Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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Et quand il ne restera que les aboiements des chiens errants, les silhouettes qui vacillent et les verres qui trinquent à coups d’eau de vie, vous pourrez enfin rejoindre vos pieux, capter les bribes de ce son qui raisonne au fond de nos tripes et vous dire : oui, la vie n’est pas une priorité.

La Tunisie, l’exemple, l’enfant prodigue du « printemps arabe », le pays qui prône la paix et la tolérance sur l’autel des corps déchiquetés et des têtes décapités, offerts en présent aux mères démunies, et des cadavres carbonisés ornés du drapeau national, un drapeau cache-misère ou plus exactement un drapeau symbole de misère.

Ici, nos hôpitaux, notre santé publique, fierté de tout un peuple ressemblent plus aux dispensaires montés en urgence à la frontière du Mali, mais nous avons un ministre, un ministre génial qui prend des photos, qui dénonce, qui fait le tour des plateaux télés pour parler dans un dialecte qu’il ne maîtrise même pas, mais oui, la santé ce n’est pas une priorité !

Ici, nous avons un père, bien plus occupé à régler les chamailleries juvéniles entre son fils et son meilleur ennemi, à régler les problèmes au sein de son propre parti, un parti qui a par ailleurs subi une hémorragie de démissions à en vider tout le corps politique, mais gouverner, ce n’est pas une priorité !

Ici nous avons une économie gangrenée par le marché parallèle, par la fuite des capitaux, par l’évasion fiscale, par la faillite des caisses nationales, par des taux de croissance avoisinant -∞, par un tourisme meurtri par les attaques terroristes et des contingents vendus au rabais aux chômeurs de l’Europe de l’Est, par un taux de chômage effarant, mais l’économie ce n’est pas priorité !

Ici, nous avons un salaire moyen de 650 dinars, des loyers moyens de 500 dinars, un kilo de viande à 20 dinars, des légumes à 2DT le Kilo, un litre d’essence à 1Dt650, petite parenthèse : merci pour la réduction de 20 millimes, ça va changer nos vies, des paniers moyens hebdomadaires de 100 dt par ménage, mais attendez, le pouvoir d’achat n’est pas une priorité !

Ici, nous avons dépensé des sommes astronomiques pour réécrire une constitution, nous avons subi tout un tapage médiatique autour de pantins « élus » par notre cher peuple pour réécrire ce torchon qui a conservé toutes ses aberrations moyenâgeuses, ses contradictions, et l’odeur infâme de l’injustice, mais la justice n’est pas une priorité !

Ici, nous avons ratifié toutes les chartes et les conventions des droits de l’Homme, mais nous avons conservé l’article 230, nous avons même fait mieux : nous avons décidé de l’activer ! Parce que deux adultes qui s’aiment c’est le pire des crimes, parce qu’il faut les humilier, les massacrer, leur faire subir le test de la honte, les incarcérer, les jeter en pâture aux homophobes, les affamer, détruire leur avenir et cracher sur leur dignité, parce que l’homosexualité serait étrangère à notre pays, ce modèle de vertu, mais attendez, les libertés individuelles ne sont pas une priorité !

Ici nous avons un système éducatif admirable, qui a fait ses preuves, qui a éjecté des gens intelligents, talentueux et qui en a conservé d’autres, incultes, mais qui ornent leurs salons de diplômes décrochés à l’arraché, et nous avons un ministre actif, hyperactif même, ingénieux et autoritaire, qui veut appliquer toutes les réformes possibles et imaginables, et qui veut surtout les appliquer toutes en même temps à une vitesse grand V, à en perdre le sud et se retrouver à l’ouest, mais l’éducation n’est pas une priorité !

Ici, nous avons des médias, avec à l’affiche des journalistes starifiés qui sont coupables d’ «atteinte au bon goût», qui collectionnent les petits commentaires dérobés sur les réseaux sociaux, des humoristes de la dernière heure avec une subtilité à faire chialer un imbécile heureux, des parodies de séries américaines, et un étalage indécent de la vie privée, mais la culture n’est pas une priorité !

Ici, nous sommes nés, nous avons vécu, nous nous sommes démenés, démerdés, ici nous continuerons à vivre, comme nous l’avons fait avant vous, comme nous le ferons après vous, cela dit, merci pour l’animation, mais au final, l’interdit a meilleur goût.