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Les barbouzes de Bush à travers le monde

Enlevé en plein centre ville à Milan (Italie) le 17 février 2003 à 12heures 30, Hassan Mustafa Osama Nasr, dit aussi Abou Omar, citoyen égyptien, avait disparu après des longs mois de tortures. Aux dernières nouvelles on apprend que la victime se trouve toujours entre les mains des bourreaux de Hosni Moubarak à la prison Al Tora.

«  L’enlèvement et la certitude d’être l’œuvre des services d’espionnage américain, CIA, étaient déjà connus dès le premier moment par la communauté des musulmans résidants dans cette ville italienne, par des politiciens du centre-gauche du pays ainsi que par des différentes organisations des Droits de l’Homme, qui ont tous alerté les autorités italiennes des faits. Toutes les péripéties y inclus le transfert de la victime vers le Caire étaient reconstruites sans gros problème grâce aux téléphones portables enregistrés au nom du consulat américain à Milan et qui ont été utilisé par le groupe ayant exécuté l’enlèvement. Ainsi tous les mouvements de ces agents ont pu être détectés et reconstruits dans tous les détails.

Néanmoins, l’ordre d’arrestation lancé par les autorités judiciaires italiennes a dû attendre le temps que la Juge d’instruction Chiara Nobili ait pu obtenir l’identification complète de tous les impliqués dans l’affaire. Pour l’instant seul le nom du chef du groupe a été révélé : Il s’agit de Robert Seldom Lady, né à Guatemala en 1954. Impliqué dans ce qu’on appelle – par euphémisme – la sale guerre d’Amérique Centrale à l’époque de Reagan, il a exercé en tant que consul des Etats-Unis à Milan de septembre 2000 jusqu’à la fin de 2004. Se trouvant en ce moment en résidence inconnue. [Dans cet ordre des choses, on peut considérer pratiquement sans risque d’erreur que le corps diplomatique américain, fait toujours son baptême de feu dans les sales guerres que mènent les Etats-Unis dans les quatre coins de la planète et les détenteurs des postes dans les pays de destination se trouvent souvent être des fils, ou leurs descendants, de ces mêmes pays mais sont passés aux services de « l’empire » aux dépens – à moins que les intérêts de l’un et des autres soient les mêmes, ce qui ne peut être le cas – de leurs pays et société d’origine. Négroponti devenu aujourd’hui le chef de tous les Services Secrets américains était à la même époque que Seldom aux Honduras et son rôle dans les différentes sales guerres en Amérique du Sud était plus que notoire. Surtout la guerre contre le Nicaragua. Il sera le représentant de Bush auprès de l’ONU pour préparer l’invasion de l’Irak avant de passer brièvement par la « Zone Verte » de Bagdad en tant que Ambassadeur. Il sera remplacé à ce poste par Zalmay Khalil Zad, un autre lugubre personnage d’origine afghane. Dans « son propre pays » de naissance, il sera nommé par Bush comme Ambassadeur avant d’aller à Bagdad. Aux dernières il paraît qu’il est souffrant a été transporté de Bagdad vers Washington pour recevoir des soins. Hamid Karzai est nommé carrément président de l’Afghanistan en tant qu’américain d’abord bien sûr. Un autre, mais sans intérêt particulier si ce n’est son origine italienne et qui vient d’être nommé justement à Rome. Il s’appelle Ronald Spogli. Le tout récemment nommé ambassadeur aussi à Madrid, s’appelle Eduardo Aguirre. Né à Cuba en 1947. Il quitte son pays juste au moment du triomphe de la révolution cubaine pour aller s’installer aux Etats-Unis et se faire naturaliser. Il deviendra banquier avant d’entrer dans l’administration américaine. On dit qu’il est un ami personnel de Bush. Les exemples du genre sont innombrables. Ce ne sont là que quelques exemples qu’imposent l’actualité et la région qui nous concerne dans cette analyse des faits. Tous ces personnages sont formés dans les mêmes moules américaines avec le seul objectif de servir avant tout les intérêts matériels des entreprises américaines aux dépens des peuples et des sociétés dont ils sont originaires. Enfin des mercenaires convaincus avant d’être des diplomates.]

Dans le groupe composé d’un total de 13 agents de la CIA on y compte aussi trois femmes. Le 17 février 2003 à 12 heures 30, une dame qui passait par les lieux avait pu observer comment, dans la mêlée, la victime était neutralisée et introduite dans une fourgonnette blanche sans vitre, tout en se débattant et en criant au secours. Deux des barbouzes américains étaient déguisés avec des uniformes de police italienne. La juge italienne n’a pas – selon le journal El Corriere de la Serra rapporté par El Pais du 25 juin – confirmé si les services secrets italiens étaient ou non informés d’avance par la CIA. Entre temps le gouvernement du Caballero Sylvio Berlusconi, l’autre allié de Bush, se maintient au silence total. Hassan Mustapha Nasr, Abou Omar, sera embarqué dans la fourgonnette et un des agents fait un appel téléphonique à travers son portable au consul Seldom. A 18 heures 20 du même jour, les 17 portables qu’utilisaient les membres du groupe se trouvaient sur la base aérienne américaine à Aviano en Italie, de laquelle ils s’embarqueront sur un Jet privé sous un numéro de code Spar 92 – qui signifie à bord se trouve une personne non identifiable – et voleront vers l’autre base américaine en Allemagne. Là ils changeront d’avion. Un Golf Stream appartenant à l’équipe de base-ball Red Sox, de Boston (Le propriétaire des Red Sox reconnaît avoir loué l’avion à la CIA.) qui transportera tout le groupe avec leur « proie » de l’Allemagne vers le Caire. Le ministre de l’intérieur égyptien, Habib Adly propose d’abord à la victime effrayée de devenir un indicateur, chose que Abou Omar refuse et ainsi il sera conduit à la prison d’Al Tora.

Quelques jours plus tard, la police italienne avait aussi repéré que le portable du propre consul Seldom Lady se trouvait au Caire et que le consul en personne était présent durant les premiers interrogatoires. Les membres du groupe qui avaient séjourné durant les préparatifs de l’enlèvement dans les hôtels les plus luxueux de Milan (La facture totale s’était élevée à 120.000 Euros, sans compter les repas.) avaient par la suite, le 19 février 2003 exactement de retour en Italie, célébré leur succès par une grande fête dans l’hôtel Westin Europe de Venise. Par la suite deux couples se séparèrent du groupe pour aller passer quelques jours de loisirs dans deux différents hôtels en bord de mer. Par contre de la victime on ne saura plus rien d’elle jusqu’au 20 avril 2004 où Abou Omar, appellera par téléphone sa femme restée encore à Milan. Il lui raconta qu’il revenait de la mort. En effet six mois durant lesquels il sera battu tous les jours et soumis à des tortures effroyables avec, entre autres, des électrochocs aux endroits sensibles comme les organes génitaux, des changements brusques de température de l’extrême froid à l’extrême chaud, de la vacarme musicale diffusée à une puissance insupportable crevant le tympan…Enfin les mêmes procédures appliquées à Abou Ghraib ou à Guantanamo. Rien de surprenant, tous les bourreaux des différents régimes assassins dans les pays arabes sont formés dans les mêmes écoles américaines et continuent à recevoir les manuels sur les avancements « scientifiques » dans le domaine. Ils s’en servent tout en ajoutant aux recettes américaines les ingrédients propres à chacun de ces régimes qui sont souvent des scènes de tortures morales et physiques qui échappent aux calculs « scientifiques » américains. Avant d’être relâché la police égyptienne lui aurait imposé de garder le silence total sur tout son calvaire et les terribles détails des ses souffrances et qu’enfin de compte on lui conseilla de maintenir la version, à savoir, qu’il serait retourné en Egypte de sa propre volonté par avion de ligne régulière en payant son propre billet ! Le ministre de l’intérieur égyptien et ses homologues arabes partent toujours du principe du crime parfait, que la victime n’a personne pour la défendre et que leurs forfaits ne seront jamais découverts, puisque la vérité est aussi considérée la propriété privée du régime tout autant que le pays et le peuple  ». Le 13 mai 2004, n’ayant pas – comme on le sait – respecté la consigne, la police l’arrêta de nouveau. Il retournera à la même sinistre prison où – selon El Pais du 28 juin 2005 – il s’y trouve toujours. Le ministère public de Milan a lancé la semaine dernière, à travers Europol et Eurojust, les ordres d’arrestations appropriés contre les 13 barbouzes américains. De son côté la Commission Parlementaire des services secrets italiens convoquera dans les prochains jours différents membres du gouvernement pour vérifier si l’administration italienne aurait collaboré d’une façon ou d’une autre avec le groupe d’agents de la CIA.

Berlusconi à travers son ministre des Relations Parlementaires – un ministre en quelque sorte fait pour des circonstances pareilles – prétend que jamais la CIA n’avait informé le gouvernement italien de ses intentions (voir El Pais du 1 juillet 2005) mais le quotidien américain, The Washington Post dans son édition du 30 juin 2005 affirme – citant différentes sources de la CIA – que les autorités italiennes étaient au courant d’opérations similaires exécutées dans d’autres régions du monde depuis le 11-S. Ce qui signifie que quelqu’un à Rome était bien informé d’avance de l’opération. De son côté, quelques jours avant, le New York Times écrivait que toute l’opération était convenue entre les deux parties, italienne et américaine, et en même temps, on aurait aussi convenu de démentir au cas où l’enlèvement était découvert. El Pais dans le même article de la même date citée plus haut : «  Une source proche du gouvernement italien, a exprimé auprès du journal, son scepticisme quant à la possibilité que les Etats-Unis aient abusé d’une manière aussi grave de l’un de ses meilleurs alliés  ». Dans cette affaire comme dans d’autres réalisées, même dans des pays encore insoupçonnables, ou du moins ainsi les a-t-on considérés, comme la Suède où avaient été enlevés, le 18 décembre 2001, deux autres citoyens égyptiens Ahmed Agiza et Mohammed El Zari, ou en Allemagne où avait été enlevé le citoyen libanais Khaled El Masri, un revendeur de voitures d’occasion, on se trouve non pas seulement des règlements de compte du style du Far West américain au niveau mondial, mais aussi devant un suspect silence de la part de toutes ces démocraties occidentales. Ce qui équivaut à une complicité évidente.

Le rôle de toujours des services secrets de la France.

Le rôle de la France dans la guerre de Bush – presque éclipsé par le tintamarre soulevé après le discours de Villepin à l’ONU à la veille de l’invasion de l’Irak – gardé à l’ombre jusque là, commence à émerger dans toutes ses hideuses dimensions croisées, coloniales et post-coloniales que tout le monde arabe et musulman connaît bien. L’article à ce sujet publié par El Pais du 04/07/2005 en est assez révélateur. Sous le titre La France a créé un centre secret contre le terrorisme à Paris, il est écrit : « Le jour où Christian Ganczarski, un allemand converti à l’Islam, prenait le vol d’Air France à Riad le 3 juin 2003, savait seulement que le gouvernement saoudien qui l’avait maintenu en résidence surveillée – pour visa périmé – lui avait finalement procuré ainsi qu’à sa famille les billets nécessaires sur ce vol pour regagner l’Allemagne via Paris. Il ne pouvait avoir la moindre idée qu’il était surveillé par un agent secret [français] assis dans le siège juste derrière lui, ni qu’un agent de la CIA était présent quand la police française [à Paris] l’avait séparé de sa famille et arrêté pour être soupçonné d’appartenir à une association de terroristes. Ganczarski figure – selon les fonctionnaires français de la DGS, les services secrets français et les fonctionnaires américains de la même branche – parmi les plus importants militants encore en vie d’Al Quaida.

L’opération Alliance Base, AB, qui va l’emmener en France avait été conçue dans le plus grand secret à Paris par des agents de la CIA et les services d’intelligence français. AB a comme mission d’analyser les mouvements transfrontaliers de supposés terroristes et mettre sur place des opérations soit pour les espionner soit pour les arrêter. Ses missions actuelles suivent la même règle : Elles se réalisent à travers des alliances secrètes avec les services secrets d’autres pays. [Personne ne doute que les services secrets français en Afrique du Nord par exemple jouissent de grandes faveurs de la part des services criminels de tous les tyrans en place et que leur présence sur le terrain, en ligne continue dans le temps, depuis la profondeur de l’histoire précoloniale, coloniale et post-coloniale jusqu’à nos jours, loin de souffrir le moindre contre temps, ils se sont, au contraire, largement raffermis. Quand les deux journalistes français, Alain Chesnaux et Paul Brunet avaient été libérés en Irak après leur enlèvement, le président Chirac, a en tout premier lieu et même en dernier, remercier les agents de la DGS c’est-à-dire les services secrets français. Comment ces agents étaient-ils sur le terrain à Bagdad, depuis quand et comment ?- Les services secrets français se trouvent aussi dans une grande partie de l’Afrique, dite francophone, comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Niger, en Mauritanie etc. La politique occidentale en général et française en particulier en Afrique et ailleurs est toujours la même avec les mêmes objectifs. Il n’y a rien d’étonnant que la moitié de la misère du monde soit le lot de l’Afrique]. Il ne s’agit pas d’un travail qui nécessite l’intervention de nombreuses forces armées, ni même des équipes de forces spéciales, sinon une poignée d’agents américains en collaboration avec les agents des pays hôtes.
Ces activités d’espionnage communes ont permis – selon des experts en matière de terrorisme – l’identification, la persécution, la capture ou la mort d’un nombre important de Jihadistes découverts hors d’Irak ou d’Afghanistan depuis le 11 septembre 200
.[Dans l’article, il est question de captures et de morts. Aucun détail de plus. On arrête, on tue et on ne de compte à rendre à personne. Joli monde et admirables démocraties occidentales !]
John E. McLaughlin, ex directeur de la CIA en retraite après avoir servi durant 32 ans de carrière, décrit les relations entre l’agence américaine et ses homologues français comme les meilleures du monde ; Leurs contributions sont inestimables. Dit-il.
La AB, dirigée par un général français, serait l’équivalent de la CIA en France.
[Elle serait mieux l’équivalent d’Al Quaida, mais à l’envers. On ne pense pas que l’intelligence française ait choisi ce nom par pur hasard]. Elle a été créée par six experts américains et d’autres spécialistes de différents pays. La Base, (AB et non Al Quaida) du fait qu’elle soit multinationale, est unique au monde. Disposant d’agents – entre autres – anglais, français, allemands, canadiens, australiens et bien entendu, américains, la AB, elle ne s’occupe pas d’analyser ou d’échanger les informations, mais de planifier et d’exécuter des opérations. L’opération qui a conduit à l’arrestation de Ganczarski ne serait qu’un parmi, au moins, les douze importants cas sur lesquels a travaillé l’AB ces dernières années. Les services secrets de divers pays s’étaient au début opposés à ce genre d’opérations multilatérales, mais le centre anti-terroriste de la CIA voulait absolument avoir le contrôle sur toutes les opérations. L’espionnage anglais ne voulait pas non plus se trouver dissous au milieu des forces de Washington, l’Allemagne ne voulait pas se voir impliquer dans ces opérations et enfin aucun pays ne voulait apparaître subordonné aux ordres de la CIA dont les méthodes sont critiquées en Europe. Néanmoins et pour conclure, les résultats de la AB sont considérés bien positifs.  »

Il n’est point besoin ici de parler du rôle abject du dictateur du Pakistan Perwez Moucharraf, ou de celui de tous les autres satrapes arabes et musulmans qui se conduisent en authentiques sous-traitants de la torture et des interrogatoires effroyables. Tous ces dictateurs exercent leurs forfaits au vu et au su du monde entier et en toute impunité bien sûr.

La carte joker de Bush et son irrémédiable enlisement.

Le dernier discours de Bush, en date du mardi 28/06/2005, a fait l’objet de commentaires les plus divers à travers le monde. Toutes les analyses, coïncident, au moins, sur une conclusion : celle de l’enlisement des troupes américaines en Irak. L’Irak que Bush considère à présent le front principal de sa Guerre contre le Terrorisme. David Brooks le correspondant du quotidien mexicain La Jornada écrit : «  Embourbé dans les sables de l’Irak et confronté à une opinion publique de plus en plus hostile à sa politique belliqueuse, le président George W. Bush, s’est trouvé dans la nuit de mardi passé, acculé contre les cordes sur la défensive et avec l’unique choix qui lui reste : gagner du temps… Le plus important à retenir de tout son discours reste son consentement à reconnaître que sa politique belliqueuse au Moyen Orient passe bel en bien par des moments pénibles. Et c’est pour cette raison, qu’on a assisté à une intense campagne de propagande à laquelle ont participé durant toute la semaine les principaux personnages politiques et militaires impliqués dans la guerre. Une campagne qui s’est achevée par ce discours du propre Bush. Une fois de plus il a tenté d’utiliser dans ce jeu son joker : Les attaques du 11-S à New York et Washington. Même si tout le monde le sait qu’entre le 11-S et l’Irak il n’y a aucune relation, ça ne l’a pas empêché de souligner au moins six fois cette date et ainsi Bush a essayé de nouveau de semer la confusion dans les esprits en associant sa guerre personnelle avec les responsables de la plus grave attaque étrangère en territoire américain. Au fait il est allé – dans le cadre de la guerre en Irak – jusqu’à faire mention du nom d’Osama Ben Laden afin de laisser les choses bien claires ! ».

Sur ce point précis voici ce qu’a écrit l’américaine Molly Ivins, une activiste au sein d’une organisation des Droits de l’Homme de la ville d’Austin au Texas dans le même journal mexicain, La Jornada, du 1er juillet dernier : « En termes clairs, je vous dis pourquoi je me suis opposé à votre invasion de l’Irak : Parce que j’étais convaincue de son inutilité pour mon pays, notre pays. Je me suis opposée par patriotisme, et pour la même raison je continue à m’y opposer : Elle est mauvaise pour nous. Elle a fait plus que mal aux Etats-Unis. Je crois que nous nous avons fait plus de terroristes que ceux auxquels nous nous sommes confrontés au début et finalement le renom des Etats-Unis a été souillé aux yeux du monde entier. Nous avons fini par isoler notre pays et nous avons causé plus de morts dans la population irakienne que Saddam Hussein durant tout son régime…Il me paraissait beaucoup plus utile d’aller arrêter Osama Ben Laden que d’envahir l’Irak, un pays, je vous le dis encore une fois, qui n’a rien à voir avec le 11-S. Il est clair aujourd’hui, que ce gouvernement a utilisé le 11-S comme prétexte pour envahir l’Irak, chose qu’il voulait absolument mener à son terme, mais pour d’autres raisons  ». Dans le cadre du discours de Bush toujours et à propos de Ben Laden, le journaliste Robert Fisk écrit dans La Jornada du 02/07/05 : «  Il bien est curieux que pour les scénaristes de la Maison Blanche [Ceux qui écrivent les discours du président et particulièrement cet infâme personnage dit Karl Rove que Molly qualifie de franc tireur de George W. Bush] les mots Osama Ben Laden soient si peu utilisés. A chaque fois que Ben Laden parle, il n’y a personne qui se donne la peine de lire et comprendre son discours. Par contre ce qui semble amuser tout le monde se sont les pronostics tels que : Est-ce que c’est lui ? Est-ce que c’est bien sa voix ? Est-ce qu’il est encore vivant ? Mais jamais qu’est-ce qu’il a dit ?

La gravité dans cette attitude est réelle. Permettez-moi de le démontrer. Le 13 février 2003, la plus récente cassette vidéo de Ben Laden diffusée par la chaîne satellitaire arabe Al Jazeera. C’était souvenons-nous bien cinq semaines avant l’invasion anglo-américaine de l’Irak. Dans ce message Ben Laden affirme : Il est hors de doute que cette croisade soit dirigée contre la Ouma de l’Islam. Indépendamment de que si le parti socialiste [du Bath] survive ou non, mettons aussi de côté notre croyance et notre jugement sur le caractère laïc des socialistes, dans les circonstances actuelles les intérêts de tous les musulmans et des socialistes coïncident dans la lutte commune contre les croisés.

Eh bien le résultat est là. Ben Laden qui avait peu de sympathie pour Saddam – il me l’a dit en personne –lance un appel sans équivoque à ses partisans leur enjoignant de lutter du côté des forces irakiennes, y inclus les socialistes du parti Bath de Saddam. En ce moment même où la future guérilla irakienne va s’allier avec les futurs attaquants kamikazes et c’était pourtant ce message qui va donner origine à la détonation qui ne va plus faire de distinction entre les occidentaux en Irak. Nous ne nous sommes même pas rendus compte. Néanmoins les experts américains – entre temps – bavardaient sur le sort de Ben Laden, s’il était mort ou vivant, mais pas sur ce qu’il a dit. Bush [En évoquant le nom de Ben Laden dans son discours] s’est à présent rendu compte, mais il est trop tard  ».

La Résistance et le vacillement de Bush.

De son côté Abdel Bari Attawan, dans son éditorial paru dans le quotidien édité à Londres El Quods El Arabi, analysant longuement le même discours de Bush a lui aussi, entre autres, consacré un long paragraphe à Ben Laden, il a écrit : «  Le président Bush a parlé des réalisations américaines en Irak et a insisté sur la réhabilitation du pays parlant de constructions d’écoles et d’hôpitaux, comme si l’Irak n’était qu’un désert stérile, ou comme si son peuple vivait sur les branches des arbres comme des singes ou dans les grottes de Tora Bora… La plus grande réalisation dont parle le président Bush se résume en la mort, durant les deux dernières années d’au moins cent milles des fils de l’Irak, en l’installation d’un gouvernement fantoche sans capacité aucune et finalement en la transformation du pays en un sanctuaire idéal pour tous les extrémistes de tout bord et de toutes les couleurs. Enfin un pays où il n’y a plus rien, ni sécurité, ni eau ni créativité ! La rhétorique – selon les responsables de l’administration américaine – qui veut dire qu’il vaut mieux combattre les terroristes dans leur propre pays, mieux que de faire sur le territoire américain, est une rhétorique totalement stupide. Ceux qui se font tuer quotidiennement ce sont bien des américains dont leur nombre de morts s’approche de celui du Centre Commercial de New York. La guerre américaine contre Al Quaida en Afghanistan a bien détruit plus de 80% de son potentiel militaire et son infrastructure, mais la sotte et en même temps terroriste idée d’aller envahir l’Irak, sans raison morale ni raison internationale légale, a fini par offrir un cadeau exceptionnel à Al Quaida. Il lui a donné le refuge sûr dont l’organisation a toujours rêvé et au plein cœur de son environnement arabe. Ce qui va lui permettre de se confronter face à face aux américains, sans le moindre effort à gaspiller en cherchant un visa d’entrer, ni l’utilisation de faux passeports, ni l’utilisation des moyens les plus compliqués pour surmonter les procédures intenses de sécurité dans les aéroports. En même temps le président Bush s’est aliéné tout le monde musulman. Dans ce monde, à présent hostile à l’Amérique, le citoyen qui s’est senti humilié, méprisé ne cherche plus qu’à se venger. Ce qui constitue effectivement pour Al Quaida un énorme succès. Et c’est bien ce qui explique le fait de ces vagues incessantes de volontaires au martyr qui convergent vers l’Irak venant des pays riches du Golf et surtout du pays, l’allié le plus incontestable de Washington, La Saoudia pour justement en découdre avec les américains, leur causer à eux et à leurs matériels de guerre le maximum de dégâts et enfin rétablir la dignité des musulmans. L’invasion de l’Irak constitue le coup fatal à la stabilité et aux intérêts américains dans la région. Et de la même manière que les afghans arabes qui sont revenus [Après le départ des russes de l’Afghanistan] pour continuer la lutte en déstabilisant tous ces tyrans pourris en Egypte, en Algérie, et en Arabie, ces combattants, une fois de retour victorieux de l’Irak, vont lutter encore beaucoup plus dur dans ces mêmes pays et dans d’autres. Ils seront mieux armés. Ils auront acquis beaucoup plus d’expériences et ils seront soutenus et appuyés par leur environnement général. Si jamais il y a eu débat dans le passé concernant l’Afghanistan entre ceux qui approuvaient et ceux qui étaient hostiles, il y a unanimité sur la légalité d’aller combattre en Irak contre les forces américaines en tant que forces d’invasion et d’occupation qui sont venues pour humilier les arabes et les musulmans tout en appuyant une autre occupation en Palestine. Le président Bush, le vice président Cheney ainsi que le chef du Pentagone Donald Rumsfeld avaient considéré les membres du parti Baath comme des simples terroristes qu’il fallait déraciner et affamer. Ils avaient souscrit ¿la théorie du docteur Ahmed Chalabi, l’homme à la vision perspicace quant au futur de nouvel Irak ? Eh bien les voici en train de chercher comment dialoguer justement avec ces mêmes baathistes. Ils ont sollicité les bons offices des cheikhs des tribus afin d’ouvrir des pourparlers avec la résistance, dans le but de s’assurer une issue qui leur permettra une sortie honorable du guêpier sanglant.

On ne sera nullement surpris de voir leur désespoir les pousser à ouvrir un dialogue avec Abou Massaab El Zarquaoui le délégué du Cheikh Ousama Ben Laden en Irak. Au fond l’Angleterre n’avait-elle pas établi des pourparlers avec les terroristes irlandais, ou les israéliens avec les terroristes palestiniens, ou les américains eux-mêmes avec les terroristes vietnamiens, ou la France avec les terroristes algériens, ou les soudanais avec les terroristes du Sud ? – Par contre si, que nous sommes surpris de voir les américains reconnaître l’existence de ces tentatives d’ouvrir un dialogue avec des proches de la Résistance, mais l’objet de notre étonnement ne réside pas dans le fait même du dialogue qui est inéluctable, mais bien dans la rapidité avec laquelle les américains s’y ont déjà engagés et le peu de souffle qu’ils ont démontré, seulement deux ans seulement après l’invasion et l’occupation, un an après le fameux transfert de souveraineté et six mois seulement après ce qu’on appelle les élections.

Effectivement c’est la Résistance, cette parole magique, la clef de toute l’opération du changement dans les positions et dans les politiques non seulement en Irak, mais dans le monde arabe et musulman dans tout son ensemble. Lesjoursqui suivent en seront la preuve ».

David Brooks dans le même article cité plus haut écrit à propos toujours du discours : «  Le contenu n’a présenté aucune nouveauté. Ça n’a été qu’une longue réitération des mêmes arguments pour chercher à justifier la guerre et sa violente politique. Au fond, le message principal voulait transmettre la sensation qu’il n’y aura pas de changement, qu’il n’y aura pas d’envoi de nouvelles troupes comme non plus de retrait de celles existantes sur le terrain. Tout se maintient tel qu’il est.

Pourtant tout a changé. Peu de temps avant la guerre le vice président Dick Cheney disait que ça pourrait durer six jours, ou six semaines mais il est très peu probable que ça arrive à six mois !

Vingt cinq mois plus tard, avec mille sept cents trente américains morts en Irak, selon le chiffre officiel, en plus plusieurs milliers de blessés, les sondages d’opinion ressortent que la majorité des américains n’appuient plus cette guerre, qu’elle ne soit plus sûr que ça a valu le coup et ne croient plus que les dirigeants des Etats-Unis soient en train de la gagner. Le président lui-même a reconnu que ?les américains se demandent si ça vaut la peine ? Et évitant de faire allusion aux sondages qui démontrent que la majorité qui se prononce en ce moment pour le non, répondait par l’affirmative quand elle avait considéré que l’ennemi né du 11-S constituait bien un front supplémentaire dans l’historique combat américain pour la liberté.

Nous avons beaucoup de travail à faire devant nous. Il y aura des moments rudes qui mettront à épreuve la volonté des Etats-Unis. Nous nous confrontons à des ennemis avec une haine aveugle, armés avec des armes meurtrières et capables de n’importe quelle atrocité. Ils ne sont pas vêtus d’uniforme, ils ne respectent aucune convention de guerre ou de moralité…Ils sont en train d’essayer d’ébranler notre volonté en Irak de la même manière qu’ils l’ont déjà tenté le 11-S. Ils échoueront. Les terroristes ne comprennent pas la nature des Etats-Unis. Le peuple américain ne vacillera hésitera pas devant la menace. Nous ne pouvons jamais permettre que notre futur soit déterminé par les assassins et les voitures piégées ?  » Ainsi comme rapporté dans le l’article parlait le mardi soir 28/07/2005 le président des Etats-Unis George W. Bush, celui là même qui un jour, quelques mois seulement après l’invasion, du haut du porte-avions disait sa célèbre phrase :« mission accomplie ». Qu’il décrive l’ennemi comme étant d’une haine aveugle, à la rigueur ça passe, mais qu’il se mette à parler d’armements chez le même ennemi, on n’a plus affaire au commandant en chef de la plus puissante armée de l’histoire, mais on dirait bien qu’on se trouve effectivement devant le chef d’une résistance encerclée et à bout de ses forces. Bush parle d’ennemi qui ne respecte aucune convention ou moralité, alors que ce sont les Etats-Unis qui ont piétiné toutes les conventions et les légalités internationales avant pendant et après l’invasion. Comme on l’a bien vu au début de cet article et aussi dans les trois parties précédentes de cette série sur la Guerre contre le Terrorisme de Bush, il faut être ou bien réellement stupide, ou prendre le monde entier comme un monde peuplé d’idiots, pour exiger le respect des conventions de guerre ou de moralité quelconque, alors que toutes les organisations internationales y compris celles américaines condamnent sans palliatifs l’Administration Bush pour toutes les atrocités commises sur les détenus ou les prisonniers de guerre. Abou Ghraib, Guantanamo, Al Tora en Egypte, El Khobar en Jordanie et tous les autres lieux de détentions les plus mystérieux parsemés sur les quatre coins de la planète y compris sur des bâtiments de guerre américains ancrés dans les larges des mers et hors de tout contrôle juridique local, national ou international et où sont torturés dans une totale impunité au noir secret des milliers de personnes qu’aucune autorité morale, juridique ou de n’importe quelle nature n’ait jamais autorisé ni à détenir ni – encore moins – à soumettre à des effroyables scènes de tortures dont on ne connaît jusqu’à présent que la pointe de l’Iceberg. Et rien que pour ce qui est déjà connu, les Etats-Unis de Bush, de Rumsfeld, de Rove ou de tous les autres acolytes peuvent sentir un certain orgueil ou l’infamie pour le palmarès d’anathèmes qui pleuvent de toutes parts sur ce pays comme sur aucun autre pays dans l’histoire du monde.

Bref quand le chef d’une puissance tient un langage pareil, ça ne laisse aucun doute sur son effondrement personnel d’abord, et, sur celui de la puissance qu’il est supposé diriger ensuite.

Il est vrai que pendant tous ces préparatifs de guerre qui ont précédé l’invasion le monde entier avait retenu son souffle. Les peuples arabes et musulmans avaient plus que peur. Pour certains – qui n’avaient pas d’ailleurs tout à fait tort – c’était la fin du monde. Déjà on avait vécu un avant goût dans la première guerre contre l’Irak en 1991 et ce qui allait venir sera sans commune mesure. Et il l’a été. Toutes les armes américaines ont été utilisées sans restriction et aussi sans pitié. Le nombre de bombes déversées sur l’Irak pendant les tout premiers jours a dépassé de loin toutes les bombes lancées de part et d’autre durant toute la seconde guerre mondiale. Depuis qu’ils ont détruit l’Irak, ni le général Shwarskopf, ni le général Tomy Frank, ne se sont plus montrés en public. Dieu seul sait ce qu’ils peuvent avoir sur leur conscience en supposant qu’ils en ont une. Les bombes de tout tonnage ont été utilisées y compris les minis bombes atomiques. Il ne reste apparemment dans l’arsenal de Bush que les bombes atomiques de gros calibres qui peuvent emporter la planète entière. Et c’est vrai. Mais pour les raisons plus qu’évidentes, ni Bush ni aucun autre président américain ne serait capable de prendre une telle décision, celle de se servir de ces bombes-là. Aujourd’hui et selon une dépêche diffusée par Al Jazeera en date du 02/07/05, le Congrès américain vient d’autoriser la production des bombes atomiques spéciales, destinées surtout à détruire des refuges sous –terrains fortifiés, alors que justement les américains continuent à interdire aux autres peuples de construire des centrales atomiques pour se servir justement de l’énergie atomique à des fins pacifiques, ce qui est le droit de tous les peuples. Cette décision du Congrès américain va autoriser les laboratoires américains de s’adonner aux recherches impertinentes tout en recevant des sommes colossales.

Deux ans après le déluge d’enfer déversé sur l’Irak, les américains ne font plus peur. Ils ont eux-mêmes peur…

A suivre.