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Dans le troisième brouillon o la version du 1.6.2013 un progrès considérable a été réalisé. En effet dans le deuxième paragraphe du préambule, les droits universels de l’homme ne sont plus restreints par une soit-disant “spécificité culturelle tunisienne”. Pourtant ce même paragraphe commence toujours par une condition limitative : « Sur la base des constantes de l’Islam et de ses finalités … » bien que caractérisé par l’ouverture et la modération, Article 1 qui défini l’islam comme religion de la Tunisie ; L’ancien article no. 5 qui met la religion à la charge de l’état et se gère comme protecteur du sacré ; comme article no. 141 qui énumère les points qui ne pourront pas être changer ou abolis dans la constitution dont l’islam comme religion de l’État ; ce qui continue à pouvoir être interprété comme une référence cachée à la charia.

Pourtant le problème ne consiste pas à évoquer l’islam dans la constitution, mais plutôt de l’instrumentaliser pour restreindre les libertés fondamentales. Moins ambigu, serait d’énumérer les différentes caractéristiques de la Tunisie, sa riche histoire, sa multiculturalité, etc.

On pourrait commencer par les phéniciens, on pourrait même mentionner Hannabal, les fortes femmes de la Tunisie , Dido, la Kahina, etc. La présence des Romains et de Byzance ; la tradition juive qui remonte 2000 ans en arrière ; que la Tunisie était jadis un pays vert ; l’université de la Zitouna, à tradition généralement modéré, qui compte avec sa tradition de presque 1000 ans parmi les universités les plus anciennes du monde ; Ibn Khaldoun, précurseur de la sociologie moderne ; que la Tunisie eut été le premier pays musulman à abolir l’esclavage ; Khairaddin at-Tunsi, homme politique et penseur éclairé qui a cherché à concilier entre tradition et des idées des temps des lumières européennes ; que la Tunisie fut le premier pays Musulman à adopter une constitution moderne ; les différents cultures qui ont laissé leur empreintes ; Taher Haddad qui à changé à la lumière d’un islam ouvert sur l’avenir le destin de la femme Tunisienne pour la libérer du carcan de traditions obsolètes, les maquasid ach-Charia de Muhammad at-Tahir bin Achour qui ont réanimé une ancienne tradition réformatrice de l’islam maliquite ; peut-être il est même possible d’adopter des propos de nos savants et chercheurs éclairés qui soulignent notre orientation ouverte au monde, et la quête d’un état juste et d’une société développée.

Pour ne pas perdre de vue les dangers qui puissent menacer une société, on pourrait aussi faire allusion aux raisons qui ont mené la Tunisie vers un protectorat étranger, la présence des nazis en Tunisie lors de la deuxième guerre mondiale, les dictatures qui ont suivi l’indépendance, avec ses restrictions aux droits naturels du citoyen, son droit à la libre pensée, le libre accès à l’information, l’arbitraire, la persécution, la torture, d’exécutions extralégales, de la corruption et du pot de vin, pour aboutir aux sacrifices de nos jeunes qui ont sous de grandes sacrifices rendue aux Tunisiens leur liberté, leur dignité et leur espoir en une vie meilleure.

Que tout doit être entrepris pour que plus jamais une tel injustice et de tel excès puissent s’établir de nouveaux. Bien sur rien n’empêche d’évoquer la joie de vivre des Tunisiens, leur sens du vivre et du laisser vivre, leur sens de la fraternité, leur compassion avec ceux qui souffrent, leur hospitalité, leur curiosité sur le monde, qui aspire à l’égalité des chances, etc. Reste à dire que les idées transmises dans le troisième et le dernier paragraphe du préambule sont bonnes et méritent d’être préservées dans leur essence.

Le mieux serait que ce soit un homme de lettres Tunisien d’esprit critique, en possession d’une éloquence reconnue en langue arabe et dont les convictions soulignent un tel projet, qui soit charger de formuler un tel texte introducteur à une constitution qui touchera l’âme de celui qui la lit et pourra servir comme point de repère pour des générations à venir et même au-delà de la Tunisie.

Aussi par rapport au brouillon no. 3 un grand pas a été emprunté vers plus d’indépendance de la justice, reste article 103 (l’ancien article no. 100) qui est toujours ambiguë. Article no. 48 à été ajouté pour préciser que les lois auxquels se réfère la constitution ne pourrons jamais toucher à l’essence du droit accordé, malheureusement pour restreindre aussitôt la restriction, ce qui nous mène presque aux mêmes objections déjà mentionnées pour le brouillon no. 3, sauf que le numéro des articles a dans la plupart des cas changé.

Le quatrième paragraphe du préambule reste polémique. En adjurant déjà à cet endroit exposé l’unité arabe et musulmane avec une telle insistance, on risque d’accorder trop de poids à des forces extra-territoriales. ENNAHDHA, le parti au pouvoir, entretient des relations très spéciales avec des pays absolutistes comme l’Arabie-Saoudite et le Qatar. Comme faisant parti des frères musulmans évidemment à une Égypte néo-salafiste.

Une coopération avec le Maghreb, le monde arabe et le monde musulman ne devrait jamais se réaliser au détriment de la souveraineté tunisienne et ne peut pas poursuivre des fins qui se passent de la démocratie comme ordre politique. De vouloir en plus assister tout peuple opprimé est un geste noble et absolument acceptable, mais il ne doit rester aucun doute que cela ne peut prendre corps que diplomatiquement ou par une intervention humanitaire, mais jamais par des actions paramilitaires, ou en animant le terrorisme comme en ce moment en Syrie.

Le premier article est resté inchangé : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, sa religion est l’Islam, sa langue est l’arabe et son régime est la République. » Si la cohésion sociale dépend de la réception de cet article qu’il reste. Mais il faut retenir qu’il boudine la Tunisie dans un corsage trop étroit, et que la référence à l’islam devrait être formulée de sorte qu’elle ne pourra jamais servir comme prétexte à limiter les libertés universelles.

Ces droits universels ont été adoptés en 1948 par tous les peuples de la terre, à part l’Arabie Saoudite, pour ne plus jamais reproduire les injustices commises contre l’humanité au cours de la deuxième guerre mondiale. Certainement l’adoption de cet idéal n’a pas empêché que d’autres transgressions ont été commises, mais il ne doit pas rester de doute qu’elles sont le repère minimum vers lequel la race humaine doit viser.

Article no. 15 : L’état garantie la neutralité des institutions d’enseignement en ce qui concerne l’instrumentalisation politique.

Article no. 17 est l’ancien article no. 16 qui convient qu’en certains cas l’armée obtient le droit d’assister les forces de l’ordre à l’intérieur du pays. Le devoir d’une armée consiste en premier lieu de la défense des frontières nationales contre les attaques hostiles provenant de l’extérieur. Pour éviter qu’on fasse intervenir légalement l’armée à opprimer des citoyens, les limites de cet investissement doivent être bien et sans doute définies (secours lors de catastrophe naturelle, comme des inondations, des tempêtes ou des tremblements de terre).

Article no. 21 n’abolit pas catégoriquement la peine de la mort.

Article no. 30 garantit la liberté de l’opinion de la pensée de l’expression, des médias et de la publication, limitée pourtant par une loi qui protège les droits à autrui, leur réputation, leur sécurité et leur santé. Reste pourtant à signaler qu’en principe l’éthique exige que la vie privée de personnalités qui tiennent des fonctions publiques n’a pas à être étalée dans les médias, si elles ne sont pas en lien à la tache exercée. Mais bien sûr si cette personne aurait par exemple détourné de l’argent public, ou tirer des avantages de sa position pour attraper des charges pour une entreprise qu’il possède, etc. sa réputation ne pourra pas être épargnée si lui-même défie cette restriction.

Naturellement l’éthique journalistique exige que les reproches avancés soient bien prouvés pour ne pas risquer de diffamer une personne intègre.

Article 31 (auparavant no. 34 mais légèrement changé) persiste à limiter le libre accès a l’information : « Le droit d’accès à l’information est garanti à condition de ne pas compromettre la sécurité nationale. »

Article no. 33 limite le droit au vote et à la participation à une loi pas précisée dans le texte de la constitution.

Article no. 34 assure le droit au travail syndical, à la formation de partis et d’organisations. Tout de même cette fois-ci la loi auquel ce réfère le texte pour limiter ce droit est elle-même limitée par l’additif que cette loi ne pourra pas toucher à l’essentiel de cette liberté. Malgré l’amélioration graduelle il reste un arrière goût fade. Les mêmes restrictions atténuées sont appliqué au droit de rassemblement et de manifestation.

Article no. 38 aborde maintenant l’enseignement, reste le même vœux d’ajouter par mesure de précaution la nature et la qualité qu’aura à garantir ce système crucial pour l’avenir des futures générations de la Tunisie. À la suite de deux dictatures vécues et sous un gouvernement à majorité fondamentaliste, tout doute doit être déménagé qu’encore les nouvelles générations soient privées d’une éducation critique, des théories d’état, des sciences sociales et historiques. L’éducation doit cesser d’être un instrument d’endoctrinement.

Article no. 45 est l’article précédent no. 42 inchangé : « L’État garantit la protection des droits de la femme et soutient ses acquis. » Puis il différencie : « L’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités. » Attention à la restriction caché. Le reste est méritoire : « L’État garantit l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard de la femme. »

Article no. 48 précise que les lois auxquelles ce réfère le texte de la constitution à différentes reprises ne touchera jamais à l’essence du droit accordé. Du reste qu’elles ne soient adoptées que pour sauvegarder la liberté des autres ou pour des raisons de sécurité publique ou nationale et pour la santé générale. Superflu à indiquer que ces dernières restrictions ouvrent elle-mêmes des marges importantes à l’interprétation.

Article no. 51 convient entre autre : « L’État met à la disposition de l’Assemblée des représentants du peuple les ressources humaines et matérielles nécessaires au député dans la bonne exécution de ses fonctions. » Cette assurance est sûrement indispensable pour le bon fonctionnement de l’appareil étatique, mais pour éviter tout soupçon de corruption il se propose d’envisager une instance de contrôle.

Article no. 60 concède que le vote au sein du parlement soit personnel et ne peut être aboli. Une accentuation de la liberté de la conscience serait désirable.

Article no. 73 admet la présidence à la femme mais la réserve aux musulmans.

Article no. 77 stipule que le Président de la République nomme le Mufti de la république et le chef de la banque nationale, investit et révoque les fonctionnaires de l’administration présidentielle, de même les fonctions supérieures militaires et diplomatiques. Dans une société saine, avec des institutions d’enseignement qui appliquent les méthodes scientifiques modernes et critiques, y compris dans les facultés de religion, il serait approprié que l’institution religieuse soit indépendante.

Envisageable serait que le peuple choisisse le Mufti. Reste à rappeler que si le Président de la République était affilié à un parti qui prône le fondamentalisme, il choisira un Mufti qui représentera le culte néo-salafiste, bien que la majorité des musulmans tunisiens suivent le culte maliquite. N’importe comment cette question soit résolue, dans ces temps d’influence salafiste et néo-salafiste, consiste un danger qu’il faut garder à l’esprit.

Article no. 103 pourtant évoque sans aucun changement que ce soit le président qui donne l’ordre d’investir les juges, s’appuyant sur un avis compatible à celui du conseil de la magistrature supérieure. Cette énonciation peut pourtant être interprétée en un autre sens, si on ne précise pas que le conseil de la magistrature ait abouti indépendamment et sans suggestion de la part du président à son choix. Si ce choix n’est pas à cent pour cent autonome on ne peut finalement pas parler d’indépendance de la justice.

Article no. 115 aborde maintenant la question de la cour constitutionnelle (dans le 3ème brouillon c’était article no. 112). Un petit ajustement à été effectué, dans le sens que maintenant 6 juges sont proposé par le Président de la République, 6 juges par le Premier Ministre, 6 par le Président de l’Assemblée, et 6 juges par le conseil supérieure de la magistrature. De ces 24 personnes l’Assemblée Nationale aura à choisir 12 juges. On remarque une petite concession qui pourtant n’abolit pas nécessairement la prédominance du choix du parti (ou des partis) au pouvoir. Une plus grande indépendance par rapport à l’exécutive serait pourtant désirable.

Si jamais l’exécutive propose à la législative des lois non conformes a la constitution qui selon la composition du parlement réussissent à être adoptées, les chances de les repousser seront amoindries si le juge de la cour constitutionnelle se sent obligé à rendre un service à celui qui l’a nommé.

Article no. 141 préfixe six points qui ne puissent pas être abolis par ajustement de la constitution, soit l’islam comme religion de l’état, l’arabe comme langue, la démocratie, l’état civile, les droits de l’homme comme définis dans la constitution, et la durée de la présidence. Pour ce qui est de l’islam comme religion d’état, j’ai déjà articulé mes réserves et expliqué ma position, reste à se poser la question comment un état peut être en même temps civile et lié a une religion quelconque. Cette insistance sur la langue arabe parait étonnante, car il n’y a pas d’indice qui laisse craindre une entreprise à changer cette langue.

Pour ce qui est de la démocratie et de l’état civile, cela est une bonne décision indispensable. Pourtant la nature de la démocratie aurait du être précisée (l’Iran prétend aussi être une démocratie, mais une bien restreinte ; Rached Ghannouchi parle dans ses écrits de démocratie islamique, qui pourtant n’accomplit pas les exigences d’une démocratie pluraliste). Pour ce qui est des droits de l’homme, la notion d’universelle est indispensable. De limiter le nombre et la durée des mandats présidentiels dans le sens de leur augmentation parait être raisonnable vue l’expérience avec les dictatures précédentes.

Bien entendu cela ne sont que les points les plus importants, resterait à évoquer que la séparation des pouvoirs n’a pas assez été traitée avec insistance, ou que des imprécisions concernant l’étape qui suit l’adoption de la constitution ont été refilée à la fin du brouillon, restent d’autres astuces qui tombent dans l’attribution des experts en droit constitutionnel, qui ne se lassent pas de lever la voie et qui ne devraient pas être écartés du processus de finalisation de la constitution.

On ne peut pas assez insister sur l’importance de la réussite de se projet, son rayonnement aurait une implication énorme sur tout le monde musulman. Encore une fois nous aurions été les premiers à réaliser un pas de dimension civilisatrice. Le travail sur ce contrat social devra être compris comme un prélude au dialogue national et à la réconciliation entre les différents enfants de la Tunisie. Sans les dictatures précédentes ces faussés n’auraient pas pu s’enfouir si profondément.

La société civile doit en un dernier grand effort entreprendre le maximum pour finir à bon ce projet pour enfin pouvoir entamer le travail sur une base solide.

Par Khadija Katja Wöhler-Khalfallah