Les prix des boissons alcoolisées vont être augmentés de 40% a déclaré Hamdi Dami, le président de la Chambre syndicale nationale du commerce de gros des boissons, relevant de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). La déclaration a été largement relayée sur les réseaux sociaux et par des sites d’information, avant la publication de la loi de Finances 2023 dans le Journal officiel. Dans les faits, les boissons alcoolisées connaitront-elles donc une hausse des tarifs aussi importante?

Lors de son intervention sur les ondes de la radio Express FM, le 21 décembre, Hamdi Dami a évoqué la possibilité d’une hausse de 40% des prix des boissons alcoolisées dans le cas d’une taxation de 5% au titre d’une avance sur impôt sur les achats des distributeurs auprès des producteurs.  La déclaration a été largement relayée par différents sites d’information (voir ici, ici, et ici). Deux jours plus tôt, la Chambre syndicale avait publié le 19 décembre un communiqué soulignant que « les sociétés seront contraintes d’augmenter leurs prix de plus de 40 %, ce qui affectera le pouvoir d’achat du citoyen ».

Le 22 décembre, a été promulguée la loi de Finances 2023, dont l’article 62 stipule en effet que « les fabricants et les embouteilleurs de vin, de bière et de boissons alcoolisées devront s’acquitter d’une avance de 5% sur la vente de ces produits ».

A cet égard, le conseiller de la Chambre syndicale des sociétés de commerce en gros des boissons, Mohamed Gahbich a confirmé à Nawaat qu’après la promulgation de la loi de finances 2023, une hausse des prix des boissons alcoolisées a été effectivement décidée.

Le dossier est maintenant étudié par les comptables chargés de déterminer le taux de la hausse, qui oscillera entre 30 et 80 %, dès le début de l’année prochaine. Le consommateur achètera la bière à 4 dinars. Son prix atteindra 10 dinars dans les bars et restaurants touristiques qui la vendent actuellement à 5 dinars,

a déclaré Gahbich.

Le conseiller tient le gouvernement pour responsable de cette augmentation, soulignant que la Chambre l’a contacté après la fuite de l’information faisant état de l’imposition d’une avance de 5% sur les achats des distributeurs de boissons.

Dès que la nouvelle nous est parvenue, nous avons averti le gouvernement que cette taxe entraînera une augmentation du prix des boissons alcoolisées. Mais un responsable nous a indiqué avant la promulgation de la loi de finances qu’il n’était pas certain de l’application de ce taux. Nous avons réclamé l’implication de professionnels du secteur dans les discussions, mais le gouvernement nous a ignorés,

a noté le conseiller de la Chambre syndicale des sociétés de commerce en gros des boissons.

Gahbich a qualifié la taxation d’illégale, considérant que la loi fiscale interdit la double imposition d’un seul produit. Il n’est pas possible d’imposer aux distributeurs de boissons une taxe dont les fabricants se sont déjà acquittés sur le même produit.

Et le conseiller d’ajouter :

En imposant une taxe de 5% aux grossistes en boissons, l’impôt qui leur est dû sera multiplié par cinq. C’est une menace pour les 17 sociétés de distribution de boissons du pays. Est-il logique d’acheter auprès du fabriquant un produit dont la vente a déjà été taxée, et de payer à notre tour une autre taxe sur ce même produit ? Le gouvernement n’a pas évalué les conséquences de cette taxe, qui entraînera une hausse du prix des boissons alcoolisées. Il s’agit d’un coup frappant le secteur du tourisme déjà malmené par la forte concurrence des pays de la région comme le Maroc, l’Algérie et l’Égypte. Surtout que la Tunisie mise sur les prix concurrentiels, dont ceux de l’alcool dans les hôtels. Je pense que notre pays connaîtra une situation similaire à celle que les États-Unis ont connue dans les années 1920, lors de la prohibition. L’interdiction de la vente d’alcool, avait alors ouvert la voie au trafic illégal.

Lors des premières années d’après la révolution, les distributeurs et fabricants de boissons alcoolisées avaient mis en garde contre une hausse de la taxation du secteur et ses répercussions sur les prix. Mais après la promulgation de la loi de Finances 2013 par l’Assemblée constituante, les prix du vin et de la bière produits localement ont effectivement augmenté. Manifestement, les injonctions de la Banque Mondiale recommandant d’augmenter les taxes sur le tabac, l’alcool et les boissons sucrées, ont été appliquées.