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En milieu urbain, la formule adoptée par tout le monde semble être « loin de chez soi et des yeux ». Au fait, rien ne semble déranger les citadins sur le devenir de leurs déchets du moment qu’ils sont éloignés de leurs espaces de vie. Rappelons simplement que la solution adoptée pour les déchets d’origine urbaine est leur enfouissement. Les sites d’ensevelissement des déchets se trouvent un peu partout et génèrent des revenus substantiels pour les sociétés qui les gèrent. Cette pollution diffuse défigure pratiquement tous les espaces ruraux en Tunisie, et ne semble pas se voir éliminée ou atténuée dans un futur proche. En milieu rural, les déchets sont moins volumineux que ceux en milieu urbain, simplement parce que nombreux matériaux sont recyclés, et ne sont jetés que ceux que les populations ne peuvent pas recycler. Il y a un grand volume de déchets organiques (surtout des résidus fourragers), naturellement recyclables. Seulement qu’au cours des dernières années, on assiste à un alignement des modes de consommation en milieu rural sur ceux observés en milieu urbain. La différence étant que le pouvoir d’achat et la densité des populations sont inférieurs à ceux connus en milieu urbain.

Il en résulte que beaucoup de déchets plastiques envahissent les déchetteries. Les déchets sont souvent déposés en tas peu loin des habitations où ils s’amoncellent et ont l’habitude d’être recyclés, surtout qu’ils ne contenaient pas de plastique et d’autres matériaux non recyclables. Ces derniers comprennent tous les emballages plastiques connus des produits alimentaires (boissons de toutes sortes, produits laitiers, sachets, emballages…). Les métaux se réduisent essentiellement aux emballages des produits de conserves (tomate…). Le verre y est peu représenté, sauf les bouteilles de bière et de vin non recyclables, puisque ces dernières ne peuvent plus être toutes consignées, et ne sont en conséquence plus ramassées par des collecteurs qui ont l’habitude d’arpenter les zones rurales pour les vendre par la suite. Il en est résulté un phénomène inédit, à savoir que les buveurs ont tendance à casser sur place les bouteilles vides, rendant nombreux milieux infréquentables et même dangereux pour le bétail et les humains qui risquent facilement de se blesser. Par rapport aux déchets en verre, une des utilisations insolites étant que des bouteilles sont cassées pour bloquer des pistes lorsque des manifestants empêchent le passage des automobilistes pendant certaines manifestations (voir photo).

Blocage d’une piste, par des bouteilles en verre, entières et cassées

Un autre phénomène, lié aux déchets, est à souligner, à savoir que des citoyens rejettent leurs déchets sur le bord des routes, loin de toute agglomération. Ces déchets de toute sorte (déchets électroniques, habits usagés, seringues en quantité et d’autres résidus hospitaliers, parfois même des déjections animales…) sont enveloppés dans des caisses et semblent avoir été transportés d’ailleurs. D’autres sources des déchets viennent de certains commerçants mobiles qui rejettent des emballages plastiques et en carton dans le milieu naturel, souvent en bord de route. Il s’agit en particulier de vendeurs de produits agricoles et pharmaceutiques qui optent pour le rejet de ces déchets loin de toute agglomération.

Dépôts de déchets d’emballage au bord d’une route, en dehors des agglomérations

Une des conséquences de l’accumulation des déchets en milieu rural est l’organisation de « campagnes de propreté », régulières, par les autorités où elles mobilisent différents types d’engins pour transférer les déchets accumulés dans ou près des agglomérations, en dehors de leurs lieux de dépôt originels. Ces sites sont souvent situés non loin des lieux desquels ils ont été prélevés, et sont la cause de nouvelles formes de pollution, seulement que c’est loin des lieux d’habitation. Il faut souligner que ces transferts de déchets ne résolvent pas le problème, mais le déplace.

Dépôt de déchets, à la lisière d’une oliveraie

Une des « solutions adoptées » par les populations est l’incinération à l’air libre des déchets accumulés. Cette incinération dégage dans l’atmosphère des gaz toxiques et laisse sur place des résidus toxiques, issus notamment de la combustion des plastiques.

Déchets incinérés dans un dépôt

D’autres formes de pollution par le plastique concernent cette fois les zones où sont cultivées les cultures maraîchères. En effet, les restes d’installations d’irrigation (goutte à goutte) et les bâches en plastique utilisées dans certaines cultures sont souvent déposés aux bords des champs. Certains produits sont recyclables, mais d’autres ne le sont pas et finissent par être brûlés, mais une partie des plastiques utilisés en agriculture demeure au sol qui est par la suite labouré, d’où la présence de résidus plastiques dans les sols.

Le climat fragmente le plastique en éléments de plus en plus fins qu’on a retrouvé dans le tractus digestif de nombreux oiseaux. L’ingestion du plastique est connue en milieu marin, notamment chez les tortues, les mammifères et les oiseaux qu’on retrouve morts sur les plages, l’estomac bourré de plastique.

Les résidus des matériaux de construction ne sont pas en reste parmi les déchets rejetés dans le milieu naturel. On les retrouve souvent au bord des routes et des cours d’au. Ils sont aussi utilisés pour combler certaines dépressions et zones humides. Le problème de ces déchets est général, et il ne semble pas avoir de solution. Les polluants invisibles comprennent surtout les résidus des produits chimiques utilisés en agriculture. En effet, les modes de production dominants font appel à des tas de produits (fertilisants, insecticides, fongicides…), déversés sur les cultures, souvent sans précaution (tenue spéciale, masques). L’utilisation de tels produits aura des conséquences non seulement sur la santé de ceux qui les manipulent (souvent sans connaissance de leurs effets), mais aussi sur l’environnement. Cette pollution affecte directement la biodiversité et la faune du sol, mais pourrait affecter les nappes et certains réservoirs. Nombreux ne sont pas conscients de tels dangers, mais on risque à terme de leur faire face lorsque des analyses poussées auront lieu, ou que des résultats d’analyses seraient rendus publics.

Des solutions ?

Plusieurs des problèmes évoqués plus haut ne sont pas spécifiques au monde rural, seulement que la défiguration des paysages de la Tunisie non urbaine affecte tout le monde. Tout est question d’échelle, car les volumes des déchets en milieu urbain sont de loin plus complexes que ceux présentés ici. Ceci dit, le problème des déchets solides demeure entier en Tunisie. Les solutions adoptées ailleurs dans le monde consistent essentiellement aux métiers du recyclage. Dans cette optique, seulement une partie des flacons plastique d’eau minérale est recyclée, ainsi qu’une portion des conduites d’irrigation et les canettes. Le secteur du recyclage n’est pas visible, car nombreuses unités ne sont plus visibles, car devenues informelles !

Du reste, la proportion des matériaux recyclés ne couvre qu’une faible proportion des déchets produits, pourtant c’est un secteur d’activités bien développé dans des pays à situation similaire à celle de la Tunisie. Il semble que les formations dispensées en la matière ne sont pas convaincantes, notamment pour les jeunes. Les activités associatives engagées dans ce secteur ne sont peu visibles, ou sont localisées pour être généralisées. Le bannissement du plastique d’emballage et les sachets serait une solution sage, décision prise d’ailleurs par certains pays en développement, notamment en Amérique latine. Ce genre de solution est inenvisageable en Tunisie, du moins actuellement, car les lobbies du plastique semblent très influents et disposent de soutiens dans les sphères de décision dans le pays.

Le bilan des activités de la police de l’environnement, supposée apporter des solutions à l’environnement, reste très mitigé. Le cadre législatif est très lâche et ne couvre pas la totalité des problèmes auxquels fait face le pays. La solution, s’il y en a une, passe par l’éducation des enfants dans les écoles, pour que les déchets ne soient plus une damnation dans le pays. Les comportements les plus répréhensibles sont très généralisés et touchent pratiquement toutes les couches de la société (rien qu’à voir le geste de jeter des déchets des fenêtres des voitures) ! Seul un changement d’attitude est capable de confiner les problèmes des déchets et de percevoir des solutions durables. L’école fait défaut dans ce sens ; la preuve étant les cahiers déchirés dans les cours d’écoles à l’issue des examens de fin d’année…

Nous devons responsabiliser nos concitoyens quant aux conséquences de leurs attitudes vis-à-vis de leur environnement. Les solutions les plus durables passent obligatoirement par l’éducation, mais nous sommes encore loin de ce type de choix, pour la plus simple raison, c’est que les problèmes d’environnement sont réduits à leurs plus simples dimensions, simplement parce que ceux qui sont supposés les gérer ne sont pas à la hauteur des défis auxquels nous faisons face !