Le 11ème congrès des magistrats vient de renvoyer les magistrats tunisiens à une situation d’il y a plus de trente ans en arrière. Consacrant la domination de l’administration sur l’appareil judiciaire et des structure représentatives du corps des magistrats les magistrats tunisiens n’ont plus aujourd’hui de corporation autonome ou il peuvent exprimer librement leurs préoccupation. Cette régression n’est que le résultat d’une politique autoritaire qui s’est fixé pour objectif depuis plusieurs années de revenir du corps à un état de soumission et de résignation mettant définitivement fin à une résurrection institutionnaliste et indépendantiste qui n’a cessé de prendre de l’ampleur dans ses rangs .

Aujourd’hui les magistrats Tunisiens ne sont plus représentés – du point de vue du pouvoir – que par ce comité que le ministre de la justice est venu en personne l’installer et lui dicter ce télégramme de reconnaissance et de fidélité dont le président de la république semble avoir tellement besoin comme expression de soumission synonyme d’une justice sans autorité qui ne représente plus aucun danger.

Ce procédé ne diffère en rien avec la politique suivie depuis l’indépendance jusqu’à présent avec les corps constitués. L’organisation dans la conception totalitaire du pouvoir n’est qu’un moyen pour s’assurer la maîtrise et la gestion d’un secteur de la société qui ne doit pas lui échapper complètement. Certain secteurs deviennent par moment au sommet de ses priorités pour des raisons endogènes ou exogènes qui leur donnent une influence capable de se répercuter directement sur l’exercice même de l’autorité. C’est cette peur de changement de règles de jeux du pouvoir qui explique sa nervosité et l’amène à peser de tout son poids sur de simples associations, syndicats ou partis qui peuvent sembler à première vue inoffensif et ne représentant aucun danger.

La revendication de justice est maintenat l’un des rares point de communion de toute une société par légalisme au sein de l’élite ou par simple exigence d’équité au sein des classes populaires cette revendication est devenu le principal point de discorde entre le pouvoir et toute une société. C’est aussi le sujet qui tient le sommet des préoccupations des partenaires internationaux de notre pays et l’objet de leur principal différend avec les dirigeants de notre pays. Aujourd’hui le défit que pose la réforme de la justice au pouvoir est du même genre que celui qu’il a rencontré avec la centrale syndicale UGTT dans les années 70 /80 ou celui qui l’a opposé au mouvement des démocrates auparavant avec la différence majeure de la présence de soutiens intérieurs et étrangers du coté du pouvoir dans ces précédentes crises qui n’existent plus aujourd’hui. Homme d’affaires comme simples citoyens sont aussi fermement convaincu qu’une réforme du système judiciaire est la condition sine qua non d’expansion, d’investissement, d’emploi et de prospérité et de développement du pays.

Dan sa gestion de ce dossier le pouvoir avait déjà mal calculé ses atouts dés le début en se mettant le barreau à dos par une politique de précarisation soutenu du métier d’avocat la base de la contestation n’est plus d’aspect politique uniquement mais touche des milliers d’hommes et de femmes de droit dans leur gagne pain et les fait de plus en plus prendre conscience des réalités des enjeux que leur métier à du payer le prix de son prestige et de sa rentabilité. Avec ce dernier acte du complot contre l’association des magistrats tunisiens le pouvoir n’a plus qu’un seul objectif dans son ordre du jour : rééditer l’exploit en mettant la main définitivement sur l’ordre national des avocats, c’est la seule réforme de justice qu’il a aujourd’hui à l’esprit.

Ainsi au cours de l’histoire moderne de notre pays aucune institution n’a connu dans son corps le sort d’humiliation et de mépris qu’ont connu nos juges et la justice de notre pays. Commis aux sales besognes de la nouvelle république déclaré par complot dans une situation de guerre civile intérieure ils se sont trouvé résigné à assouvir les rancœurs des vainqueurs et des dominateur au nom de l’intérêt supérieur qui n’était en réalité supérieur que dans l’ordre des dessins que les détenteurs du pouvoir se sont fixés pour arriver à leurs propres fins.

Aujourd’hui encore l’objectif est le même, s’agripper au pouvoir contre vent et marées par ses actuels détenteurs et pour cela ils ont besoins de magistrats aux ordres et d’avocats matés éléments indispensables à une « justice » totalement dans leurs mains.

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Dans son histoire Ibn Abi-Dhaif rapportait avec ironie que parmi toutes ses charges celle à laquelle le bey tenait le plus été celle de présider la Mahkama « Tribunal » chaque jeudi. Il explique ce curieux penchant du bey par le fait qu’il ne sentait pleinement son autorité que par sa prononciation directe des sentences de condamnation. Cet ordre beylical ne semble pas encore dépassé même si nos présidents modernes n’ont plus le même cran et se contentent de les dicter à leurs préposés.

Dans cette affaire du complot contre l’AMT, des magistrats courageux sont de plus en plus nombreux à braver cet ordre humiliant et périmé. Un recours en annulation de l’appel à ce congrès à été déjà présenté et l’affaire doit être examiner en première audience le 29 de ce mois (décembre 2006 ) malgré les conseils de dissuasion des bien pensant qui ont tout essayé de leur expliquer la peine perdu de leur action. Un autre recours en référé pour la suspension de la tenue du congrès avait été examiné le samedi 2 décembre 2006.

La véritable difficulté à laquelle ils se sont trouvé confronté à prime abord été de toute autre nature : la volonté d’ester en justice ne suffit plus en Tunisie si on n’a pas les moyens d’y accéder. Tous les huissiers notaire contactés pour accomplir la procédure de convocation de l’adversaire se sont excusés donnant ainsi une idée de l’atmosphère de peur et de terreur qui dominait leur corps. Il a fallu recourir au seul moyen qui reste aujourd’hui au tunisien pour recouvrir un droit aussi banal soit-il, trouver un piston, un intermédiaire de soutien. C’est un ancien doyens des huissiers notaires converti au barreau qui s’est chargé de solliciter les services d’un collègue appartenant à un parti d’ opposition pour accomplir la procédure. C’est cette justice qu’on est entrain d’installer et à laquelle ne peut accéder que celui qui à quelqu’un pour être introduit et devant la quelle ne peut plus être mener que ceux qui n’ont pas de protection qui leurs garantie l’impunité.

Le président du tribunal de Tunis auquel la pièce d’introduction de l’affaire en référé à été présenté pour l’enrôlement et la désignation du juge et la fixation de la date de son examen à rendu le dossier à l’avocat vers 10 h 35 le samedi après avoir fixé la date de présentation de l’affaire devant le juge de référé à 11h00 du même jour ce qui laisse juste 25 minute à l’avocat et au huissier notaire pour accomplir la procédure d’informer les prévenus. Si on n’avait pas prévu depuis le début de telles machinations le recours n’aurait jamais pu être présenté à temps. A 11 h exactement l’avocat des demandeur été devant le bureau du juge de référé qui doit examiner le recours, l’autre partie n’a pas daigné se présenter ni commettre un avocat pour répondre au griefs énoncés dans le recours. En fait son représentant été déjà à l’intérieure, alors que Me kilani s’apprêtait à demander au juge la permission d’entrait la porte de son bureau s’ouvrait et le commissaire de police du palais de la justice en sortait. Surpris, l’avocat n’a pas résisté à demander avec indignation au haut officier la raison de son implication dans une simple affaire civile de recours en référé. Ce dernier lui a répondu : « oui, nous devons tout contrôler ».

Sans s’arrêter sur l’hypocrisie de ce procès ou les règles de forme n’ont servie qu’a la mise en scène de la comédie, le magistrat après avoir entendu la plaidoirie de l’avocat à retenu l’affaire en délibéré pour prononcer le jugement à 13 heure. A l’heure indiquée l’avocat n’avait même pas besoin d’entrer pour s’enquérir du sort réservé à son affaire, une meute d’agents secrets représentant tous les appareils de police qui peuvent exister assiégeait l’office du magistrat. Tous accolés à leurs cellulaires étés en train d’informer leurs supérieures que le recours est refusé.

Yahyaoui Mokhtar – Tunis le 5 12 2006

Source : http://yahyaoui.rsfblog.org/