En Ouganda, on brûle d’envie de les envoyer à l’échafaud. Au Malawi, gare à ceux qui osent se « marier ». Au Burundi, on les préfère au cachot. Au Zimbabwe, le président Mugabe a refusé, mardi, d’introduire leurs droits dans la nouvelle constitution, après les avoir traités de “porcs” et de “chiens”. Il ne fait décidément pas bon être homosexuel en Afrique. Dans 38 des 53 Etats que compte le continent, les gays sont considérés comme des criminels.
En Afrique du Sud, depuis 2006, la loi autorise les personnes du même sexe à se marier. Mais c’est une exception. Un îlot de tolérance [1] sur un continent où l’homosexualité, souvent sévèrement réprimée, est considérée comme un acte contre-nature, une abomination. Sur l’ensemble des 53 Etats d’Afrique, 38 criminalisent les relations entre personnes du même sexe, constate l’association de lutte contre le Sida, Aides. Les peines peuvent aller de six mois à 14 ans d’emprisonnement, selon les pays. Au Soudan, bien que la loi islamique (Charia) en vigueur prévoit de condamner à mort les personnes du même sexe ayant des relations intimes, il n’y a jamais eu d’exécution pour un acte homosexuel. L’Ong Ensemble contre la peine de mort n’en est pas pour autant rassurée. « Au Soudan, même s’il n’y a pas d’exécution, il est extrêmement grave que la charia soit appliquée car les autres pays où elle est en vigueur et qui exécutent les homos peuvent du jour au lendemain lui donner un prétexte pour condamner et exécuter. », estime son secrétaire général, Frédéric Moreau.
La stigmatisation des homosexuels en Afrique n’a pas que des conséquences juridiques. Elle constitue aussi un sérieux problème de santé publique, car elle empêche l’élaboration de programmes adaptées de prévention et de soin contre le Sida, déplorent de nombreuses associations de lutte contre le VIH. Des études ont pourtant fait état d’un fort taux de prévalence de la maladie chez les hommes pratiquant l’homosexualité par rapport à la population masculine globale. « Mais la stigmatisation dont ils font l’objet les coupe de l’accès aux programmes de prévention », souligne une étude réalisée par des chercheurs de l’Université d’Oxford sur les risques d’infection par le virus du sida chez la population masculine d’Afrique sub-saharienne, entre 1984 et 2004.
“Persécutions policières “
Selon l’Ong Sidaction, en Egypte, un homosexuel homme a 108 fois plus de risques d’être infecté qu’un homme hétérosexuel. Au Sénégal, les homosexuels présentent un taux de prévalence au VIH de plus de 21 %, contre moins de 1 % pour la population générale au Sénégal. La condamnation à Dakar le 6 janvier 2009 de neuf hommes engagés dans des actions de lutte contre le HIV à huit ans de prison, pour « actes indécents et contre nature » et « formation d’association de criminels », avait montré à quel point la répression des gays faisait du tort aux effort de prévention contre le Sida. « Ces accusations ont un effet dissuasif sur les programmes concernant le SIDA », avait estimé Scott Long, directeur du programme sur les droits des lesbiennes, gays, bi et transsexuels (LGBT) à Human Rights Watch. « Les travailleurs sociaux et les personnes à la recherche de prévention ou de traitement du HIV ne devraient pas avoir à s’inquiéter de persécutions policières », avait-il estimé, plaidant pour l’ « abrogation de la loi contre la sodomie ». Trois mois après leur condamnation, les neuf gays sénégalais avaient recouvré leur liberté, en raison d’irrégularités ayant entaché la procédure.
Quatorze ans de prison pour un mariage gay
Au Malawi, petit Etat d’Afrique Australe, un couple d’homosexuels « mariés » n’a pas eu cette chance. Arrêtés fin décembre 2009 pour avoir organisé une cérémonie symbolique de « mariage », Tiwonge Chimbalanga, 20 ans, et Steven Monjeza, 26 ans, encourent jusqu’à 14 ans de prison s’ils sont reconnus coupables d’ « attentat à la pudeur ». Le gouvernement du Malawi, dont 40% du budget provient des donateurs internationaux, a prévenu qu’il ne céderait pas aux pressions internationales pour les libérer. Le couple attend le verdict en prison.
Les homos à l’échafaud ?
Plus radical, l’Ouganda détient probablement la palme du pays le plus homophobe d’Afrique. En octobre dernier 2009, le parlement rédigeait une proposition de loi prévoyant la peine de mort pour certains actes homosexuels, mais aussi des peines de prison ferme pour ceux qui s’entêteraient à ne pas dénoncer des actes homosexuels. Deux mois plus tard, le gouvernement a finalement envisagé de faire marche-arrière face à une forte mobilisation internationale. Le ministre de l’ Éthique et de l’intégrité ougandais, James Nsaba Buturo, a en effet affirmé, le 10 décembre 2009, que son pays « abandonnera la peine de mort et l’emprisonnement à vie pour les gays dans une version redéfinie de [sa] loi ».
Union sacrée contre les homos au Zimbabwe
Entre l’inamovible président zimbabwéen Robert Mugabe et son premier ministre Morgan Tsvangirai, il y a de nombreux point de désaccords sur les questions relatives aux droits de l’homme. Pourtant les deux hommes ont parlé d’une même voix pour rejeter une initiative visant à introduire les droits des homosexuels dans la nouvelle constitution actuellement en préparation. « Je ne suis pas d’accord avec les droits pour les homosexuels. Pourquoi un homme devrait avoir une relation avec un autre homme quand les femmes représentent 52% de la population ? », a déclaré, jeudi 25 mars, le premier ministre. « C’est juste de la folie », a renchéri le président Mugabe qui avait auparavant dit qu’ils étaient « pires que des porcs et des chiens ».
Le Burundi fait de la résistance
L’expérience brundaise laisse tout de même entrevoir l’espoir d’un meilleur sort pour les gays africains. Les sénateurs de ce pays d’Afrique de l’Est ont rejeté, en février 2009, un projet de loi criminalisant les relations homosexuelles, voté quelques mois auparavant par l’Assemblée nationale de ce petit pays d’Afrique de l’Est. Human Rights Watch avait lancé des appels à ne pas entériner le texte au Sénat et au président Pierre Nkurunziza. Au Maghreb, où l’influence de l’islam est importante, les homosexuels, ne sont pas mieux lotis. Même s’ils ne font pas l’objet d’acharnement judiciaire comme dans certains pays d’Afrique subsaharienne. Depuis longtemps, aussi bien en Algérie qu’en Tunisie et au Maroc, les homosexuels peuvent être condamnés à des peines allant jusqu’à trois ans de détention. En Libye, ils encourent jusqu’à cinq ans en prison.
Par Djamel Belayachi
[1] Tolérance toute relative car au cours de la dernière décennie, une trentaine de lesbiennes auraient été tuées dans le pays
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