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Le cortège funèbre arrive au cimetière. Crédit image : Amine Boufaied - www.nawaat.org
Le cortège funèbre arrive au cimetière. Crédit image : Amine Boufaied – www.nawaat.org

Aujourd’hui, la Tunisie est déchirée. Ses enfants sont au bord du précipice car les couteaux sont prêts à être tirés. Nous ne sommes plus très loin de l’irréparable. Et chacun pense être dans son droit, chacun croit que la justice est de son côté. Mais tous se trompent. La justice, ce n’est pas la haine ; la justice, ce n’est pas la guerre ; la justice, ce n’est pas la mort. La justice, c’est le glaive pour trancher, la balance pour soupeser et le bandeau pour ne pas être aveuglé par les apparences.

Deux hommes, deux justes, ont été assassinés froidement, par balle, sur le seuil de leur maison, un matin, à six mois d’intervalle. Ceux qui ont commis ces crimes n’ont rien laissé au hasard, c’étaient des professionnels. Ils avaient un objectif clair : accroître la division, envenimer la haine, détruire les possibilités de vivre ensemble dans la paix. C’est depuis toujours le but des assassinats politiques dans nos pays et nos sociétés. Allumer le feu et regarder les hommes brûler.

Chez nous, la haine existe depuis plus longtemps que l’amour. Nous avons été si souvent écorchés vifs et jetés les uns contre les autres que l’Autre, pour nous, a le goût de la douleur. La paix sociale a toujours été un équilibre imposé, jamais un choix. Les différences économiques, intellectuelles, religieuses sont comprises et intégrées comme des anomalies, non pas comme une force. Pour résumer, dans notre société, l’Autre, quel qu’il soit, c’est l’ennemi.

Mais nous sommes, pourtant, tous tunisiens. Et pour dépasser cette infirmité de notre société, il y a une solution. C’est la solution politique. C’est le désir du politique. C’est le choix, rationnel, du vivre ensemble. Pour pouvoir vivre ensemble, nous avons besoin de nous constituer des règles communes de vie. Pour atteindre ce but, nous devons pouvoir dialoguer. Non pas nous insulter ou nous entretuer, mais dialoguer. Dialoguer au-delà de nos différences, au-delà de nos répulsions, au-delà des idées reçues et des jugements d’opinion émis à partir de l’apparence et des stéréotypes.

Les hommes et femmes politiques que les Tunisiens ont choisis pour les représenter et construire cet espace commun, nécessaire après une éternité d’autoritarisme, ont, par maladresse, idiotie, incompétence ou malveillance, joué sur les dissensions et les différences. Ils n’ont pas cessé de jouer au jeu politicien du pompier pyromane. Ne respectant rien, ni les électeurs ni les règles du jeu initial. Ils ont créé le climat de faillite politique dans lequel nous sommes aujourd’hui et qui risque de nous engloutir tous.

Ce climat de faillite est ce qui a permis à des forces occultes de précipiter le chaos dans le pays en assassinant deux hommes, deux justes. L’irresponsabilité et la légèreté avec laquelle les députés et les gouvernants ont agi pendant ces deux dernières années ont offert notre pays aux ennemis des Tunisiens et de la Tunisie, aux ennemis de la démocratie.

Tous ces représentants ont failli. D’un spectre du politique à l’autre, ils ont tous failli. Mais nous, en tant que peuple, nous nous devons d’être plus responsables qu’eux. Nous nous devons de les rappeler à l’ordre et de les mettre face à leur responsabilité à notre égard. S’ils ont failli, ils n’en ont pas moins une mission, un mandat que nous leur avons délégués. Et ils se doivent de l’accomplir. Sinon… sinon l’ensemble des sacrifices que nous avons consentis, tous les morts, toutes les souffrances, tout cela n’aurait servi à rien.

Le quotidien politique tunisien se résume à des petits arrangements entre amis, un absentéisme notoire et un mépris profond des règles du jeu. Chacun des élus et responsables ne semble penser qu’à sa petite carrière. Chacun des choix politiques accomplis n’est fait qu’en fonction des intérêts que les uns et les autres pourraient en tirer. Ne parlons même pas des retournements de vestes qu’à connu l’assemblée. Après tout, un parti qui n’existait même pas lors des élections peut se targuer d’avoir, aujourd’hui, une dizaine de députés. Et cela au mépris des règles les plus élémentaires de la logique électorale. Notre assemblée est devenue un marché où les gens qui ont de l’argent viennent acheter des députés sans morale ni parole, mais qui ont un appétit démesuré.

A ceux qui demandent une solution réaliste, je dis qu’il nous faut exiger une démocratie où les élus sont au service des Tunisiens, où les politiques sont sous notre contrôle, où le vote est public, où le tourisme politique est interdit, où aucun cumul d’activité n’est permis quand on est élu du peuple, où chacun peut se présenter aux élections à titre individuel (et non sur des listes), où tous les élus actuels s’engagent sur une date de fin des travaux, où s’absenter plus de trois fois à des votes pourrait conduire un élu à être remplacé par un suppléant pour le restant du mandat, où les élus de l’ANC s’engagent tous à ne pas se représenter aux élections prochaines, où tous les ministres et présidents font de même !