Le droit à la Santé et le bien- être figurent parmi les Objectifs du Développement Durable (ODD) de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). Il est aussi mentionné dans les Constitutions tunisiennes de 1959, de 2014, comme dans celle de Kais Saied. L’article 43 de la Constitution de 2022 dispose en effet que « l’État garantit la prévention et les soins de santé à tout citoyen et fournit les ressources nécessaires afin d’assurer la sécurité et la qualité des services de santé ». Mieux : « l’État garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien ou ne disposant pas de ressources suffisantes. Il garantit le droit à la couverture sociale, dans les conditions fixées par la loi ».
En 2018, la Tunisie a signé le pacte mondial pour progresser vers la couverture santé universelle, un programme ambitieux lancé par l’ONU en 2015, pour parvenir à un monde sain à l’horizon 2030. Mais la réalité est moins reluisante. Dans les faits, 1, 77 millions de Tunisiens soit 15% de la population, ne bénéficient pas de la couverture sanitaire. « Il faut étendre le parapluie de couverture sociale », insiste Belgacem Sabri, président de l’Association tunisienne pour le droit à la santé (ATDS), médecin, et ancien secrétaire d’État chargé de l’Émigration et de l’Intégration sociale pour la période 2015- 2016. Et de préciser : « La santé est un droit essentiel. C’est un carrefour où se croisent le droit au logement, à l’alimentation, à un environnement sain, etc. L’Etat est appelé à fournir un minimum de services de santé pour tous, à mettre en œuvre un plan national pour la promotion de la santé publique, et à distribuer équitablement les ressources mises à la disposition du secteur de la santé ».
Des chiffres alarmants ont été ainsi rappelés par l’ATDS, lors d’une conférence de presse tenue le 12 décembre, à l’occasion de la journée internationale de la couverture sanitaire universelle. Ainsi, d’après le recensement général de la population et de l’habitat de 2014, le nombre de personnes bénéficiaires de la couverture sociale a atteint 80% de l’ensemble de la population, contre 18,7% de personnes non-couvertes, soit 2 millions d’habitants. En 2021, l’enquête de consommation des ménages relève que le nombre des personnes qui ne bénéficient pas de la couverture sociale a baissé à 1 770638 habitants, contre 6% de la population « non déclarés ».
Alors que l’Assemblée mondiale de la Santé, organe suprême de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a adopté en 2018 l’objectif « triple milliard », qui prévoit, entre autres, la couverture sanitaire universelle en faveur d’un milliard d’individus. En somme la Tunisie parait bien éloignée de ces objectifs ambitieux.
Régimes « injustes » de sécurité sociale
En Tunisie, le régime de sécurité sociale est réparti sur 3 opérateurs publics, chapeautés par le ministère des Affaires sociales. En premier lieu, on trouve la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (la CNRPS), chargée d’assurer la couverture sociale des fonctionnaires et agents du secteur public.
Selon le rapport sur les entreprises publiques du ministère des Finances, le nombre d’affiliés de la CNRPS a atteint 766 000 adhérents en 2018. En deuxième lieu, on trouve la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS), dont la mission principale est la gestion des pensions de retraite et leurs dérivées dans le secteur privé. Le nombre d’adhérents actifs de la CNSS a atteint 2 millions 353 mille personnes en 2020, contre 904 mille personnes pensionnées. Le troisième organe de sécurité sociale est la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM). C’est une nouvelle institution par rapport à la CNRPS et la CNSS, créée en 2004 en vertu de la loi n°71 de l’année 2004. Son objectif est d’unifier les régimes d’assurance maladie et des prestations sanitaires dans le pays. En 2021, le nombre d’assurés a atteint presque 3 millions 600 mille adhérents.
Ces régimes ne concernent que les employés, actifs ou retraités. D’où les réserves exprimées par le président de l’ATDS: « C’est comme s’il y avait deux catégories de Tunisiens : des individus favorisés, qui bénéficient de la couverture sociale, et d’autres qui n’ont pas ce privilège. Alors que notre objectif est que l’ensemble des Tunisiens jouissent pleinement de leur droit à la couverture sociale », martèle Belgacem Sabri. Et d’expliquer davantage: « Nous, en tant que défenseurs des droits de l’Homme, refusons l’approche d’aide sociale. Elle incarne une injustice entre les personnes. Chaque individu a le droit de bénéficier de la sécurité sociale, peu importe son statut socio-professionnel ».
Les dépenses de santé par habitant ont grimpé de 144 dinars en 2010 à 458 dinars en 2021. Les dépenses de santé des ménages sont passées de 38,5% du PIB en 2010 à 47,62% en 2021. « Les dépenses des ménages ne doivent pas dépasser 30%. Le taux actuel est inacceptable », indique le président de l’association, en faisant allusion à la dégradation des services de la santé publique. « On est face à une privatisation passive, résultant de l’absence des services de base dans les établissements publics, d’où l’orientation progressive vers le secteur privé», conclut-il.
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