1/ En Tunisie, on ne peut plus poursuivre pour homosexualité, sinon on viole les libertés publiques :
Un homme politique a été incarcéré pour sodomie présumée, et cela se passe dans la Tunisie de la Révolution !Or, juridiquement la base légale de pareil acte judiciaire est inexistante. En effet, l’abrogation de l’ancienne Constitution a entraîné de facto celle de tout l’arsenal légal en usage sous la dictature pour réprimer les libertés. Or, le droit à la vie privée en est une manifestation éminente.
Mieux, de jure, toutes les lois liberticides ne peuvent plus trouver usage dans la Tunisie révolutionnaire, car la volonté du peuple est la seule source de pouvoir; et cette volonté s’est déjà exprimée en abolissant le sommet de l’ordre juridique au pays qu’est sa Constitution.
Certes, de nouvelles lois respectueuses des libertés n’ont pas été prévues, mais cela ne peut suffire pour faire obstruction à la souveraineté populaire qui, dans un pays ayant arraché sa liberté tout seul, doit rester la seule référence.
En effet, quand le peuple a imposé en Tunisie l’abrogation de la Constitution, il n’a pas voulu uniquement la levée d’un texte précis; en abolissant le document le plus important dans l’ordonnancement légal du pays, la clé de voûte de l’ordre juridique en Tunisie, il a entendu clairement et sans la moindre hésitation faire réformer tout le système des droits et des libertés régissant la vie publique et privée en Tunisie.
Il a surtout, et le plus solennellement, demandé par là même à ses représentants d’agir en vue d’abroger, dans le sillage de la Constitution abolie, toutes les lois en usage dans l’ordre judiciaire et qui constituaient l’arsenal redoutable par lequel le régime déchu de la dictature exploitait le peuple et le réduisait en silence, violant sa dignité, brimant ses libertés.
Or, que s’est-il passé en Tunisie au lendemain des moments héroïques à La Kasbah, chemin de gloire de la Tunisie profonde vers la démocratie? Eh bien, le régime issu soi-disant de la Révolution s’est contenté du minimum relatif à la mission de rédaction de la nouvelle Constitution, taillée à la mesure d’une idéologie pas trop démocratique, au demeurant. Et il a surtout gardé en l’état l’ordre juridique et judiciaire inique et liberticide hérité de la dictature déchue, s’improvisant son meilleur gardien, cherchant à en profiter pour ses propres intérêts en violant ceux du peuple.
Bien pis! le pouvoir issu des premières élections libres en Tunisie a tout fait pour freiner des quatre fers tout effort sérieux et honnête tendant à doter le pays d’institutions véritablement démocratiques en mesure de permettre l’instauration de la démocratie que réclame le peuple à cor et à cri.
Aujourd’hui, après maintes autres manifestations éhontées de l’usage immoral que l’on peut faire des lois et règlements funestes de l’héritage de la dictature déchue, nous voyons le pouvoir en Tunisie user à nouveau d’une de ces lois liberticides en intentant des poursuites judiciaires iniques contre un homme politique, et ce juste pour le déconsidérer, jeter sur lui le discrédit et l’anéantir politiquement et socialement. C’est Ben Ali qui doit être content d’avoir laissé des émules aussi efficaces que les sbires de l’ancien temps !
C’est aux plus hautes autorités que cette apostrophe est destinée; elles ne doivent surtout pas se taire, car la situation en matière des libertés publiques a atteint un degré de gravité extrême au point qu’il en va désormais de la pérennité de la Tunisie dans ce qu’elle a de plus noble, son attachement à ses libertés. Face à pareille situation, tout silence est coupable devant l’histoire, car il viole la conscience de ce peuple digne qui garde pour l’instant sa confiance entière en des dirigeants censés le respecter dans ses valeurs fondamentales.
Voici donc une apostrophe exhortant les trois présidences de réagir urgemment : Que l’on saisisse l’occasion des poursuites engagées contre un homme public pour adopter un moratoire immédiat à tous les textes de lois de l’ancien régime, ces lois scélérates qui ont longtemps servi à tuer les libertés en Tunisie et faire taire les voix des hommes et femmes libres; et que l’on s’attaque en premier aux lois attentatoires aux libertés privatives !
Et que l’on agisse ensuite pour faire voter, toutes affaires cessantes, un texte juridique solennel abrogeant formellement tout l’arsenal liberticide au pays. C’est non seulement une question de principe, mais d’honneur politique ! Car ou l’on est démocrate véritablement ou l’on est dictateur dans l’âme, ennemi des libertés, toutes les libertés. Aussi; Messieurs les Présidents des plus hautes instances dans la Tunisie révolutionnaire, choisissez votre camp !
Dans l’affaire regrettable qui cherche à violer notre belle religion et limiter encore plus les libertés de notre peuple, le défendeur étant un avocat, j’exhorte aussi l’ordre des avocats à ne pas se laisser emprisonner dans la logomachie juridique des professionnels de la tromperie de l’ordre nouveau qui se veut une nouvelle dictature.
Qu’il se saisisse de cette occasion pour retourner comme un boomerang cette affaire contre la nouvelle dictature morale, politique et sociale qui veut s’installer en notre beau pays qui restera à jamais tolérant et opposé à toute dictature. Que le conseil de l’Ordre rappelle à leurs responsabilités les autorités judiciaires et qu’il ne rentre surtout pas dans la logique d’application d’une loi qui n’existe plus; car c’est le peuple seul souverain qu’il l’a voulu ainsi !
C’est que la loi fondamentale qui légitime toutes les normes inférieures ayant été abrogée, toutes les lois inférieures à la Constitution l’ont été ipso facto du seul fait qu’elles violent les motivations ayant amené à l’abolition de la Constitution. Or, ces motivations peuvent être résumées en une seule expression, celle de la violation des libertés. En bon démocrate, tout politique en Tunisie doit donc réagir de la sorte : toutes les lois, décrets ou règlements attentatoires aux libertés en Tunisie sont aujourd’hui et par la force des choses inutilisables en Tunisie, car ils emportent le même sort que la Constitution, leur validité ayant été de jure abolie dans le sillage du texte juridique suprême.
2 / En Tunisie, on ne peut plus poursuivre pour homosexualité, sinon on viole l’islam authentique :
Au nom d’un texte honteux dont la Tunisie révolutionnaire ne s’honore plus et qui aurait dû être abrogé automatiquement dans la foulée de l’ancienne Constitution, les instances judiciaires du pouvoir en place poursuivent donc le président du Parti Libéral Tunisien, Mounir Baatour, juste pour une affaire de moeurs dont l’intéressé n’a en aucune façon fait le moindre étalage public.
Les avocats de la victime d’aujourd’hui des ayatollahs d’un islam que l’on veut transformer en une religion inquisitoriale et liberticide devraient dans la défense de leur confrère ne pas se laisser enfermer dans le cercle vicieux d’une légalité trompe-l’oeil et d’un esprit caricaturé et vicié de notre religion. Ils doivent notamment demander sans hésitation la nullité des poursuites engagées contre le président du PLT et leur requalification pour réprimer l’action illégale et irrégulière de ses poursuivants ayant attenté à une liberté fondamentale d’un citoyen tunisien.
En effet, et même sous l’empire des lois iniques actuelles que je viens de dénoncer comme inapplicables, tout musulman authentique sait pertinemment que l’on ne peut agir comme le fait le pouvoir au nom de l’islam. Car en notre religion, dans son interprétation correcte, la seule conforme à son esprit de religion des libertés, respectueuses de la dignité humaine, on est totalement libre de ce que l’on fait de sa vie privée, à l’abri des regards.
Ainsi donc, au nom de notre religion qui en est totalement innocente des menées de ses faux représentants, on brime les libertés individuelles les plus basiques alors que jamais elles n’ont été aussi garanties et protégées qu’en islam. En islam, doit-on le rappeler à ses ennemis de l’intérieur, licence est même tolérée du péché tant que l’on veille à s’y laisser aller — du fait de la nature humaine imparfaite, dont l’islam, éminemment humain, a toujours tenu compte — sous le sceau de la discrétion absolue, bien loin des regards indiscrets. En l’occurrence, seul Dieu et la conscience personnelle sont alors habilités à juger pareils actes humains et les qualifier ou non de fautifs.
Mieux, et c’est ce que j’ai démontré par ailleurs ici même sur Nawaat, ce n’est pas la personne qu’on poursuit qui doit être considérée coupable dans le système juridique islamique, mais tous ceux qui ont osé violer sa vie privée pour le poursuivre en l’étalant sur la scène publique. En islam authentique, le coupable est bien celui qui se prévaut de la turpitude dissimulée aux regards du musulman pour l’exposer aux regards. Que tout vrai musulman ose soutenir le contraire, démontrant ainsi sa méconnaissance de sa religion !
De plus, pour soupçonner de pareils faits son prochain, il faut des preuves tangibles en islam; en effet il y est absolument interdit de juger sur de simples présomptions فلا حكم بالظنة في ديننا الحنيف.
Par ailleurs, en un temps où l’islam traitait l’homosexualité bien mieux et plus humainement que partout ailleurs dans le monde, la preuve de cette pratique telle qu’établie par la doctrine islamique est stricte et limitativement établie, de telle sorte que prouver la sodomie est pratiquement impossible en islam, devant être celle d’une pénétration avérée et selon les règles islamiques du témoignage.
Notons aussi que la violation flagrante des libertés concernant le cas qui nous occupe n’a pas non plus de base morale ou religieuse. En effet, en islam, il ne suffit pas de fauter en privé, car en ce domaine seule la conscience est souveraine et seul le regard de Dieu est juge. C’est que lorsque la vie privée est en cause, comme dans l’affaire présente, ce n’est pas ce qui se fait incognito et en toute discrétion qui doit être mis à l’index, mais le fait de l’amener sur la place publique de manière à faire du tort au pécheur qui aurait tout fait pour échapper aux regards.
En islam vrai, en effet, il est bien moins grave de pécher en cachette que de violer la vie privée des gens. Que ceux qui parlent aujourd’hui de l’islam en violant éhontément ses principes fondamentaux se le rappellent donc !
D’ailleurs, et je l’ai suffisamment démontré avec moult preuves, juridiquement, religieusement et moralement irréfutables et des arguments définitifs auxquels personne n’a su apporter la contradiction, il n’est nulle interdiction de l’homosexualité en notre religion tolérante et révolutionnaire.
De fait, il s’agit là d’une tradition étrangère à l’islam qui l’a pénétré comme nombre d’autres traditions judéo-chrétiennes. Aussi, croire que l’homosexualité est interdite en islam ce n’est rien d’autre que s’accrocher à un héritage avéré de la morale juive et chrétienne qui a longtemps violé, et continue de le faire, l’esprit islamique véritable.
Alors, que nos religieux se posent une bonne fois pour toutes la question à l’occasion de l’affaire du jour ; cherche-t-on vraiment à défendre l’islam, qui est une religion humaine, tolérante et libérale, ou plutôt une tradition judéo-chrétienne et ce au nom d’un faux islam dont la lecture est inauthentique !
Farhat OTHMAN
[…] Un homme politique a été incarcéré pour sodomie présumée, et cela se passe dans la Tunisie de la Révolution !Or, juridiquement la base légale de pareil acte judiciaire est inexistante. […]