiale générée par les banques centrales des pays riches s’impose aux pays pauvres qui, par les efforts supplémentaires demandés à leur économie nationale et à leur population active, doivent alors générer davantage de travail et de richesses, pour subvenir à leurs besoins essentiels. Les pays pauvres et leur population, n’ont pas d’autre choix que de travailler davantage pour payer plus cher les matières premières et alimentaires dont ils ont besoin. Ils réalisent ainsi un transfert net de richesses vers les pays riches qui manipulent les prix quand ils n’en perdent pas totalement la maitrise !
Le dollar et l’euro étant des monnaies de réserve pour 74% dans le monde et des références pour fixer les prix dans les échanges et les transactions internationales. Une perte de valeur de l’une ou de ces deux monnaies, réduira d’autant la valeur des réserves mondiales de changes et mécaniquement le pouvoir d’achat en tout autre monnaie des autres pays. Cette perte de pouvoirs d’achats engendrera mécaniquement une inflation des prix sur les importations, avec les phénomènes d’amplifications par effets de change dans les économies locales…
L’échec du système monétaire mondial.
Le leadership occidental a lamentablement échoué à contribuer à la stabilité et la sécurité dans le monde. Le modèle politico-financier anglo-saxon a profondément porté atteinte aussi bien au droit universel au développement et à la souveraineté économique et financière des pays du monde, qu’à la démocratie et à l’autodétermination des peuples. Les seuls buts achevés de ce modèle ont consisté à dominer l’économie mondiale par le contrôle total du droit d’usage de la monnaie. Il s’agit de s’assurer ainsi un enrichissement pyramidal mondialisé, en conservant indéfiniment ce privilège financier et donc la capacité de racheter et conduire l’innovation technologique partout dans le monde et s’en assurer la suprématie. Les fonds d’investissement, comme la Silicon Valley ou le complexe militaro-industriel étatsunien ont été les principaux bénéficiaires des récentes injections monétaires ce qui donne aux Etats-Unis la possibilité de conserver l’avantage technologique et en équipement guerrier pour imposer son système financier au reste du monde.
A la COP27 en 2022,la démonstration a été faite que les USA et l’Europe qui ne rechignent pas à créer massivement de la monnaie pour conserver leur « business as usual », refusent toujours la mise en place du mécanisme de compensations pour « pertes et dommages » afin que les pays les plus vulnérables aux catastrophes climatiques disposent enfin des moyens pour faire face aux conséquences de plus en plus fréquentes et dramatiques. Que valent les engagements collectifs cyniques des pays développés, pris en 2009 à la Cop15 de Copenhague, de mobiliser 100 Mds de $ de fonds publics et privés, par an d’ici 2020 pour aider les pays du Sud à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre ou s’adapter aux changements climatiques ? Les Etats-Unis, par une explosion monétaire en 2020 de plus de 16 000 milliards USD, ont créé suffisamment de dollar pour assurer 160 années d’engagement des accords de Copenhague ! 160 années d’équité écologique et de lutte contre le dérèglement climatique, gaspillé en quelques mois au détriment des économies du Sud et du reste du monde ! ! !
Ce faisant, le modèle anglo-saxon a fait la démonstration de son échec à conduire le monde vers la paix, vers un système financier et politique démocratique et équitable, vers une conservation des écosystèmes et renouvellement des ressources naturelles, vers un monde de développement mutuel et durable, un monde de bien être tout simplement.
Bien au contraire, plus que jamais l’instabilité et les divisions politiques, économiques et culturelles se diffusent et se propagent à travers la planète à la vitesse soutenue des spéculateurs et des profiteurs de guerres … Ce modèle a fait de l’expansion monétaire, son outil de mondialisation, d’expansion géographique, d’asservissement et d’appauvrissement de la population mondiale !
Compte tenu des politiques irréparables des banques centrales, ni le dollar américain, ni même l’euro, ne peuvent plus prétendre conserver leurs privilèges de disposer des prix mondiaux des biens et services. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le dollar a dominé le monde et a généralisé le modèle anglosaxon de développement inéquitable bâti sur le cycle de la consommation de masse, de la dérégulation financière, de l’expansion monétaire, de l’endettement et de l’inflation et ce, au détriment de l’environnement et des ressources naturelles, au point de conduire à l’accélération du changement climatique et de la 6ème extinction de masse de l’histoire de vie sur Terre.
Ce système a atteint toutes ses limites, qu’elles soient écologiques, humaines, sociales, politiques, économiques et financières. L’humanité est arrivée à la fin de ce paradigme de développement basé sur les privilèges du dollar et bâti sur l’endettement illimité des américains qui ne génèrent que pauvreté, discrimination dans le monde et financent les guerres de domination qu’elles soient d’agression ou par procuration et ce, fallacieusement au nom de la démocratie et du libéralisme …
Une réforme mondiale nécessaire
Depuis les années 70 et les arrangements américains avec les accords de BrettonWoods, suivies par les régimes Reagan et Thatcher, le modèle anglo-saxon a imposé sa politique de dérégulation des économies par une mondialisation agressive établie sur la déréglementation financière et la domination du dollar US sur le reste de la planète au titre du néolibéralisme pour lequel toute tentative de protectionnisme fut condamné sans réserve. Au nom fallacieux du néolibéralisme fondé sur le totalitarisme monétaire du dollar US, l’interventionnisme des Etats fut systématiquement et implacablement sanctionné par les politiques du FMI, les pratiques financières de la BM, mais surtout par les guerres des USA. Doit-on encore les citer ? C’est ce qui est très ironiquement appelé aujourd’hui le « monde libre ».
Encore aujourd’hui cette doctrine, cette mentalité de domination prévaut toujours et l’exemple du prêt du FMI de 1,9 milliards de dollars US n’en est qu’une énième répétition. A quoi peut donc servir aujourd’hui ce nouvel emprunt de 1,9 milliards laborieusement négocié depuis plus de deux ans et imploré par un pays arrivé à son effondrement économique total ?
Aucun investissement d’avenir bien entendu, ni même une perspective de partenariat pour un co-développement économique. Non, il ne s’agit pas d’investir dans une capacité de production quelle qu’elle soit et de créer des ressources financières renouvelables et durables pour le pays. Non ! Il s’agit de conserver la solvabilité de la dette extérieure de la Tunisie pour qu’elle puisse subvenir aux remboursements et aux paiements des intérêts ! Voilà, le seul réel objectif de ce nouvel emprunt : enferrer toujours plus le pays dans sa dépendance financière et sa tutelle politique extérieure.
L’injonction des réformes structurelles associées aux dettes du FMI, vise à déréguler l’économie locale par la privatisation des entreprises et des services publics et conduisent à démunir l’Etat de ses fondamentaux économiques et le dessaisir de ses fonctions sociales essentielles! En supprimant le pouvoir d’agir de l’Etat, en lui réduisant les capacités et les moyens d’intervenir, ces réformes structurelles garantissent techniquement la dépendance des gouvernements à la dette extérieure et la soumission des pays à la domination monétaire du dollar sur le reste du monde.
Que signifie aujourd’hui un prêt de 1,9 milliards d’USD et ses conséquences structurelles ? Lorsque les USA se sont permis de fabriquer du néant 16 000 milliards d’USD entre 2020 et 2021 et que l’Europe occidentale en fait de même entre 2014 et 2021 pour 3436 milliards d’euros ? Il ne faut pas oublier que le stock de la dette extérieure de la Tunisie accumulée depuis 1970 ne représente que 30 jours d’impression monétaire en Europe (base 100 2014) et moins de deux jours aux USA (base 100 2020). Dans ces conditions, 2 milliards USD peinent à correspondre à 2H30 de rythme d’impression monétaire aux USA en 2020-2021.
L’avenir de la dette extérieure de la Tunisie, comme celle de tous les pays dominés et dépendants du dollar US ou de l’euro, est bien sombre. La survie de pays dépendant de perfusions financières qui les enferrent dans l’étau d’une dette qui les appauvrit et les manipule politiquement. Compte tenues des perspectives économiques et d’inflations durablement dégradés et du contexte d’escalade militaire et de guerre partout sur la planète où la domination du dollar se dérobe et où les USA interdisent toute alternative à leur soumission !
Comme dans les années 1980, le monde connait une inflation planétaire qui trouve son origine dans l’insolvabilité des USA et qui a pour conséquence de produire une crise majeure de confiance dans le dollar US et sa capacité à constituer une monnaie équitable et stable, à établir des réserves de change et à servir d’étalon de valeur pour réaliser les échanges et le commerce international.
Tout le monde peut observer le changement de civilisation qui s’opère actuellement et dans laquelle le modèle anglo-saxon n’est plus en capacité de tenir sa place totalitaire détenue par héritage coloniale et des règles de domination hégémonique et suprématiste des accords de BrettonWoods. Nul doute que les politiques monétaires conduites ces dernières années par les USA et l’Europe occidentale ont conduit d’une part l’ensemble de la planète à sombrer dans l’inflation et l’insolvabilité, mais surtout et d’autre part elles constituent l’annihilation pure et simple, en moins d’une décennie, du pouvoir d’agir pour réduire la pauvreté et les inégalités à travers le monde et instaurer le développement mutuel fondé sur l’égalité et la fraternité entre les cultures et les peuples !
Dans ce nouveau monde en émergence, aucune monnaie nationale ne devrait avoir une quelconque extraterritorialité, ni d’usage, ni de droit. Toute nation doit pouvoir utiliser librement sa monnaie nationale pour réaliser ses échanges internationaux. Ainsi, un nouveau référentiel monétaire et une nouvelle règlementation internationale seront nécessaires pour convenir d’une part du système de taux de change fixe entre les monnaies et d’autre part de fixer les prix de marchés internationaux des biens et des services.
Une réponse à ce besoin de refonder les règles monétaires, financières et commerciales internationales est en train d’émerger au sein des BRICS qui représentent de plus en plus la plus large majorité de la population et de l’économie mondiale, au point que les institutions actuelles perdent autant en légitimité et en crédibilité. Les peuples du monde ont bien plus de chances de trouver leur salut et la Paix au sein des BRICS, qu’avec l’ingérence ou les interventions du FMI, BM et autres institutions financières internationales vecteurs d’inégalités et de pauvretés.
La seule issue favorable pour la Tunisie pouvant émaner de ce nouveau prêt, consisterait à tenter de se reconstituer des réserves monétaires suffisantes pour espérer subvenir aux besoins de son peuple encore quelques temps. Pour y parvenir, la Tunisie devra prendre le train actuel en marche et convertir sa dette pour la diversifier en se tournant vers les BRICS et la libeller progressivement en tout autre monnaie que le dollar USD ou l’euro, telle que le Yuan, le Rouble ou la roupie. La diversification de la dette sera la seule voie lui permettant de retrouver suffisamment d’indépendance pour opérer les investissements productifs et d’avenir nécessaires, en partenariat technologique avec les autres nations émergentes, pour réaliser le changement et réussir son inclusion économique dans un environnement mondial inéluctablement dédollarisé et dans le meilleur des cas, dénucléarisé ! Dédollariser et dénucléariser le monde : c’est sans aucun doute la ferme volonté de la quasi-totalité de l’humanité !
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