Depuis vingt jours, deux dirigeants du PDP ont entamé une grève de la faim pour revendiquer le droit à la liberté d’organisation en Tunisie, droit bafoué pour le PDP comme pour tout parti ou structure indépendante du pouvoir.
Comme lors de chaque grève de la faim, surgissent espoirs et initiatives de soutien : messages, pétitions, manifestations, rassemblements, délégations, mise sur pied de comités de soutien, tant au niveau national qu’international, affluent et témoignent de l’aspiration de tout un peuple asphyxié à la démocratie, et nombre de militants qui ont voulu s’exprimer en ce sens ont été réprimés avant même de pouvoir apporter leur soutien aux grévistes.

Au terme de vingt jours de grève de la faim, se posent pour toutes celles et ceux qui veulent en finir avec la dictature les questions de la poursuite et de la construction du mouvement. La grève de la faim prendra fin, tôt ou tard. Forts de l’expèrience de la grève de la faim du 18 octobre, nous savons qu’une grève de la faim, même médiatisée et ayant déclenché une empathie planétaire, peut prendre fin sans pour autant avoir créé de nouvelles conditions de lutte, et que les structures qui la « soutiennent » s’effondrent sitôt finie la grève, comme un château de cartes.

La grève de la faim de Néjib Chebbi et Maya Jribi n’est sans doute pas aussi médiatisée que celle du 18 octobre, mais l’essentiel n’est pas là : elle survient dans un contexte différent, porteur de potentialités politiques qui pourraient s’avérer prometteuses, à condition que nous nous y mettions.

La remontée des luttes sociales, l’effervescence à l’université, la combativité de secteurs syndicaux, la colère des chômeurs diplômés, l’audace des familles de prisonniers en est concomittante.

Déjà on a vu des délégations de syndicalistes enseignants au local des grévistes. Il ne s’agit certes que d’un début, que d’une jonction embryonnaire entre des combats qui se sont largement ignorés pendant des décennies.

Aujourd’hui, l’heure est pour toutes celles et ceux qui soutiennent ce mouvement, à passer à l’étape suivante, celle de la construction d’un mouvement démocratique capable d’en découdre durablement avec la tyrannie, bref d’un mouvement qui survive à la grève de la faim.

Dans l’immédiat, il y a urgence à envisager la poursuite du mouvement sous d’autres formes, à envisager la relève de la grève de la faim, par des actions de relais pouvant se poursuivre jusqu’aux dates symboliques, et politiques, des 18/10 et 07/11, à exhorter tous les secteurs de la société en lutte pour des revendications sectorielles à se joindre au mouvement.

Une grève de la faim ne mettra pas fin à la dictature,
Une manifestation ne mettra pas fin à la dictature
Une grève ne mettra pas fin à la dictature
Seul un puissant mouvement d’ensemble permettra de l’envisager.

Luiza Toscane, Mohamed Amami