« C’est vrai que tu as une belle voix, je ne le conteste pas (…) Mais le minimum est de t’occuper de ton physique », c’est par ces mots que l’instagrameuse, convertie en faiseuse d’opinion, Mariem Dabbegh s’est adressée à la chanteuse tunisienne Amira Belhaj, ayant participé à l’émission de télé-crochet, The Voice Arabia.
Cet échange a eu lieu dans le programme « L’émission » en 2018 sur Attassia TV. La chanteuse s’y était plainte à l’époque d’avoir été éjectée par The Voice à cause de son apparence physique. La chaîne Attassia a republié cet extrait sur sa page Instagram le 11 décembre. La vidéo a suscité plus de 5 mille likes.
Dans cet extrait, Dabbegh fait l’apologie de la grossophobie. Quand ladite chanteuse lui répond que son physique « n’est pas mal », elle lui rétorque que ce n’est pas le cas.
« Une personne maigre, ce n’est pas beau à voir. Et trop de rondeur, ce n’est pas beau non plus ». Elle a pris comme modèle à suivre la chanteuse anglaise Adèle. « Adèle a dû soigner son image. Elle a perdu des kilos et des kilos pour que les gens l’acceptent », poursuit-elle. Et de s’adresser directement à Amira Belhaj : « je te conseille de t’occuper un peu de toi, de faire un peu de sport, de perdre du poids ». La chroniqueuse a d’ailleurs trouvé compréhensible qu’on écarte la chanteuse du programme The Voice à cause de son apparence.
Bad buzz
La chaîne de télévision Attassia n’a pas trouvé mieux pour alimenter ses contenus sur les réseaux sociaux que de publier ce passage controversé datant de plusieurs années. Mise à mal financièrement et accusée de ne pas avoir payé ses employés, la chaîne mise sur le bad buzz.
Et il n’y a pas mieux que le personnage de Mariem Dabbegh pour le faire. En effet, cette dernière fait parler d’elle ces jours-ci à cause de ses déboires avec la justice. L’instagrameuse a été condamnée le 29 novembre à quatre mois de prison ferme avec exécution immédiate. Dabbegh est accusée de diffamation et d’atteinte à autrui à travers les réseaux sociaux.
Dans l’émission « Je dis tout » sur Elhiwar Ettounsi, Hanène Elleuch, une autre chroniqueuse, a critiqué Dabbegh après son voyage en Palestine en avançant qu’elle aurait fait un passage par Israël. La réponse de Mariem Dabbegh ne s’est faite pas attendre. Dans une story publiée sur les réseaux sociaux, elle a menacé Elleuch de révéler « certaines histoires qui risquent de lui déplaire ».
Et comme tant d’autres chaînes, Attassia est aux aguets. Elle profite de cet accrochage médiatisé sulfureux entre instagrameuses pour republier un contenu problématique et d’une grande violence envers les personnes en surpoids ou obèses.
Contactée par Nawaat, une employée de la chaîne Attassia TV n’a pas souhaité répondre sur la raison de cette republication et son contenu, disant craindre des représailles de la part de son employeur.
L’insouciance d’Attassia TV
On ne reconnait à Dabbegh et autres instagrameuses, aucun talent, aucune performance. On connaît d’elle des parties refaites de son corps, ses lèvres pulpeuses et des scandales de jet-setteuse.
Elle a le droit de disposer de son corps, de le sculpter et de le mettre en avant à sa guise. Elle aurait dû laisser les autres faire de même. Mais c’était sans compter sur son penchant à débiter des inepties. Pourquoi s’intéresser à ce genre de personnages et cette republication d’Attassia TV ? Parce que les copies de Mariem Dabbegh inondent les réseaux sociaux et les médias, et influencent dramatiquement les jeunes filles. Dans ce monde faisant la part belle aux piètres spectacles, elles sont des icônes. Elles sont devenues des gourous du culte de l’apparence et de la standardisation des corps.
Selon leurs standards, la femme doit avoir les fesses rebondies, les seins potelés mais fermes et pas tombants. Elle doit être mince mais pas trop. Ronde mais pas au point de porter du 46 ou être alors la mannequin, dite « grande taille », Ashley Ghram.
Pour y parvenir, elle peut essayer des opérations esthétiques lourdes telles que la cryolipolyse (traitement par le froid des cellules graisseuses), la liposuccion (intervention chirurgicale permettant de retirer l’excès graisseux) ou tout ça à la fois. Des rabais sont offerts par des médecins esthétiques pour une paire de seins et une fesse. En maigrissant, elle doit aussi se débarrasser des vergetures, avoir le corps ferme même après un mois d’accouchement. Elle doit être parfaitement épilée, de préférence au laser. C’est en vogue. Rien ne devrait dépasser, pas un bout de chair, pas un poil.
Les instagrameurs (euses) relayent à travers les réseaux sociaux ce standard de beauté. « Basés sur l’image, des réseaux comme TikTok et Instagram présentent tous les ingrédients susceptibles d’ébranler l’estime de soi des adolescents. On relève ainsi des cas d’anorexie due au culte de la maigreur », explique la psychologue Emna Bel Haj Amor à Nawaat.
Les adolescents suivent des influenceurs (euses) mettant en avant leurs apparences physiques. « Les adolescents comparent leur vie à la leur, ce qui suscite des frustrations. La vie réelle ne les contente plus », indique la psychologue. La dissonance entre le monde réel et son avatar virtuel cause une détresse psychologique. Parmi les symptômes : un renfermement sur soi, un état de tristesse, une susceptibilité accrue ou encore l’abandon scolaire, énumère-t-elle.
Autre indice quant à l’influence néfaste de ces Dabbegh et cie, le recours grandissant à la chirurgie esthétique chez les jeunes.
« On reçoit des filles de moins de 20 ans parfois, qui demandent qu’on leur redessine les lèvres, alors qu’elles n’ont besoin d’aucune intervention esthétique. Il faut savoir dire non à cette demande. L’acte esthétique doit être réaliste et réalisable », plaide-t-il. Pas sûr que les centres esthétiques soient disposés à rejeter de telles sollicitations dans un marché gouverné par l’appât du gain. Cette même quête explique la ruée des chaînes de télévision vers la promotion de contenus médiocres. Quant aux conséquences, elles s’en moquent éperdument.
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