Le 29 juillet 1966, Habib Bourguiba justifiait ainsi le recours aux tribunaux d’exception dans son discours de clôture de l’année judiciaire : « il a été difficile pour les juges d’être en cohérence avec les nouvelles circonstances ou de s’adapter à cette période de transition critique puisqu’ils se sont enfermés dans les principes dans lesquels ils ont été formés et qui leur ont été dispensés au cours de leurs études. Les responsables n’avaient eu d’autre choix que de recourir à la création de tribunaux d’exception afin d’éviter de perdre du temps, il était donc inutile de chercher à convaincre les juges, un par un, de la nécessité de changer leurs méthodologies. [7]»
Au nom de la solidarité gouvernementale, Ahmed Mestiri assumera : « Je faisais partie du premier gouvernement de l’indépendance qui devait asseoir la souveraineté du pays. Nous avons délibérément opté pour l’orientation imprimée par Bourguiba au Néo-Destour, comme la suite logique de notre lutte de libération nationale…C’était un choix. Il appartient à l’histoire de dire s’il était bon ou mauvais. Avec le recul, on peut porter un jugement sur les événements. Il y a eu des abus, des bavures, des victimes innocentes. Mais il faut se replacer dans le contexte. La présence coloniale n’était pas tout à fait terminée. L’Etat sortait des limbes. Constituer un appareil d’Etat dans ces conditions entraîne fatalement des excès malheureux…C’est vrai qu’il s’agit d’une page douloureuse de la Tunisie indépendante ; mais je suis de ceux qui ont contribué à la tourner.[8] »
Notes
[1] Les Archives diplomatiques de Nantes consultés par l’IVD.
[2] Ahmed Mestiri, Témoignage pour l’histoire, Sud éditions 2011. P 112.
[3] Archives diplomatiques françaises : Aide-mémoire du 17 juin 1959- FP/CG. CJU. P2.
[4] Ahmed Mestiri, Témoignage pour l’histoire, Sud éditions 2011. P 112
[5] Idem p115
[6] Cité dans le Mémorandum adressé à la France par l’Instance Vérité et Dignité se référant au journal Le petit matin, cité dans « Le Nouvel Etat aux prises avec le complot yousséfiste 1956- 1958 » -Mohamed Sayah- Tome1 pp. 460 à 474.
[7]Cf , Rapport final de l’IVD Volume II- Chapitre VII « Les juridictions d’exception dans l’État de l’indépendance »
[8]Ahmed Mestiri, Témoignage pour l’histoire, Sud éditions 2011. P 396.