Le Chef du Gouvernement a présidé le vendredi 22 mai 2015 la première réunion du Conseil Stratégique de l’Economie Numérique (CSEN) en application du décret1 N°4151 du 3 novembre 2014 soumis par l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche scientifique et des TICs, Taoufik Jelassi et signé par l’ancien premier ministre Mehdi Jomaa, remplaçant ainsi le décret proposé par l’ancien ministre des Tics Mongi Marzoug2. Ce conseil a pour mission principale de suivre les projets du Plan National Stratégique (PNS) traitant du développement numérique en Tunisie.
Le Multi-acteurs à la tunisienne
La configuration du CSEN, telle que rendue publique, va à l’encontre des discours de sa promotion depuis l’époque de Mehdi Jomaa, jusqu’à il y a quelques semaines. En effet, l’ancien ministre des TICs Taoufik Jelassi ansi que son Premier ministre d’alors M. Jomaa avaient ouvertement annoncé que ce conseil sera multipartite. Dans le même sens étaient aussi les declarations de l’actuel ministère des TIC, Noomane Fehri, lors de ses diverses apparitions médiatiques et même pendant les meetings bilatéraux à La Haye en marge de la conférence sur la cyber-sécurité. Pourtant, le Chef du gouvernement actuel, monsieur Habib Essid, s’est félicité d’avoir nommé un comité égalitaire seulement entre les ministères et le secteur privé, à raison de neuf sièges chacun. Monsieur Essid s’est dit en faveur de plus de partenariat public-privé (PPP) dans le secteur des TICs en Tunisie3. Monsieur Fehri, quant à lui, justifie l’existence du PPP par l’incapacité du secteur public à se moderniser tout seul, contrairement au secteur privé qui est sollicité pour sa bienveillante aide4.
Toutefois, cette composition du CSEN est restrictive puisqu’aucun représentant de la société civile ni de la communauté technique n’y siège, et dont le rôle est crucial dans la planification et le déploiement du plan national stratégique « PNS », étape indispensable vers une « Tunisie Digitale ».
Se référant aux meilleures pratiques internationales dans le domaine, à l’exemple d’un pays à économie numérique très développée comme la France, on trouve un Conseil National du Numérique « CNN » composé entre-autres de parlementaires, de chercheurs et d’activistes, respectant aussi la parité homme/femme5.
Par ailleurs, il existe un autre modèle d’un pays émergent comme la Tunisie, celui du Brésil, qui a créé, en 2004, un comité pareil composé de 9 représentants gouvernementaux, 4 du secteur privé, 4 du secteur des services liés aux TICs, 3 de la communauté technique et de la recherche ainsi qu’un expert6.
Cependant, en Tunisie nous avons mis en place, par deux fois, une mauvaise copie de ce concept puisque notre CSEN est réduit à deux acteurs seulement. Nous sommes bien loin de la politique de gouvernance multi-acteurs dans laquelle nous nous étions engagés après le 14 Janvier 2011. D’ailleurs c’est sans doute pour cela que le Forum National de la Gouvernance de l’Internet n’a pas eu lieu, pourtant annoncé pour le premier trimestre 2015.
Ce conseil présenterait, outre le problème du modèle adopté, une inquiétude quant à son indépendance vis-à-vis du monde des affaires et de la politique. En effet, d’une part, les acteurs TICs du secteur public, y compris le régulateur, sont tous représentés par un seul siège : le ministère de tutelle, qui aura aussi la tâche de suivi du PNS, et d’autre part, le choix des représentants du bloc privé (secteur privé et experts) est conflictuel.
L’Etat Parti : Un ministère transformé en QG de campagne politique
A son arrivée à la tête du ministère, Noomane Fehri s’est fait accompagner par la plus part de son équipe de campagne électorale législative. Quelques semaines plus tard, le ministre installa confortablement 8 membres de son parti Afek Tounes, dont leur candidat pour l’Amérique et RPE, à des postes clé à l’instar de Nebil Chemek, qui fut directeur de la campagne législative et qui a été nommé chargé de mission7. En réalité, c dernier est pratiquement le chef de cabinet du ministre. Aussi et après l’étrange démission du concepteur de «Smart Tunisia»8, le ministre le remplaça par le Coach de HR Access, Raouf Mhenni9.
PNS, the « French Connection »
Rappelons que « Tunisie Digitale 2018 » est un méga plan de 5.522 millions de dinars10, financé à hauteur de 1.865 millions par des apports publics, à savoir le fonds des TICs alimenté par les 5% de redevance télécom que chacun de nous paie et d’autres apports des entreprises publiques du secteur.
Bien que le ministère des Technologies de la Communication et de l’Economie Numérique s’en est tenu aux grandes lignes de ce PNS, le ministère a publié par erreur les détails, très importants, sur sa page Facebook officielle, en date du 4 février 2015, pour les retirer 5 minutes plus tard :
Ces projets seront étudiés et décidés par le CSEN. Le comité de pilotage (qui sera composé des « jeunes compétences », selon l’expression de N. Fehri sur ExpressFm, et l’agence «Tunisia IT Promotion Agency» (sous la tutelle du ministère des Technologies de la Communication et de l’Economie Numérique), travailleront avec les membres du conseil.
Les membres du secteur privé siégeant au conseil stratégique sont 4 membres de l’UTICA, 2 membres de l’Association Tunisienne pour la Communication et la Technologie « TACT »11 et 3 experts qui ne sont autres que l’ex ministre des TICs, Sami Zaoui, qui est aussi un directeur associé chez Ernst & Young, l’ex ministre du tourisme Mehdi Houas qui est le patron de Talan (spécialisé dans le conseil et l’assistance dans les métiers liés aux systèmes d’information et à l’intégration des nouvelles technologies) et un certain Hazem Ben Belgacem12. Le point commun entre la plus part des membre de ce bloc du secteur privé qui siègent au Conseil Stratégique de l’Economie Numérique (CSEN) – sinon tous – c’est qu’ils sont Atugéens (ATUGE).
Par ailleurs, nous trouvons que par exemple, OXIA, membre de l’Association Tunisienne pour la Communication et la Technologie est déjà en charge de l’un des 64 projets du PNS : l’identifiant unique du citoyen13. Aussi, « Business & Decision », en consortium avec « Deloitte Tunisie » dont le directeur associé n’est autre que Mohamed Louzir, membre-fondateur de Afek Tounes, ont remporté l’appel d’offres relatif aux deux projets de e-Administration et e-Gov14.
Sur le volet de l’indépendance, on remarque l’existence de cas flagrants de conflit d’intérêt voire même de « délit d’initié » au sein de la composition même du Conseil Stratégique de l’Economie Numérique. Or personne n’a pris le temps de vérifier ces critères fondamentaux d’indépendance. Et la volonté d’écarter les représentants réels de la société civile, qui auraient pu constituer des garde-fous contre tout lobbying, n’a fait qu’aggraver les risques de conflit d’intérêt et de délit d’initié. Car, comment se fait-il que la moitié des membres du Conseil Stratégique de l’Economie Numérique sont à la fois juges et parties qui, d’un côté sont responsables du suivi des projets du Plan National Stratégique (PNS) et du développement numérique en Tunisie et de l’autre ils participent, via leurs sociétés de services, et remportent, des appels d’offres liés à l’exécution des mêmes projets.
La Tunisie, a raté l’opportunité de continuer conformément à l’approche mondiale, vers un modèle de gouvernance multi-acteurs, en instaurant des mécanismes de décision ouverts et transparents, et ainsi sauver le secteur TICs qui désormais est aux prises de la politique et du monde des affaires.
Notes
2. Décret initial N° 4514 de 2013.
3. Communiqué de presse de la présidence du gouvernement au sujet du CSEN.
4. Interview N. Fehri « Expresso », ExpressFM du 25/05/2015.
6. Conseil stratégique Brésilien.
7. Décret n°2015-87 du 20 avril 2015, portant nomination d’un chargé de mission.
8. Nomination Mezghani à TradeNET.
9. Première réunion au MTCEN avec R. Mhenni.
10. Stratégie Tunisie Digitale 2018.
11. Membres de la TACT.
12. Composition du CSEN.
Bravo aux mafieux et aux chefs de guerre de tous bords et tant pis pour le peuple des singes castrés.
#État_voyou
#Pays_des_singes_castrés
#Grande_Bougnoulie
Conseil Afek Tounes !!
c’est le ridicule qui tue !!
Des politiciens corrompus au nez avec des mafieux leches-queues.
Un peuple délaissé par des micro-problèmes marginales , qui s’entretuent pour rien évacuant ainsi tout le chemin vers les mêmes pourris
ou sont les représentant de Tunisie TradeNet
Je ne comprend rien à cet article!
On reproche à un comité d’être composé d’experts et de professionnels. La Tunisie est un pays “tellement immense” qu il est naturel que les grandes sociétés locales siégeant dans les comités( des nains aux niveaux mondial) se retrouve à gagner des appels d’offres nationaux. Qui devraient gagner ces appels d’offres les chinois, les algériens, les ouzbek. Les compétences sont rares en Tunisie il est donc normal que ceux qui gagnent les appels d’offres soient aussi ceux qui peuvent conseiller l’Etat. Que certaines associations soient sur représenté n’est que le résultat de leur travail pendant que certains faisaient gréve d’autres bossaient pour la Tunisie, tentaient de créer de l’emploi et prenaient des initiatives pour soutenir le pays à l’international. Le dernier point est politique, oui un ministre place ses équipes après une élections, ils le font tous deux questions se posent font ils le job et sont ils honnêtes ? Le reste n’a aucune importance! Cessez de vous entre déchirer, de critiquer, de mettre en doute…bossez
Vous dites deja que vous ne comprenez rien a l’article et vous avez bien raison, car il s’agit avant tout de la critique d’un modele de gouvernance caduque s’agissant du secteur des TICs. La Tunisie que vous semblez “apprécier” doit s’inscrire dans un modele de gouvernance inclusif et donc multi-acteurs, sans interferences politiques qui peuvent biaiser l’issue de certains importants projets financés – en grande partie- par l’argent du contribuable, ce dernier n’étant pas représenté dans le centre de decision.
Et le CNI! Il est complètement parti, il ne fait pas parti du PARTI !
Oui le CNI tout comme les autres établissements sous tutelle du Ministère sont représentés par ce même ministère et surtout le régulateur INT qui doit être indépendant…
Bon article bien fondé.
Si on ne tient pas à un modèle de bonne gouvernance intégrant transparence et égalité des chances,on ne va que commencer à creuser de nouveau le fossé où on tombera de nouveau…cessons donc l’oisif et l’abusif.