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Lea Seydoux et Adele Exarchopoulos chérissent le réalisateur Abdellatif Kechiche. Photo lejdd.fr (Reuters)

La polémique commence après que le film du cinéaste français d’origine tunisienne Abdellatif Kechiche ait remporté la Palme d’or de l’édition de 2013 du prestigieux festival de Cannes.

En effet, le film traite le sujet d’une adolescente qui se découvre amoureuse d’une femme qui bouleverse sa vie ; un sujet encore tabou dans plusieurs sociétés même occidentales, que dire de la notre, une société arabo-musulmane, conservatrice et assez machiste. Les tunisiens sont divisés: certains pensent qu’encore une fois, pour qu’un arabe gagne un prix de ce genre, il faut qu’il “provoque”, qu’il traite un sujet tabou et qu’il montre des scènes anodines. Certains autres se disent fiers d’un “fils du pays” qui gagne un prix prestigieux et international et le dédie à la jeunesse tunisienne.

Cependant, mis à part toute sorte de “faux nationalisme” qui pousse les uns à dire que Kechiche est français et les autres à le dire tunisien, et loin de polémiquer sur le sujet de l’homosexualité qui n’est guère un sujet de priorité pour la Tunisie, voici dix raisons qui plaident en faveur de la projection du film “La vie d’Adèle” de Abdellatif Kechiche dans nos salles tunisiennes.

1 Par respect au cinéma d’abord. Ceci est un film qui vient de récolter le meilleur prix de Cannes, l’un des festivals de cinéma les plus prestigieux au monde. Ne pas le montrer c’est comme cracher dans la gueule de n’importe quel cinéaste.

2 Ce film raconte une histoire qui, selon les plus grands chroniqueurs, est extrêmement riche en drame et en émotions et les deux scènes crues pourrait être revues comme ce serait sûrement dans le cas de la majorité des pays ou le film sera projeté.

3 Chacun peut choisir d’aller ou de ne pas aller au cinéma. Ce n’est pas comme la télévision. Donc chacun a une tête sur les épaules pour pouvoir prendre sa décision sans influence.

4 Le réalisateur, l’a dédié à la jeunesse tunisienne qui, sans aucun doute voudrait sûrement le voir. Clairement, ce film n’est pas destiné aux vieillards qui décident du sort de la Tunisie actuellement.

5 Le sujet traité est certes tabou mais c’est un sujet de société et donc on peut y fermer les yeux ou alors, qu’on veuille voir le phénomène comme problème, maladie, providence ou autre, le film permettrait de plonger un peu dans les têtes des individus concernés pour essayer de comprendre et mieux “analyser”.

6 Par encouragement aux cinéastes tunisiens qui baignent dans les problèmes d’un cinéma mourant depuis des années. Pour dire qu’on a du potentiel et qu’il faut croire à ce qu’ils font. Dans le cas contraire, le dégoût serait encore plus grand.

7 Il faut absolument garder la flamme des débats qui poussent les Tunisiens à parler, à s’activer, à écrire, à débattre et à discuter surtout dans cette période ou le sujet de l’actualité est la peur de perdre un mode de vie de bons vivants connu par nous Tunisiens, au prix d’une censure qui ira sûrement un jour à devenir une auto-censure comme dans un passé proche…

8 Faire venir Abdellatif Kechiche, Lea Seydoux et Adèle Exarchopoulos en Tunisie lors de la première projection du film en Tunisie qu’on pourrait aussi faire coïncider avec le début des journées cinématographiques de Carthage ferait un énorme coup de buzz médiatique, donnerait un signe positif aux chroniqueurs, auditeurs et cinéphiles étrangers et sauverait peut être une saison touristique qui s’annonce catastrophique au vrai sens du mot vu tous les articles et reportages sur notre pays lors des derniers mois. Censurer ce film contribuera sûrement encore plus à cet acharnement des médias étrangers contre la Tunisie.

9 En censurant le film, comme d’habitude, ça provoquerait l’effet inverse et tout le monde voudrait le voir. Et pour ça, les Tunisiens ne manquent pas de méthodes.

10 Puisque c’est un film choc et très médiatisé, il contribuerait au moins à faire des bonnes recettes à nos salles de cinéma, qui ferment dans les meilleurs des cas ou… deviennent des friperies.

Il reste à savoir si d’ici octobre, date de la diffusion officielle du film dans les salles françaises et européennes, ces arguments pourront convaincre notre ministère de le diffuser.

Le temps nous le dira.