Communiqué conjoint du REMDH et de la FIDH
 
Tunis, 23 mai 2014    
Nos organisations expriment leurs plus vives préoccupations face à l’acharnement judiciaire et policier dont sont victimes de nombreux jeunes et en particulier de jeunes activistes et militants en Tunisie. Elles appellent à la libération immédiate et l’arrêt des poursuites contre toute personne détenue arbitrairement, à la proportionnalité des procédures et des peines et rappellent aux autorités tunisiennes leur obligation de respecter la liberté d’expression, d’opinion et de rassemblement et d’œuvrer à l’indépendance de la justice.
Dans la nuit du 12 au  13 mai 2014 le blogueur Azyz Amami -connu pour son activisme sous la dictature de Ben Ali et après la révolution contre les arrestations arbitraires, la torture et les mauvais traitements dans les centres de détention- a été arrêté avec le photographe Sabri Ben Mlouka pour « détention de stupéfiant en vue de sa consommation ». Ils sont passibles d’une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de 1000 à 3000 dinars (500 à 1500 €) chacun. Plusieurs témoins, dont des avocats et le père d’Azyz qui ont pu lui rendre visite au poste de police de la Goulette, ont fait état de traces de violences sur le visage d’Azyz Amemi. Il aurait été frappé pour l’obliger à signer le procès-verbal de son interrogatoire reconnaissant la détention de stupéfiant, chose qu’il a toujours nié.
Le 21 mai 2014, le tribunal de première instance de Mahdia (agissant en tant que tribunal d’appel pour les jugements rendus par les juges cantonaux de son ressort) confirmait une condamnation de 8 mois de prison à l’encontre du blogueur Jabeur Mejri pour outrage à un fonctionnaire de justice. Jabeur avait été libéré en mars dernier après deux ans de prison pour la diffusion de dessins jugés blasphématoires. Gracié par le Président de la République tunisienne en février 2014, Jabeur a été placé en détention le 17 avril dernier pour avoir insulté le greffier d’un tribunal après un malentendu autour de la date d’une convocation devant le juge d’instruction. Il est également poursuivi dans le cadre d’une troisième affaire remontant à plusieurs années lorsque Jabeur travaillait au guichet d’une gare. Il est accusé de détournement d’environ 760 euros à la SNCFT.
Nos organisations considèrent que la sévérité flagrante des mesures prises à l’encontre de ces deux personnes démontre que les faits qu’ils leur sont reprochés ne sont qu’un prétexte pour réprimer durement toute voix critique contre les autorités ou l’exercice de libertés fondamentales.
Par ailleurs, des jeunes de Regueb, Menzel Bouzayen, Meknassi, Ksibet Madiouni, Om Laarayès les frères de martyrs de la révolution, sont actuellement poursuivis ou jugés pour atteinte aux biens publics, atteinte à l’ordre public, ou agression de fonctionnaire, à nouveau en toute disproportion par rapport aux faits reprochés.
Plusieurs jeunes sont ainsi poursuivis au motif d’avoir participé aux événements ayant conduit à la fuite de Ben Ali et à la chute de son régime et d’avoir incendié, au cours de ces événements, un certain nombre de postes de police, d’où le slogan de la campagne initiée par Azyz Amemi et plusieurs jeunes « moi aussi j’ai incendié un poste ». Des atteintes aux biens publics, à l’ordre public ou agression de fonctionnaire leur sont également reprochés.
Cet acharnement contraste singulièrement avec la réduction en appel en avril 2014 des peines prononcées contre des responsables de la répression du soulèvement populaire sous le régime de Ben Ali, mais aussi avec l’impunité dont jouissent des auteurs de violences politiques perpétrées après la révolution par des groupes extrémistes et les ligues autoproclamées de « protection de la révolution ». Ainsi, les agressions dont se sont accusées responsables ces « ligues » contre la centrale syndicale l’UGTT le 04 décembre 2012 à Tunis n’ont toujours pas été jugées.
Nos organisations expriment enfin leur vive inquiétude face à la répression et l’usage excessif de la force constatés à l’encontre des manifestants rassemblés le 18 mai 2014 pour dénoncer les arrestations arbitraires des jeunes de la révolution. Elles rappellent que la liberté de rassemblement et de manifestation pacifique est reconnue par les standards internationaux et la constitution tunisienne.  
 
 
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