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Lancée en mars 2015, Maghreb 24 Tv ne figure toujours pas dans les estimations d’audience établies par les agences de sondage. En total détachement avec le contexte actuel, elle a parié sur un cheval perdant. Sa programmation repose essentiellement sur la musique de variété. Un choix obsolète puisque la popularité de ce registre est en chute libre depuis que la révolution a changé la donne.

Favorisant une nouvelle perception du divertissement, le pluralisme médiatique qui a accompagné les changements politiques et sociaux survenus depuis 2011 a relativement marginalisé les arts médiatiques : le cinéma et la musique. Mis à part de quelques cycles sur Watania 1, Telvza Tv et Nessma, le septième art demeure boudé par les petits écrans. Idem pour la musique, plus ou moins marginalisé, en dehors de la défunte « Andi ma nghannilek » sur El Hiwar Ettounsi Tv et quelques playlists de vidéo-clips sur Attassia et Telvza Tv. Même ces rarissimes expériences ont eu le souffle court. Il s’agit pourtant d’une aubaine pour les programmateurs en quête de prêt-à-diffuser. L’idée d’occuper ce terrain déserté se montre porteuse. Ce sont, après tout, des parts de marché qui restent peu sollicités par les chaînes tv. Mais quelle musique ? Quels genres ? Et comment la diffuser ? C’est là où Maghreb Tv 24 s’est planté. Au moment où la scène émergente tunisienne gagne en visibilité sur les petits écrans, Maghreb 24 Tv a pris le contrepied en optant pour la variété.

Créé par Mundus Capital Invest (PLC), une holding basée à Dublin, Maghreb 24 TV se présente en tant que « chaîne de télévision espagnole », alors que son activité en Tunisie est régie par un bureau situé à Hammamet. Il s’agit du premier né d’un bouquet à lancer par un groupe médiatique éponyme. Son objectif annoncé : « utiliser la puissance du pôle média pour promouvoir ses produits et ses services et valoriser l’image globale du groupe ». Une configuration opaque pour le moins qu’on puisse dire.

Popularité en chute

La popularité de la musique de variété a fléchi au point de perdre son caractère fortement lucratif qui en a fait « la musique commerciale » par excellence. Dans ce sens, le nombre de visionnage sur Youtube peut être un indicateur intéressant. Les vidéo-clips de variété sur la chaîne de Maghreb 24 Tv n’attirent que quelques centaines d’internautes et, au mieux, quelques milliers. A comparer avec les chaînes Youtube des artistes de la scène émergente devenus des figures importantes du maistream, un grand gap les sépare. Par exemple, Balti ou Med Amine Hamzaoui font aisément des millions de vus alors que les chanteurs les plus connus de la scène de variété arabe n’arrivent pas à les égaler, malgré la grande machine promotionnelle de leurs richissimes producteurs tel que Rotana.

Le nouveau contexte est plus favorable aux musiques actuelles made in Tunisia. Qu’il s’agisse de rap, de reggae, de musique électronique ou autre, elles ont le vent en poupe. La tunisianité s’impose. Proximité oblige. Et elle ne se revendique plus sur le plan musical mais au niveau des paroles et des sujets. L’usage de la darija (arabe dialectal tunisien) constitue l’une de ses attractions, contrairement à la variété souvent chanté en dialectal égyptien, libanais et parfois même libyen ou saoudien. Souvent caractérisée par des mélodies simples et des paroles banales, la musique de variété a trouvé qui fait mieux dans le genre.

La révolution change la donne

Avec la chute de la dictature, la musique de variété a accusé un sacré coup. Sous le régime Ben Ali, tout était contrôlé. Les moyens de diffusions étaient très limités. Les propos qui transgressent l’ordre établi, qu’il soit politique, social, moral ou culturel, sont exclus. La variété ne gêne pas tant qu’elle puise son essence même dans le discours dominant. L’amour est son seul sujet de prédilection, souvent les relations de couple et parfois la patrie ou la maman au gré de l’actualité événementielle : fêtes nationales, fête des mères…etc. Que du consensuel. Non seulement simpliste, la composition de la musique de variété tunisienne a souvent été bridée par un conservatisme adapté aux lignes rouges des médias du pouvoir. Après la révolution, la levée de la censure sur le net a libéré un moyen de diffusion qui a brisé le monopole des médias dominants. Les modes de production se sont simplifiés et diversifiés. Le pluralisme médiatique a favorisé la concurrence et donc l’ouverture. Les citoyens, libérés de leur statut de sujets, ont désormais l’embarras du choix. La chute du régime de Ben Ali, qui aimait tant recevoir des figures de la variété lors de soirées privées au Palais de Carthage, a entrainé leur déclin.

A moins que la stratégie de Maghreb 24 ne soit sensible à un divertissement d’un temps révolu.