Tout a commencé il y a 3 mois au sein de la Commission des Finances de l’Assemblée constituante. Un membre de l’Assemblée constituante, qui ne siège pas au sein de cette commission, m’a confiée sous couvert d’anonymat : “C’était une des premières choses dont ils ont discuté.” Tous les membres de la commission ont appuyé la motion, on peut donc se demander pour quelle raison cette motion a été votée lors d’une séance plénière à huis clos. Certains des membres de la commission ont considéré cette mesure comme une manière de réduire les coûts de transport des élus qui font la navette jusqu’à Tunis pour assister aux réunions ( car au jour d’aujourd’hui, les membres de l’Assemblée sont hébergés dans un hôtel 4 étoiles)  alors que d’autres y ont juste vu une augmentation de salaire méritée, au vu de la nature de la tâche.

La séance plénière à huis clos s’est tenue le vendredi 18 mai 2012 et a été organisée pour discuter de plusieurs points. Selon un membre de l’Assemblée, peu d’élus étaient présents et il y a eu un faible taux de participation. Au cours de la séance, les membres ont discuté du manque d’organisation générale de l’Assemblée ainsi que du manque de ressources, telles que l’assistance administrative, une assistance qui permettrait aux élus de faire leur travail correctement. Les élus ont commencé à discuter du peu de temps qui leur est accordé pour aborder la question au sein de l’hémicycle. Et les membres de l’opposition en particulier, ont estimé que le rapporteur et Président de l’Assemblée, Mustafa Ben Jaafar, ne leur accordaient pas assez de temps pour défendre leurs idées. Le sujet des salaires a également été abordé.

Les membres de l’Assemblée ont en effet estimé que leur salaire actuel (2300 DT par mois) n’était pas suffisant pour couvrir leurs divers frais :déplacement, loyer, assistance administrative, frais de bureau… Certains représentants ont soulevé le fait qu’ils sont dans l’obligation de louer deux habitations, l’une à Tunis et l’autre dans leurs ville d’origine. D’autres se sont plaint des déplacements réguliers qu’ils doivent effectuer entre Tunis et leur région d’origine, car ils se retrouvent éloignés de leur famille, du fait du temps qu’ils passent à Tunis.

En réalité aucune vote sur le montant forfaitaire des “frais de transport” n’a eu lieu au cours de la séance plénière à huis clos, mais malgré tout la requête est arrivée jusqu’au Ministère des Finances,  qui a en fait cessé de verser ce forfait aux membres de l’Assemblée. Toutefois une somme de 400 DT a été ajoutée au salaire régulier des membres de l’Assemblée. Leur salaire passant ainsi de 2300 à 2700 DT. Selon une source cette augmentation de 400 dinars a effectivement été votée. Mais le ministère a bloqué les versements, si bien qu’il semble qu’aucun des membres de l’Assemblée n’ait encore été payé pour le mois de mai.

La controverse autour des salaires des députés a débuté du fait de la fuite de l’information dans les médias tunisiens et sur ​​les réseaux sociaux. Il est consternant de voir qu’une telle augmentation de salaire ait été votée, alors même que comparé au salaire moyen des Tunisiens, le salaire des députés est déjà très élevé, surtout quand on sait que la plupart des Tunisiens n’arrivent pas à joindre les deux bouts.

De plus les membres de l’Assemblée ne dépensent pas tous la même chose : un élu de Gabès n’a pas les mêmes dépenses qu’un élu représentant les Tunisiens du Japon. C’est pourquoi un système de remboursement doit être institué. Les membres de l’Assemblée doivent conserver leurs reçus et les présenter à la fin de chaque mois pour qu’un chèque de remboursement soit établi par l’administration de l’Assemblée. Mais selon un membre de l’Assemblée, la Commission des Finances a déclaré qu’il y avait une “interdiction légale” empêchant la mise en place d’un tel système.

Une question se pose alors : n’est-ce pas pour cela que l’Assemblée constituante a été élue ? Les 217 représentants ne sont-ils pas censés agir comme un corps législatif rédigeant de nouvelles lois  et modifiant les anciennes ? Si une “interdiction légale” existe contre le remboursement, pourquoi ne pas la changer?

Nos représentants ne devraient pas se voir accorder des frais de déplacement avant même d’avoir fait les déplacements. Cela entérine un manque de transparence. Surtout que la situation varie en fonction de chaque élu. Ainsi un député vivant à Tunis ou dans sa  banlieue proche (Radès, Marsa, etc) ne doit en aucun cas se voir accorder des subventions  pour la location d’un deuxième appartement. En effet la plupart d’entre eux font les trajets quotidiennement jusqu’à chez eux, comme n’importe quel Tunisien.

Instaurer une augmentation de salaire ainsi que des subventions pour tous, serait, en fait, un abus du pouvoir législatif. C’est pourquoi chaque représentant doit être remboursé sur la base des frais réels engendrés par son activité, le tout via une procédure soigneusement instituée et qui assure une traçabilité efficace et une honnêteté professionnelle.

Traduit de l’anglais par Sana Sbouaï