Alors que l’Union européenne vient de signer avec la Tunisie un « partenariat stratégique global »[1] et cherche à l’inciter à accueillir les réfugié.e.s renvoyé.e.s par l’Europe, en échange de la somme de 250 millions d’euros et d’un soutien financier de 900 millions d’euros,[2] le pays traverse une crise socio-économique exacerbée par une montée des violences contre les Africain.e.s noir.e.s présent.e.s sur son territoire, notamment dans la ville de Sfax.[3]
En effet, depuis le 3 juillet dernier, et suite à l’assassinat d’un Tunisien par trois ressortissants présumés d’origine camerounaise, la Tunisie connaît un déferlement de violence contre les Africain.e.s noir.e.s. Actes xénophobes, agissements racistes, discours haineux et différentes formes d’agressions mettent en péril l’intégrité physique et morale des expatrié.e.s subsaharien.ne.s. À ce sujet, les médias, les ONG et autres acteur.e.s de la société civile, ainsi que des citoyen.ne.s tunisien.ne.s s’exprimant via les réseaux sociaux, tirent la sonnette d’alarme quant à une véritable violation des droits humains. Ont été documentés : des expulsions de familles entières ˗ dont des femmes enceintes et des enfants ˗ de leurs domiciles, des interpellations, refoulements et arrestations arbitraires, des agressions physiques et verbales, des vols d’effets personnels et de documents d’identité, des attaques directes et virtuelles sur les réseaux sociaux et jusqu’à des déportations de centaines de personnes ˗ dont certaines avec une situation en règle ou des demandeur.se.s d’asile ˗ vers les frontières tuniso-libyennes désertiques sans aucune forme d’assistance, à une période de l’année particulièrement éprouvante en raison des chaleurs torrides et des pénuries d’eau.[4]
Plusieurs communiqués, tribunes et pétitions ont été signés par nombre d’organisations, d’intellectuels, d’activistes et d’acteur.e.s de la société civile dans les médias internationaux afin de dénoncer cette situation insoutenable.[5] Des collectes de fonds ont été lancées pour venir en aide aux victimes de ces évènements.[6] Nous rejoignons toutes ces prises de paroles et tenons à manifester notre plein soutien et notre solidarité envers les cibles de ces agissements.
En tant que chercheur.e.s et citoyen.ne.s provenant de Tunisie, d’Allemagne et de France, nous nous engageons pour une Méditerranée qui corresponde à un espace d’échange, de libre circulation et de diversité. A la place de cela, la politique migratoire européenne transforme les pays du sud de la Méditerranée, et notamment la Tunisie, en gardes-frontières, tout en favorisant l’exode des cerveaux vers l’Europe, à un moment où le pays a besoin de ses compétences pour faire face aux différentes crises qu’il connaît.
L’intention d’expulser des personnes et familles vulnérables dans un pays tiers, contre leur gré, est inadmissible en soi. Les expulser en Tunisie à un moment où cette dernière traverse des difficultés importantes sur tous les fronts met en péril l’un des derniers pays stables dans la région. N’est-ce pas notre but d’atténuer les effets de cette crise et de travailler à ce que personne ne soit plus dans l’obligation d’émigrer ? À ce que la circulation devienne un choix au lieu d’une nécessité, dans un monde où les deux rives de la Méditerranée coopéreraient avec un souci d’égalité grâce à des conditions économiques et sociales plus équitables ? Dans ce cas, l’Union Européenne doit veiller à mieux soutenir la stabilité de la société tunisienne et à envisager des coopérations effectives et pérennes, dans l’intérêt à la fois de la Tunisie et de l’Union européenne.
Signée par les membres suivant.e.s du projet de recherche trinational de l’OFAJ.
Transmed: Penser la Méditerranée ensemble – transmediterrane Jugendpolitik
- Nour Bchini (Université de la Manouba)
- Baraa Ben Dhif (Université Mahmoud el Materi//Labo’ Démocratique)
- Ichrak Ben Hammouda (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle & Université de la Manouba)
- Anna Damon (Aix-Marseille Université)
- Azyza Deiab (Universität des Saarlandes)
- Karima Dirèche-Slimani (Aix-Marseille Université)
- Nicole Fischer (Universität des Saarlandes & Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)
- Farah Hached (Université Mahmoud el Materi//Labo’ Démocratique)
- Louna Hassaini (Aix-Marseille Université)
- Franck Hofmann (Universität des Saarlandes)
- Fatma Pia Hotait (Universität des Saarlandes)
- Mélina Joyeux (Aix-Marseille Université)
- Mario Laarmann (Universität des Saarlandes)
- Mariem Maarfi (Université de la Manouba)
- Fabian Meinel (Centre Franco-Allemand de Provence)
- Ines Mejri (Université Mahmoud el Materi//Labo’ Démocratique)
- Markus Messling (Universität des Saarlandes)
- Freddy Ndi (Universität des Saarlandes)
- Line Perrin (Universität des Saarlandes)
- Sihem Sidaoui (Université de la Manouba)
- Julian Wendlinger (Universität des Saarlandes)
[1] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_23_3887
[2] https://www.sueddeutsche.de/politik/migration-asylpolitik-tunesien-eu-1.5920593
[3] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/06/en-tunisie-des-subsahariens-expulses-de-sfax-vers-le-desert_6180768_3212.html
[4] https://www.hrw.org/news/2023/07/06/tunisia-crisis-black-africans-expelled-libya-border
[5] https://www.albawsala.com/en/publications/releases/20235755
[6] https://gofund.me/d95a4bf2
[7] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_23_3887
[8] https://www.sueddeutsche.de/politik/migration-asylpolitik-tunesien-eu-1.5920593
[9] https://www.sueddeutsche.de/politik/migranten-afrika-tunesien-sfax-gewalt-1.6012977?reduced=true
[10] https://www.hrw.org/news/2023/07/06/tunisia-crisis-black-africans-expelled-libya-border
[11] https://www.albawsala.com/en/publications/releases/20235755
[12] https://cha9a9a.tn/fund/detail/be-human-387769
[13] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_23_3887
[14] https://www.sueddeutsche.de/politik/migration-asylpolitik-tunesien-eu-1.5920593
[15] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/06/en-tunisie-des-subsahariens-expulses-de-sfax-vers-le-desert_6180768_3212.html
[16] https://www.hrw.org/news/2023/07/06/tunisia-crisis-black-africans-expelled-libya-border
[17] https://www.albawsala.com/en/publications/releases/20235755
Une lettre ouverte à saluer. Mais elle aurait eu plus de poids et de valeur en évoquant la solution aux drames dénoncés : substituer au visa actuel le visa de circulation, parfaitement respectueux des réquisits sécuritaires et du droit à circuler librement.
C’est la seule sortie digne pour tous de la tragique impasse actuelle !
Et il s’agit de l’appel récurrent, tenu depuis si longtemps, d’un diplomate de carrière respectueux des lettres de noblesse du métier, avisé de ses arcanes et en rupture avec une diplomatie ayant mué en pratique politicienne.
Ce qu’illustrent ses publications nombreuses, dont des chroniques sur Nawaat même au lendemain du 14 janvier 2011 tunisien.
Bonjour.
J’ai déposé un commentaire sur la tribune le 3 août. Or, à ce jour, je ne le vois pas ? Un bug ou une censure dont je ne comprendrais pas alors la raison. Merci d’éclairer ma lanterne !
Un ancien de ce que fut Nawaat à ses débuts.