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Sauf erreur de notre part, le 23 octobre 2011, ce fut la première fois au monde que des élections nationales furent organisées par une instance indépendante en lieu et place d’un ministère de l’Intérieure quadrillant, sur le plan administratif, l’intégralité du territoire national. Si, en effet, les précédents d’une telle instance indépendante supervisant des élections ont eu lieu dans des États suite à une sortie de crise ou de guerre ; jamais, en revanche, un tel pari n’a été tenté à l’ombre d’un ministère de l’Intérieur contrôlant administrativement -et pas seulement- le moindre recoin du territoire national.

Cela est d’autant plus vrai que le fonctionnement de toute démocratie moderne est intimement lié à un seuil minimum d’organisation administrative dont le ministère de l’Intérieur en incarne la colonne vertébrale, tant sur le plan local que national. La logistique impressionnante que nécessite l’organisation d’élections nationales rend, en effet, particulièrement audacieux le pari fait par la Tunisie en confiant de telles élections à l’ISIE. Et à cet égard, l’équipe de Kamel Jendoubi a réussi en 2011 une performance, malgré les quelques couacs de parcours.

Pour 2014, la Tunisie a décidé de renouveler l’expérience de l’ISIE. Et c’est tant mieux.

Et des “couacs” pour 2014, nous en comptons déjà.

S’agissant des parrainages pour les présidentielles, si, effectivement, les cumuls des dysfonctionnements venant de la part de l’ISIE avec ceux commis de bonne foi par les candidats peuvent sembler caricaturaux, il n’en demeure pas moins qu’il faut savoir raison garder.

Pour cette première élection présidentielle organisée par l’ISIE, le process de la gestion des signatures des parrainages n’étant pas encore rodé, les dysfonctionnements allaient vite apparaître. Hormis les cas des tricheurs avérés -qui seront pris en charge par le juge pénal-, la duplication accidentelle des signatures par les candidats comme les erreurs de saisie de la part de l’ISIE étaient inévitables… certainement par manque de rigueur également. Tant est si bien que nous écrivions déjà sur Nawaat, dès le 16 septembre 2014, que :

“si les marches du palais de Carthage sont définitivement trop escarpées pour certains, en revanche la multiplicité des candidatures va nous permettre d’aller voter dans l’humour et le bruit des casseroles…”

Et si nous avions évoqué le “bruit des casseroles”, c’est parce que, justement, nous étions convaincus que le rôle de l’ISIE est d’empêcher les fraudes, les forfaitures et les tricheries, comme, du reste, de révéler les erreurs et les dysfonctionnements lors de l’organisation de ces élections. Et l’on a trop tendance à négliger que les mises à nu de ce qui relèvent aussi bien du caricatural que des poursuites pénales, le sont grâce au rôle joué par l’ISIE. Et, à beaucoup d’égards, non sans vouloir dédramatiser, il faut plutôt se réjouir de la mise à nu des dysfonctionnements et des tricheries, parfois non sans humour noir, que l’inverse.

Et si, en cela, l’ISIE est pleinement dans son rôle, toute la question est de savoir à présent quelles seront les mesures qui devront être prises pour que la gestion des parrainages soit moins caricaturale ?

Si la suggestion déjà formulée de soumettre les signatures à la procédure de la légalisation auprès de la mairie relève de l’absurdité à notre sens, tant en terme de coût que de file d’attente (pour une estimation de 150 000 signatures), il est peut-être urgent de réévaluer le compromis choisi entre la protection des données personnelles et les nécessités inhérentes au processus démocratique. En ce sens, si dans un premier temps l’on a choisi de ne pas rendre public les noms des signataires des parrainages par souci de préserver des choix politiques personnels, ce qui est très louable en soi ; il est opportun à présent de réévaluer cet arbitrage difficile entre ces deux intérêts contradictoires.

En formulant ce besoin de réévaluation, nous ne prétendons pas trancher. Il va falloir en débattre et opter pour la solution la moins douloureuse aussi bien pour les libertés fondamentales que pour la démocratie. Et parmi les solutions non douloureuses, prévoir peut-être un seuil d’erreur au sein de ces listes de parrainages, au-delà duquel la caution du candidat à l’élection présidentielle ne sera plus restituée. Une mesure qui aidera certainement les candidats à être plus rigoureux aussi bien lors de la vérification des signatures que de la probité de leurs sympathisants les aidant à récolter lesdites signatures.

À suivre…