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C’est à donner la nausée ! Depuis que l’état d’alerte a été décrété, une forte poussée propagandiste s’est déclarée dans les médias. Le cas de La Presse est déroutant. Ce journal qui accouchait, un certain 30 janvier 2011, d’un exaltant « mea culpa », cède à nouveau le pas aux inflexions honnies d’un «  journalisme mauve » pour lequel patriotisme rime avec unanimisme. Du coup, les discours réactionnaires se lâchent sans honte ni complexe !

Les nostalgiques de la dictature ne feront plus de la résistance. Avec la guerre annoncée contre le terrorisme, la chape de plomb est retombée sur les rédactions. Ainsi en est-il de La Presse de Tunisie qui publiait, au lendemain de l’attentat de Sousse, le témoignage édifiant d’un « haut cadre sécuritaire à la retraite». Ce dernier regrettait l’époque de Ben Ali :

Où la Tunisie était toujours classée parmi les pays les plus stables de l’Afrique, on travaillait jour et nuit avec abnégation, altruisme et un grand professionnalisme pour contrer les tentatives de déstabilisation venues de l’extérieur comme de l’intérieur, écrit le fonctionnaire du ministère de l’Intérieur.

Dans la foulée, il dénigre les «  pseudos-opposants » qui sont allés jusqu’à mener une « campagne contre le tourisme en Tunisie sous le slogan “Ne pas bronzer idiot ». Tourisme et sécurité, voilà donc les deux symboles-clés de la carte postale.

Tchakhotine* ne dit-il pas que la recherche de la sécurité et de la norme est l’une des quatre impulsions affectives primaires mises en œuvre par la manipulation propagandiste et idéologique. C’est que la guerre contre le terrorisme est «  un acte de salut public et d’unanimité » qui rentre en résonance avec les individus en catalysant leur élan collectif par le biais de symboles-clés et de slogans, nous apprend Harold Lasswell.

Symboles-clés et slogans portés par un jargon politique spécifique à la dictature benalienne, jadis obsédée par les théories du complot. En l’occurrence, un autre article du journal public, trônant cette fois-ci à la Une, qui posait cette question incongrue aux lecteurs : « Faut-il toujours écouter les ONG ? » S’attaquant à La Lettre ouverte envoyée aux députés par un collectif d’ONG concernant le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, le journaliste lâche des mots bien chargés : Interventionnisme et ingérence.

Et pour bien appuyer le propos, l’article inclut une interview du Secrétaire général du Parti du Travail Patriotique Démocratique qui dénonce, à son tour, cette « sorte de vol qualifiée de compétences accordées par la loi à des institutions créées pour exercer ces compétences », à savoir l’Assemblée des Représentants du Peuple. A aucun moment le journaliste ne rappelle que la loi de lutte contre le terrorisme de 2003 avait servi, sous Ben Ali, d’instrument de propagande et d’outil de répression. Il ne se demande pas non plus comment les partis vont garantir que la sécurité ne s’oppose au respect des droits humains.

Mais comment blâmer les journalistes, quand un membre de la Haica prêche la primauté de la patrie sur les droits et les libertés ?

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Pour clore ce round pavlovien, citons enfin cette fausse information qui avait circulé, lundi soir, sur Facebook, selon laquelle le poète Sghaier Ouled Ahmed était décédé. Le responsable de la version numérique du quotidien la reprenait, sans vérification aucune, sur Twitter :

Une heure et demie plus tard, c’est le poète lui-même qui publie un démenti sur sa page Facebook, affirmant que c’est « une intox délibérée qu’il assimile à un appel au meurtre ». Des internautes ont même signalé avoir reçu un sms anonyme les informant du faux décès de Sghaier Ouled Ahmed. Après coup, l’administrateur de La Pressenews se rattrape en se justifiant avec cet incroyable lapsus :

C’était une intox ! Une intox tellement persistante qu’elle nous induit en erreur. Mea culpa!

L’un des mécanismes de la propagande n’est-il pas justement de répéter et de persister jusqu’à ce que l’intox soit gobée !

* Sergueï Stepanovitch Tchakhotine est un sociologue germano-russe connu notamment pour son livre « Le Viol Des Foules Par La Propagande Politique ».