Merci Ammar !Depuis le 09 avril 2005, date du premier post publié sur ce blog, je ne me suis jamais vraiment posé la question de savoir s’il allait être censuré ou pas ? Si, par ce que j’y publierais, j’allais le condamner à être un nom de plus sur la liste des blogs tunisiens censurés ?

Il faut dire que j’ai commencé mon « éveil citoyen » en écrivant sur des sites déjà censurés ! Forcement, ça désacralise la chose. Mais cela permet aussi de régler la question une fois pour toute. Pour une raison toute simple : si on fait le choix d’écrire sur un site censuré, on perd tout de suite, en écrivant sa note, l’angoisse de se faire censurer !

Ce premier et brutal contact avec la censure permet d’avoir un rapport différent avec celle-ci. On ne la perçoit plus comme une conséquence d’un avis un peu trop critique ou d’un dépassement d’une ligne rouge. On ne la craint plus comme une épée de Damoclès prête à punir les crimes de lèse majesté. La censure devient une cause en soi, une pratique délibérée, organisée et bien évidement contraire à la loi. Qu’on en fasse l’expérience ou pas elle n’en demeure pas moins condamnable.

Ce qui est drôle c’est qu’en général se sont les amis et les proches ou certaines personnes avec qui j’ai eu le plaisir de discuter de ce blog qui y pensent à ma place ! « Comment ? Ton blog n’est pas censuré ? » « Tu peux rentrer en Tunisie ? » « Tu n’as jamais eu de problèmes ? » « Yezzii ! Mouch normaaaal ! “ Disaient les moins loquaces.

Mais ce qui est encore plus drôle, c’est que chacun y allait avec sa petite explication maison : « oubli de la part des agents de la censure » ou « faille dans les filtres de l’ATI » pour les plus terre-à-terre ; « collaboration avec le régime et désinformation » pour les plus imaginatifs. Sans énumérer ici toutes les explications « cartésiennes » que j’ai du entendre, je peux vous dire qu’elles avaient toutes le même souci d’expliquer une anomalie, un bug dans la machine infaillible de la censure ou un phénomène forcement suspect.

Toutes ces explications admettaient comme un fait que mes propos étaient forcement « censurables » et par conséquences, dangereux pour moi et pour mes proches ! La machine de la censure avait réussi à instaurer une norme, une échelle de valeur, admise par la majorité. La machine pouvait alors fonctionner presque toute seule.

A titre d’anecdote, c’est, semble-t-il, par ce même raisonnement que les deux premiers agrégateurs de blogs tunisiens, avaient refusé pendant des années d’indexer le moindre blog censuré, forcement politisé, donc dangereux, arguant des risques de représailles encourus. Comportement qui avait, à l’époque, poussé Sami Ben Gharbia, premier « exilé blogosphèrique », à indexer son blog sur un agrégateur égyptien. Mon blog qui n’était pas censuré et ne prêchant pour aucune paroisse (comme bien d’autres) faisait (et fait encore) pourtant partie du lot. « Propos censurables » vous disais-je !

Aujourd’hui, après presque 4 années d’existence et au moment où la machine de la censure semble dépassée par un internet tunisien de plus en plus virulent, j’ai fini par croire que ce blog était définitivement à l’abri de la censure. J’ai même fini par m’habituer aux petits drapeaux rouges et blancs sur ma page de statistiques. Et voila qu’ils disparaissent comme ça…d’un coup…sans laisser d’adresse…Sans même laisser le moindre log. Après quelques jours d’observations sans le moindre drapeau rouge et blanc, et quelques testes sur plusieurs fournisseurs d’accès tunisiens, j’ai fini par comprendre, que le statut de mon blog était passé de « censurable » à « censuré » !

Après une pensée sincère pour plus de la moitié de mes visiteurs, je me suis enfin de compte résigné à me réjouir de cette censure. Cela m’a même motivé à reprendre ce blog en main. J’entendrai encore des : « ça y est ? ‘Ils’ l’ont censuré ? » Et des « Tu penses que tu vas pouvoir rentrer en Tunisie maintenant ? » « Normaaaal ! » Diront même les moins loquaces. Cela ne me sauvera pas non plus des sempiternelles explications « cartésiennes » : « Ce n’était qu’une question de temps » pour les plus terre-à-terre ; « nouvelle stratégie de désinformation » pour les esprits les plus inventifs.

Mais – et c’est la véritable réjouissance de cette censure – j’échapperai définitivement à la question fatidique…La question à laquelle je n’ai jamais eu de réponse : « Comment ça se fait que ton blog ne soit pas censuré ? ».

Ammar m’a, sans le savoir, rendu un grand service !

* Le titre de cette note est un clin d’œil à une note de l’excellent Z annonçant la censure de son blog.

Malek
http://stranger-paris.blogspot.com