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Le pouvoir, ce terme qui suscite en nous des réactions contradictoires, d’attrait, de répugnance, de crainte et de défit sans savoir pour autant le véritable sens de la notion qui peut prendre suivant le cas le symbole de l’absolutisme et de l’oppression comme elle peut devenir le moyen de la délivrance et de l’émancipation.

La série de textes suivant sous le titre de « réflexions et lumières sur la notion du Pouvoir » cherche à appréhender cette notion dans les conditions et les circonstances par lesquels est en train de passer notre pays.

Si le pouvoir politiquement cerné renvoie à l’enjeu dont il est l’objet. Dans les systèmes traditionnels avec son aspect despotique absolus il devient cet outil de domination qui assujetti les peuples dans la soumission et qui ne laissent aucun espoir de délivrance que par l’insurrection et la révolution. Ce même pouvoir dans les pays libres devient l’objet d’une compétition transparente, contradictoire et ouverte pour tous ou des structures appropriés « partis politique » disposent de tous les moyens nécessaires et des bases populaires pour lui accéder dans l’alternance et en toute sécurité sans que l’ordre social ne soit atteint ou définitivement renversé. Ce pouvoir devient dans les pays en phases transitoire entre un pouvoir traditionnel classique et un pouvoir moderne d’état de droit l’objet d’une lutte acharnée entre ceux qui le détiennent et cherchent désespérément à nier l’existence de toute substance de pouvoir en dehors de leur autorité et ceux qui ouvrent des champs de contestation sur tous les fronts pour démontrer que le pouvoir absolu à perdu son unité…

Aujourd’hui si les partis classique sont en difficulté à se mettre à l’avant du mouvement et à se débarrasser définitivement de leurs réflexes de soumission et de dépendance de l’autorité les avocats, les magistrats, les journalistes, les enseignants pour ne citer que ceux là sont entrain de signifier à la dictature ouvertement qu’ils ne cadrent plus avec ses plans… ce texte tente de poser la problématique du passage démocratique que notre pays(La Tunisie) est entrain de vivre aujourd’hui

I – INTRODUCTION

-1-« L’homme est un être social par nature » disait Ibn Khaldoun [1] depuis six siècles déjà. Cette nature qui condamne l’homme à vivre en communauté lui a imposé en même temps l’obligation de se soumettre aux règles qui régissent son organisation. Cette soumission consentie ou forcée n’est jamais laissée à l’évaluation discrétionnaire des individus. L’ordre social a toujours et partout prévalu sur les considérations de liberté des particuliers. Des structures de commandement et de coercition sont instaurées pour l’assurer de tout temps. C’est LE POUVOIR. Indépendamment de sa nature, de sa légitimité et de tout autre élément qui peut le définir, c’est lui qu’on trouve dans tout rassemblement humain et à qui il échoue le rôle modérateur des rapports entre individus.

-2-Aujourd’hui nous distinguons selon la situation et le niveau de développement de chaque pays trois types de pouvoir qui coexistent parallèlement :

  • Le pouvoir traditionnel qui se fond sur « des coutumes sanctionnées par leur validité immémoriale et par l’habitude enracinée en l’homme de les respecter » suivant la formule de Weber. Le pouvoir est identifié à une autorité « naturelle » que ni l’origine ni les fondements ne sont remises en question. Les monarchies sont l’exemple de cette catégorie.
  • Le pouvoir légal rationnel dont l’Etat moderne est la manifestation la communauté est fondée sur l’adhésion contractuelle et l’égalité juridique. Les dirigeants comme les gouvernés se trouvent soumis à des règles claires fondées sur le droit.
  • Le pouvoir charismatique qui repose sur une « communauté émotionnelle » autour d’un leader politique ou religieux se fondant sur un régime plébiscitaire aboutissant à la suspension de l’application normale des règles juridiques.

-3-A coté de cette classification en types de base du pouvoir on trouve une autre distinction tenant au cycle dans lequel se situe tout pouvoir indépendamment de son type. Construit sur le cycle de dégénérescence du pouvoir élaboré par Ibn Khaldoun autour du concept de l’Asabiah [2]. En distingue aujourd’hui trois phases dans lesquels on peut classer tout pouvoir indépendamment de toute autre norme ou du pays où il est exerçait. Le pouvoir qui part d’un “pouvoir régulier” se transforme en “un pouvoir de fait” pour se terminer en “un pouvoir d’usurpation”. Ce modèle de classification permet aux juristes de mesurer aujourd’hui la nature de la relation de commandement/obéissance dans le rapport entre gouvernants et gouvernés.

La combinaison des critères des deux modèles de classement sur n’importe quel pays permet de mesurer le stade de son évolution et le degrés de stabilité du pouvoir qui le gouvernait.

-4- Ainsi la particularité de l’homme avant d’être un être social par nature est celle d’un être gouverné par définition. Toute l’histoire de l’humanité peut être retracer dans cette contradiction vécue par chaque être humain entre son besoin d’affirmer sa spécificité et celui de s’insérer dans sa communauté. Sa particularité ne se distingue que par la position qu’il réussi à atteindre au sein de sa société et la fonction qu’il occupe dans son organisation. Le rôle social de l’individu peut être assumer de deux façons complètement opposé : par sa contribution à l’affirmation de l’ordre établi ou par sa contestation, il contribue à le faire progresser ou à le faire changer.

Suivant la nature de la société, son importance et son degré d’évolution sa structure prend des configurations plus complexes en sous catégories hiérarchisées en classes, ethnies et groupements diverses qui évoluent en sous communautés dominées par les mêmes critères de compétions. Le pouvoir en tant que moyen d’ordre social est la dynamo de cette compétition au progrès et au surpassement au sein de la société avant d’être l’outil d’écrasement de l’individu et de sa sujétion. C’est sous cette acception que la notion de pouvoir est abordée dans cet essai.

-5- La force du pouvoir n’a jamais été dans le pouvoir de la force même si la force est le dernier recours du pouvoir. Quand la contrainte exercée sur la société au nom de l’ordre social parvient à perturber les règles naturelles de compétitions entre ses membres le pouvoir cesse d’être le moteur de son progrès et de son évolution mais devient l’obstacle de sa réalisation. C’est la raison pour laquelle la notion de pouvoir n’a jamais pu être dissocier de celle de légitimité qui prévoit des règles préétablies applicable à tous de la même façon dans son exercice sans lesquels tout pouvoir n’est que despotisme et tyrannie. « La légitimité fait apparaître aux yeux des acteurs concernés les injonctions émanant des autorités comme des obligations qui leur incombent : l’obéissance requise change pour eux de visage et par là même de signification ».

à suivre :

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II – LE BONUS D’AUTORITE

Voir le Blog du Juge Mokhtar Yahyaoui

[1] Ibn Khaldoun introduit cette affirmation comme une citation en référence aux houkama, terme qui renvoie dans la terminologie classique aux philosophes grecs de l’antiquité, pour expliquer le titre de son chapitre concernant la nécessité de la vie en société pour l’homme. Al moukaddima, tome 1, page 77 édition STD, Tunis 1984

[2] Ibn Khaldoun : Al moukaddima, tome 1, page 221 et 227 édition STD, Tunis 1984