Filiale de la STB, la BFT traîne un passif irrécouvrable de plus de 700 millions de dinars. C’est une véritable bombe à retardement que chaque gouvernement, depuis 2011, hérite du précédent en espérant qu’elle ne lui explosera pas dessus. Alors que le CIRDI, tribunal d’arbitrage de la Banque Mondiale, s’apprête à rendre son verdict, tout porte à croire que la bombe va finir par exploser. Depuis février 2016, Nawaat a publié plusieurs épisodes d’une enquête accablante pour de nombreux hommes politiques, hommes d’affaires et hauts fonctionnaires. Nous avons apporté des preuves irréfutables de la collusion entre partis politiques et hommes d’affaires véreux. Les maîtres mots de ce dossier étaient corruption, conflit d’intérêt et impunité.

Depuis la publication de la dernière partie de l’enquête, le gouvernement Habib Essid est tombé et le nouveau premier ministre Youssef Chahed ne semble pas encore disposé à saisir à bras le corps ce dossier très complexe et probablement trop explosif. Le fait qu’Asma Shiri Laabidi, l’inamovible conseillère juridique du gouvernement, ait, depuis septembre 2016, le pouvoir de signer en lieu et place du premier ministre dans les affaires juridiques peut avoir un lien avec cet apparent non-intérêt concernant cette affaire. Rappelons que la conseillère était du côté de Mounir Klibi, ancien Directeur Général de la BFT, puis haut cadre de la BCT, artisan de la spoliation de la BFT et de la transformation de la banque en tirelire. Mounir Klibi est décédé le 28 décembre 2016. Il emporte une partie des secrets de ce dossier dans sa tombe.

Il est à noter toutefois que, suivant l’une des tactiques préconisées par les représentants de la Banque Centrale, Mabrouk Korchid continue à vouloir rendre Slim Ben Hamidene, ministre des Affaires du domaine de l’État sous la Troika, l’unique responsable du désastre de la BFT. Plusieurs médias, courant novembre 2016, ont d’ailleurs repris une information non vérifiée selon laquelle Ben Hamidene aurait été inculpé par le procureur de Tunis dans l’affaire de la BFT.

Quand bien même Slim Ben Hamidene, comme notre enquête l’a démontré, aurait des comptes à rendre à la justice, cette solution de vouloir présenter un bouc-émissaire unique est une stratégie d’évitement adoptée par l’État afin de préserver ses institutions de contrôle (Banque Centrale, STB, ministère des Finances, ministère des Domaines de l’État et des Affaires foncières) qui ont failli et les hommes d’affaires ayant bénéficié des largesses de la BFT bien avant la chute de la dictature. Ceux-ci, Kamel Letaief, Chafik Jeraya et Lotfi Abdennadher en tête, font pression de tout leur poids pour que les plus hautes instances de l’État les absolvent de leurs dettes, d’après des sources autorisées.

Mais ce n’est pas tout. En inculpant de la sorte l’ancien ministre, il se pourrait que l’État tunisien actionne à nouveau la mécanique tentée lors de l’inculpation en 2013 de Hamed Nagaoui, alors conseiller rapporteur auprès du Contentieux de l’État. Il s’agirait de juger illégale l’ébauche du protocole d’accord qui avait été mis en place avec Abdemajid Bouden, ancien président du conseil de la BFT et actionnaire à l’ABCI dans les années 80. Cette action pourrait conduire à l’inculpation de Bouden. Ce qui laisserait facilement croire aux « stratèges » de l’État Tunisien qu’ils possèdent un levier leur permettant d’éviter de donner à ABCI Investment le dédommagement des trente années de spoliation de la BFT.

Si l’on se rappelle des regrets concernant l’amnistie dont a bénéficié Bouden, émis par la conseillère juridique du gouvernement, Asma Shiri Labidi, lors d’un conseil des ministres dont nous avons publié le procès-verbal, on peut considérer que cette hypothèse est tout à fait valable. Si tel est le cas, cela signifie alors que le gouvernement persiste et signe dans la voie de la corruption et de la défense des corrompus. Ce qui est d’autant plus étonnant que des sources concordantes affirment qu’ABCI Investment a proposé à Youssef Chahed la mise en place d’une procédure de réparation « à l’amiable ». Cette procédure aurait permis à ABCI Investment de récupérer la licence bancaire de la BFT, tout en laissant les créances malsaines à l’État Tunisien.

Dans son discours d’investiture, Youssef Chahed a fait de la lutte contre la corruption une de ses priorités ; mais les mesures concernant ce dossier brûlant tardent à arriver, d’autant plus que le verdict du CIRDI, le tribunal d’arbitrage de la Banque Mondiale qui doit statuer sur l’affaire, devra être rendu début 2017. Alors que les finances publiques sont au plus bas et que les bailleurs de l’État exigent des gestes forts, le laxisme avec lequel cette affaire a été menée, qui devrait coûter, selon une estimation basse, un milliard de dollars à l’État, est incompréhensible, sinon criminel.

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La Banque Franco-Tunisienne, un scandale d’Etat

Aujourd’hui la BFT est une bombe à retardement qui risque de faire chanceler l’ensemble du secteur bancaire et dont personne ne sait plus comment se débarrasser. Problème : le minuteur se rapproche dangereusement de zéro. Et les responsables politiques et financiers de ce fiasco veulent étouffer l’affaire à n’importe quel prix.


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Banque Franco-Tunisienne: pleins feux sur la mafia économique au pouvoir

Mardi 29 mars, la 4ème chambre du tribunal de première instance de Tunis est bien vide. Ni l'accusé, ni les plaignants ne sont présents. Pourtant il s’agit d’une affaire de malversation qui se joue dans les plus hautes sphères de la finance étatique. Le passif de la BFT, plus de sept cent millions de dinars de dettes prétendument irrécouvrables, est en jeu. L’équivalent du capital de la STB maison-mère de la BFT. Ni la STB, ni la Banque Centrale de Tunisie, ni le ministère des Finances, encore moins le ministère des Domaines de l’État n’ont jugé important d’être représentés ou de se constituer partie civile. Nawaat s’est procuré des documents inédits dévoilant les rouages de la corruption telle qu’elle se pratique dans les hautes sphères de la finance.


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BFT : Liquidez, il n’y a rien à voir

Depuis la publication des deux volets de notre enquête, la liquidation de la BFT s’accélère de la manière la plus discrète qui soit. Avec comme toile de fond une guerre sans merci entre la STB, la BCT et le ministère des Finances pour savoir qui payera les pots cassés. Levée de rideau sur les dessous d’un dépeçage au service de la mafia économique.


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Scandale de la BFT : La STB pourrait faire faillite

Nawaat publie aujourd’hui un extrait de l’audit de la STB réalisé par PriceWaterhouseCooper (PwC) en novembre 2013. Cet extrait est issu du rapport d’évaluation du portefeuille-titres. Il s’agit des conclusions détaillées concernant la BFT.


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FMI-BFT : Des « réformes difficiles » pour laver les élites financières de leurs responsabilités

Le FMI a beau jeu de souligner que « la lutte contre la corruption devrait rester au centre du programme des reformes » : après avoir fermé les yeux sur un audit de la STB qui ne prenait pas en compte le bilan de la BFT, il entérine une décision qui dédouane les responsables de la quasi-faillite des banques et fait peser les conséquences de leurs agissements frauduleux sur les Tunisiens.