Par Gabriele Del Grande / Fortress Europe
Au moins 108 morts aux portes de l’Ue. Des victimes au Maroc (49), en Espagne (9), en Grèce (20), en Turquie (18) en Albanie (5), en Egypte (3), à Malte (2) et en France (2). Reportage depuis le bassin minier de Redeyef, en Tunisie
TUNIS – Des syndicalistes arrêtés et torturés. Des manifestants abattus par la police. Des journalistes en prison. Et une vaste censure pour empêcher l’élargissement des protestations et sauvegarder l’image internationale d’un pays qui en 2007 a accueilli 6,7 millions de touristes. Nous parlons de la Tunisie. Un pays qui est aussi connue pour son émigration. Depuis de nombreuses années, des milliers de Tunisiens traversent la Méditerranée se dirigeant vers les îles italiennes de Lampedusa et Pantelleria. Au cours de la première moitié de 2008, quelques 1.287 tunisiens sont arrivés sur les côtes italiennes. Ils cherchent une vie meilleure. Mais qu’est-ce qu’ils laissent derrière eux? Pour mieux comprendre ce qu’est devenue la Tunisie, nous avons visité l’une de ses régions les plus chaudes. Il s’agit du bassin minier de Gafsa, 400 km au sud-ouest de Tunis. Ici a commencé – il y a dix mois – le plus important mouvement social du pays des 20 dernières années. Un mouvement spontané et populaire qui continue de lutter malgré la dure répression.
La région des mines ressemble à un paysage lunaire. Mais, au-dessous des montagnes entre Moularès, Redeyef, Mdhilla et Metlaoui il y a un vrai trésor: 600 millions de tonnes de phosphate, propriété de la société publique Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG). En 2008, le prix d’une tonne de phosphate a doublé en raison de la croissante demande d’engrais en Chine et en Inde. La Tunisie est le cinquième producteur au monde de ce minerai et peut compter sur des réserves pour les 100 prochaines années. Pourtant, la région de Gafsa est l’une des plus pauvres du Pays. La modernisation technique de l’exploitation minière a réduit de 55% le nombre d’employés, qui aujourd’hui sont 5.000. Et cela a provoqué une grave crise économique dans les villes de mineurs, construites par les colons français au début du vingtième siècle pour héberger la main d’oeuvre. Aujourd’hui, le chômage touche environ 40% des jeunes. Des jeunes qui souvent n’ont pas d’autre choix que de brûler les frontières, comme on dit en arabe. Harrag. Vers la Libye et puis Lampedusa. Ce sont eux, les jeunes, qui ont commencé la protestation il y a dix mois.
C’était le 5 Janvier 2008, à Redeyef, une ville de 37.000 habitants. Le CPG avait publié les résultats d’un concours public pour le recrutement de 80 employés. Mais la liste a été jugée frauduleuse. Les jeunes chômeurs se sont rebellés et ont occupé le secrétariat du syndicat des mineurs (UGTT), considéré comme impliqué dans le scandale. Bientôt ils ont été rejoints par 11 veuves qui demandaient à la CPG de respecter les quotas alloués aux fils de décédés au travail. Les autres sections du syndicat ont rejoint les manifestants, pour ouvrir une négociation avec les autorités. Entre-temps, à Tunis, a été créé un comité national de soutien au peuple du bassin minier. Le 4 avril a eu lieu une journée de solidarité à Tunis, à laquelle ont participé des syndicalistes de Redeyef. Mais à leur retour, le matin du 7 avril, ils ont été arrêtés avec des dizaines de militants. Parmi eux, il y avait aussi Adnan Hajji, le secrétaire du syndicat des enseignants de Redeyef.
Le même jour, les enseignants de la ville ont suspendu leurs classes et lancé une grève générale qui a duré trois jours. Le 9 avril une trentaine de femmes sont descendues dans la rue pour demander la remise en liberté de leurs maris. La ville les a suivies et des centaines de personnes ont marché jusqu’à la préfecture. Le lendemain, les syndicalistes ont été libérés. À leur retour dans la ville, une foule de 20.000 personnes les attendait dans la rue, prêt à acclamer leur nouveau leader, Adnan Hajji.
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Des renforts sont envoyés depuis Tunis. La police contrôle tous les accès à Redeyef. Des agents en civil surveillent les principaux acteurs de la protestation. Le 6 Juin la police ouvre le feu sur une manifestation. Un gars, Hafnaoui Maghzaoui, est tué par balle. Et 27 personnes sont blessées. L’un d’eux, Abdelkhaleq Aamidi, meurt après trois mois d’hôpital, le 14 Septembre. En quelques semaines, presque deux cent personnes sont arrêtées. Des syndicalistes comme des gens ordinaires. La nuit du 21 au 22 Juin, le leader de la protestation, Adnan Hajji, est arrêté à nouveau.

Le mouvement est décapité. Mais aucune femme n’a été arrêtée. Et ce sont les femmes, les épouses des syndicalistes et des militants emprisonnés, qui reviennent manifester dans la rue, le 27 Juillet, exigeant la libération des prisonniers. Avec elles, il y a aussi Zakiya Dhifaoui. Née en 1966, elle est journaliste et enseignante. Elle est venue depuis Kairouan pour écrire un reportage dans le journal de l’opposition Muatinun. Son article ne sera jamais publié. Le même jour Dhifaoui est arrêtée. Son arrestation est un message pour tous les journalistes tunisiens: ne pas venir à Redeyef et ne pas écrire sur le sujet. C’est l’autre versant de la répression: la censure de toute information sensible. Dhifaoui a été condamnée à quatre mois et demi de prison. Mais elle n’est pas la seule journaliste poursuivie. En fait, c’est la liberté d’expression elle-même qui est attaquée.
Les sites internet Dailymotion et Youtube, où ont été mises en ligne les vidéos des manifestations de Redeyef et des violences policières, sont bloqués depuis novembre 2007. Massoud Romdhani, porte-parole du mouvement national de soutien, est agressé par des agents en civil à Tunis. Amor Gondher, journaliste du journal d’opposition Tareq El Jedid, est tabassé par deux policiers le soir du 26 Juin à Nefta. Boulqaddous Fahim, journaliste de la télévision El Hiwar – qui a publié la vidéo de Redeyef sur la chaîne satellitaire italienne Arcoiris – a disparu depuis le 5 Juillet, pour échapper à son mandat d’arrêt. Le réalisateur des vidéos, Mahmoud Raddadi, avait été arrêté le 21 Juin. Raddadi et Boulqaddous seront bientôt jugés avec 38 autres manifestants, dont 14 syndicalistes. Ils sont accusés d’avoir formé une bande de malfaiteurs. Le procès débutera fin Novembre, au Tribunal de Gafsa.
Il s’agit sans doute d’un des plus grands procès politiques sous la présidence de Ben Ali. Une présidence qui dure sans interruption depuis 1987. En Novembre 2009, il y aura les élections présidentielles. Mais les morts de Redeyef ne seront pas suffisants pour toucher le pouvoir clientéliste du Parti constitutionnel démocratique (RDC). Ni pour relancer l’opposition après des années de répression de la liberté d’expression. Les avocats de la défense le savent bien, le jugement est déjà écrit. Mais dans l’histoire il y a un cumul… dit l’un d’eux. En fait, le poète tunisien Abu al Qasim Chebbi, l’écrivait il y a un siècle: « Lorsqu’un jour le peuple veut vivre, force est pour le destin, de répondre, force est pour les ténèbres de se dissiper, force est pour les chaînes de se briser».
PLUS D’INFOS
- VIDEO DE REDEYEF SUR YOU TUBE
- VIDEO DE REDEYEF SUR DAILY MOTION
- TUNISIE: RAPPORT AMNESTY INTERNATIONAL 2007
- TUNISIE: RAPPORT REPORTERS SANS FRONTIÈRES 2008
- Révolte du « peuple des mines » en Tunisie, Le Monde Diplomatique
- Tunisia, il golpe italiano: “Sì, scegliemmo Ben Alì”, Repubblica
NOTES
Economie
Phosphate
Tourisme
Emigration
I do believe that Ben Alee has a green card from abroad to do whatever he wants as long as he metamorphoses Tunisia into a brand which goes with the west s aspirations.As long as Tunisia makes steps towards westernisation and advocates the wemens freedom plus prevents islamists from being in power,a deaf ear and a blind eye will be turned.However,the western implication doesn t distance the tunisian people from responsibility.It s up to the people to implement the Belguecem Chebbi s statement *Once the people has actually a will,the fate systematically is to reward*.Furthermore,democracy and freedom of speech have always been key stones in the western character.But,the supported *regime ami*doesn t share this common point.In a word,it s almost sure that Ben Alee will be in power in the aftermath of november 2009 elections.Therefore,it s up to tunisians not to rely on anybody to look more western -if they want to be- since the west advocates and hails individualism and not depending on others even though it sounds very idealistic.Just a breath of optimism for tunisians,it s getting more and more obvious that Ben Alee s end will look very similar to Bourguiba s one..And may be in a more caricaturic way even thou he never misses an occasion to surround himself with Hbib 3ammar s fellows who can do the same to him as they did to Bourguiba when they took control of the Carthage castle in the 6-7.11.87 night..