Lotfi Hajji

Des organisations dédiées à la liberté d’expression appellent les autorités tunisiennes à mettre un terme au harcèlement de Lotfi Hajji, Président du Syndicat indépendant des journalistes tunisiens (SJT). Il a de nouveau été convoqué par la Police le 9 mai 2005, à nouveau sans raison apparente.

Dans les jours qui ont précédé et qui ont suivi la journée mondiale de la liberté de la presse (3 mai 2005), Lotfi Hajji a été convoqué par la Police à plusieurs reprises, brièvement détenu, s’est vu confisquer ses livres à l’aéroport de Tunis et a été menacé de poursuite en justice quand les autorités se sont rendues compte qu’il comptait rendre public le rapport de son syndicat sur la répression des médias en Tunisie.

Alexis Krikorian, directeur liberté de publier de l’Union Internationale des Editeurs (UIE), a déclaré : “Il est ironique de constater que les autorités tunisiennes ont sciemment fait le choix de célébrer la journée mondiale de la liberté de la presse de cette manière-là. Il est encore plus ironique de constater que pendant que se déploie le harcèlement de Hajji, les autorités maintiennent que les médias sont libres en Tunisie”. Il parlait au nom du groupe d’observation de la Tunisie (TMG), un ensemble regroupant 13 organisations non-gouvernementales nationales, régionales et internationales ayant pour but commun la défense et la promotion de la liberté d’expression (voir la liste complète à la fin du communiqué). Son organisation et d’autres membres du TMG, au sein de l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX), étaient à Tunis du 5 au 8 mai 2005 pour lancer la version arabe du rapport du TMG intitulé : “Tunisie : liberté d’expression assiégée” lors d’une rencontre marquant la journée mondiale de la liberté de la presse.

“Les autorités tunisiennes rejettent ce rapport catégoriquement”, a déclare Rohan Jayasekera d’Index on Censorship, un autre membre du TMG. “Elles maintiennent que l’expression est libre en Tunisie, alors que tout prouve le contraire”.

Le harcèlement contre Hajji a débuté le 25 avril dernier à l’aéroport de Tunis-Carthage lorsque 15 de ses livres, qu’il avait achetés à Marrakech où il était pour un séminaire régional sur la liberté de la presse, ont été confisqués par les autorités à son arrivée. Parmi les livres confisqués, on comptait un livre du philosophe marocain Mohamed Abed Al-Jabri et un livre de l’auteur français Rachid Benzine. Ces livres sont en vente libre au Maroc. Tous les livres, sauf un, ont depuis été rendus à Hajji. Le livre manquant est une collection des mémoires d’un ancien chef de la policie marocaine.

Il a ensuite été convoqué par la Police de Bizerte le 4 mai 2005. D’après l’un de ses collègues, la police lui aurait signifié que son syndicat ne disposait pas du statut légal lui permettant de publier un rapport sur les droits des médias. Il avait prévu de rendre public ce rapport auprès d’autres organisations en faveur de la liberté d’expression lors d’une réunion la journée mondiale de la liberté de la presse à Tunis le 6 mai 2005. Il a été relâché après 4 heures de détention. Il a par ailleurs été convoqué par la police le 7 mai 2005.

Le rapport du SJT, qui a été rendu public comme convenu, souligne que les médias tunisiens n’ont jamais été aussi muselés depuis que le Président Ben Ali a pris le pouvoir en 1987.

La création du SJT en mai 2004 n’a pas été bien acceuillie par les autorités. Hajji est un ancien collaborateur de l’hebdomadaire “Réalités”. Il est connu pour l’indépendance de ses vues. Son accréditation en tant que correspondant local d’Al-Jazzera, la chaine toute info basée au Quatar, lui a par ailleurs également été refusée en 2004. Al-Jazeera est autorisée dans l’ensemble du monde arabe, à l’exception de la Tunisie, de l’Iraq et de l’Arabie Saoudite. Il a été convoqué par la Police le 7 mai 2005. Une autre convocation est venue deux jours plus tard.

L’interrogatoire du 9 mai a duré près de 3 heures d’après Hajji. On lui a à nouveau dit que le SJT était illégal. On lui a fermement conseillé de ne plus diffuser de communiqués de presse ou de rapports au nom du syndicate. On l’a par ailleurs informé qu’il sera peut-être à nouveau convoqué à l’avenir pour un autre interrogatoire.

La police lui a de plus demandé la liste des 160 membres du syndicate, mais il a refusé. Hajji a répondu au chef de la police que le syndicate était légal et que la loi autorise les Tunisiens à établir des syndicats sans autorisation préalable des autorités. Il a également déploré que les problèmes professionels soulevés par le SJT dans son dernier rapport entrainent des convocations plutôt qu’un dialogue constructif avec le gourvernment sur la protection des journalistes et sur la liberté de la presse et d’expression.

Alors qu’Hajji a été contraint de se présenter à la police le 9 mai 2005, à nouveau sans raison apparente, il est à craindre qu’il ne soit accusé et jugé par un système judiciaire dont on sait qu’il n’est pas indépendant du pouvoir exécutif. Les avocats Mohammed Abbou et Faouzi Moural ont d’ailleurs été récemment incarcérés suite à leur critique publique du gouvernement.

Le groupe d’observation de la Tunisie demande solennellement à la communauté internationale, en particulier ses représentants présents à Tunis, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour qu’Hajji soit traité avec équité et pour mettre un terme au harcélement qu’il est en train de subir.

Les membres du groupe d’observation de la Tunisie sont :

ARTICLE 19, Royaume-Uni

Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE)

Centre for Human Rights and Democratic Studies (CEHURDES), Népal

L’Organisation égyptienne des droits de l’homme (EOHR)

Index on Censorship, Royaume-Uni

L’Union internationale des éditeurs (UIE), Suisse

Journalistes en danger (JED), République démocratique du Congo

Media Institute of Southern Africa (MISA), Namibie

Le centre PEN norvégien

Comité des écrivains en prison du PEN international (WiPC), Royaume-Uni

L’Association mondiale des journaux (AMJ), France

World Press Freedom Committee (WPFC), États-Unis

L’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC)

Source : IFEX