EditoLa politique, dans sa définition la plus noble est synonyme d’action et de proposition. Toute prétention politique doit forcement s’accompagner, pour être crédible, de propositions tangibles et de perspectives claires. A défaut, elle se transforme en une course effrénée et pathétique pour le pouvoir. Le pouvoir non plus comme un moyen d’action positive, mais le pouvoir en tant que fin en soi.

Le mouvement, communément appelé, « mouvement du 18 octobre », qui, toute proportion gardée, peut être considéré comme l’action politique d’opposition, la plus aboutie depuis 1987, a révélé un fait inédit. Une configuration nouvelle qui, si elle est prise à sa juste mesure, pourrait changer à jamais la réalité de la scène politique tunisienne. Ce qu’a confirmé l’après 18 octobre c’est l’existence en Tunisie d’une nouvelle forme d’oppositions. A l’instar du pou -voir pour le pouvoir, il existe maintenant, l’opposition politique comme un moyen d’exister ; L’opposition comme une fin en soi.

Une fois la fièvre de cet élan démocratique du 18 octobre retombée, et tous les beaux discours d’unions et de concertations se sont transformés en une grande sauterie politicienne, la nature profonde de chacun des protagonistes a repris le dessus. La nature de ces tractations entre les forces politiques d’opposition n’était pas de savoir comment faire pour être à la hauteur des espérances suscitées, mais comment faire pour étendre un peu plus son pouvoir d’opposant !

Alors que l’action et la proposition, donnent à la politique tout son pouvoir, l’action et la proposition sont devenues, pour l’opposition tunisienne, leurs pires ennemis. Cette peur viscérale de l’action et le manque de projets qui la caractérise, reflètent principalement, l’incapacité de l’opposition actuelle d’apporter une critique constructive aux actions du pouvoir en place. En dehors de ce qui sert le pouvoir à se maintenir, à savoir la répression, la censure et l’intimidation, inévitable au sein d’un régime totalitaire, les forces politiques d’oppositions n’arrivent pas à formuler la moindre contre proposition, le moindre projet d’alternance crédible.

Pour pallier à ce manque d’idées, les chefs de files de l’opposition dite « démocratique » ont choisi la solution de la facilité. En anaphore au désert intellectuel qui caractérise leurs rangs, ils appellent à la révolution et au soulève- ment populaire. De la phraséologie, pour remédier aux manques de propositions ! Ce qui consiste en somme à vendre de l’utopie pour pouvoir condamner ce qui existe par ce qui n’existe pas.

La force politique en place, en plus de posséder le pouvoir absolu, se trouve être dans les faits le vrai moteur de l’action politique, économique et sociale dans le pays. Le régime actuel, en plus de faire le nécessaire pour s’accaparer le pouvoir, tante tant bien que mal de s’inscrire dans une logique d’action. Apres presque vingt années du même pouvoir politique, personne ne peut contester que le vecteur du progrès soit incontestablement positif.

Toutes les forces vives de cette nation qui acceptent par défaut le pouvoir politique en place, ont indubitablement fait le choix de l’action. Ils acceptent de payer de leur liberté cette action, en étant convaincu que c’est le prix à payer pour ne pas se complaire dans les affres de l’immobilisme et la régression. Entre être « des chiens errants » selon le vocabulaire d’un baron de l’opposition, partir en croisade contre des moulins à vent ou sacrifier une partie de leurs libertés pour aller de l’avant, et cela même, à pas de tortu, les tunisiens semblent avoir choisi…mais avaient-ils vraiment le choix ?

Malek Khadhraoui
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