On avait vraiment pensé que les choses avaient changé en Tunisie après la Révolution du 14 janvier 2011 quant au rapport du Tunisien à son compatriote. Mais nous voila ébahis, choqués, devant ce qu’on lit quotidiennement sur les pages de facebook, ce réseau social et moyen de communication salué par tous, vu le rôle qu’il avait joué avant la Révolution, au cours des événements et après.
Ce qui est choquant aujourd’hui et très déconcertant, c’est que quand on va sur facebook pour suivre n’importe quel débat sur ce qui se passe dans le pays, on lit des propos, pour le moins moqueurs et haineux, qui relèvent d’une attitude hautaine. On se demande pourquoi les choses en arrivent jusque là ? Pourquoi cet espace de dialogue devient-il un terrain de conflit et d’insultes entre personnes qui se cachent pour la plupart derrière des pseudonymes et des profils ? Pourquoi le débat prend-il cette tournure ?
On est malheureusement face à une terminologie d’arrogance, de discrimination, de supériorité (évidemment non fondée). On ne peut qu’être consterné par ce qu’on lit, et on commence vraiment à se poser de sérieuses questions : A-t-on fait une Révolution qui va probablement changer la face du monde, pour la réduire, nous réduire à ce genre de « discussions » ? Ce serait vraiment triste.
D’une page à l’autre et d’un sujet à l’autre, les uns et les autres se traitent de mécréants (kafer, molhed), de traître (khayin), d’ignorant et ignare (jahel), d’arriérés (jboura), ceux qui sont originaires des « coins perdus et oubliés » (jmaat wra el blayek), et la liste est longue. Bref, un champ lexical lamentable. On est qui pour donner ces appellations ? Et ceux qui sont ainsi décrits, ils le sont par rapport à qui ? Selon quels critères ? Comment a-t-on évalué les choses ? De quel angle juge-t-on ? Qui est le porte-parole de la Vérité absolue ? Et par dessus tout, où est le respect « minimum » que chacun se doit de respecter ?!
D’abord, cela ne peut que relever d’un manque de maturité et montre que c’est loin d’être à la hauteur une Révolution comme la nôtre.
Quand on insulte l’Autre en faisant référence à des difficultés sociales et économiques, cela est-il une force, cela montre t-il qu’on est meilleur comme on veut le montrer ? On ne le pense pas. Car tout simplement, on ne choisit pas forcément sa situation sociale, ni économique d’ailleurs. Selon quels critères peut-on se permettre de mépriser les autres ? On est qui pour les mépriser, au nom de quoi, par rapport à quoi ? La seule et unique réponse, aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est peut-être parce qu’ils ont subi l’injustice de deux politiques successives qui les a ignorés, discriminés, méprisés !! Mis à part une histoire d’oubli et de mise à l’écart, on ne peut rien leur reprocher : ils ont défendu leurs pays contre le colonisateur, ils ont travaillé, ils ont étudié, ils ont surmonté les difficultés : pauvreté, éloignement géographique, l’arrogance de certains, (le fameux terme nozouh), les moqueries quant au dialecte et surtout au « ga » des « jboura » comme disent certains !!
A ceux là, il faudrait juste rappeler que pour « se permettre » de se moquer des autres, il faut leur donner les mêmes chances, les mêmes opportunités, les mêmes conditions d’étude, de travail et de divertissement et les « juger » par la suite, puisqu’on tient toujours à juger l’autre et à faire des comparaisons !!
Nous avons tous vu après la Révolution des reportages et des émissions sur des villages en Tunisie, qui ont montré un courage, un optimisme, une résistance aux problèmes de toute nature des habitants, toutes tranches d’âge confondues, et des fois mêmes, une joie de vivre malgré tout, qui ne peuvent être que respectés et salués.
Quand toutes les télévisions et les médias du monde ont montré la grand-mère du président Obama devant sa petite maison en Afrique, cela n’a pas changé grand-chose quant à l’image et au parcours de l’homme. Nous n’avons pas entendu des Américains l’insulter parce que sa grand-mère est originaire de ce petit village. Les critique qu’on lui avait fait étaient liés à d’autres questions, les réserves émises des uns et des autres avaient un rapport avec toute une réalité historique aux Etats-Unis, et non pas avec une question de provenance ou de milieu dans sa dimension sociale et économique. On a surtout vu les mérites de l’homme, tout simplement et ce qu’il est capable de faire pour le pays.
Alors, pour une fois, admirons les Américains, malgré tous les reproches qu’on peut leur faire. Dépassons ces discours, discutons avec maturité, débarrassons-nous de toutes les sensibilités régionales, intellectuelles, dialectales, construisons un débat rationnel, ne nous laissons pas emporter par des divisions qui n’ont pas lieu d’être et qui n’ont de place que dans la tête de certains (et heureusement d’ailleurs). Bref, cessons de faire ce qui nous tire vers le bas !
Rim Khouni Messaoud… bienvenue dans l’enceinte democratique. La liberte d’expression montre que le pays est sain et que les gens sont libres. C’est la Revolution Tunisienne qui a enfante les “Tunisiens sur facebook”. Les insultes ou les avis contraires a ce que tu crois sont permis maintenant et grace a la Revolution. Le mutisme des Tunisiens est revolu… la Tunisie a retrouve sa “langue”.
La diversite d’opinions (et les insultes bien sur) permettra a la Tunisie d’aller en avant.
La pensee unique a migre vers…l’Arabie Saoudite.
quel culot!
“ma thamma kan illsan ittouil wi ro93a isshiha” (:la Tunisie a retrouve sa “langue”.)yezzikom mirri9 il bared kan dfintom roua7kom 5ir
Vous vous êtes reconnu dans le portrait dressé par Rim? :)
Ce sont les insultes qui permettront à la Tunisie d’aller de l’avant.
LOL
Nous les Français , on aime la Tunisie et son peuple ! On peu critiquer c’est si facile … En France Aussi il y a de quoi se moquer croyez moi ! Facebook peut servir à connaitre beaucoup de gens mais il est important de mettre des barrières devant des personnages dont l’identité n’est pas garantie …
Merci beaucoup Rim pour ton sujet trés sensible et trés touchant, je suis tout à fait d’accord avec toi, les tunisiens ont besoins d’une bonne cure de conscientisation pour tenter d’accéder à un niveau d’évolution qui puissent nous prendre par les mains et nous placer au rang des nations développés, mais je ne crois pas que tout le monde, du moins dans ce forum, a saisi un peu l’étendue de ce que tu dis, c’est pour cela que certains montent tout de suite sur leurs grands chevaux pour défendre leurs handicaps avec toutes leurs forces. Je te demande de continuer à faire ce que tu fait quand tu peux, et merci encore.
Vous comparez l’incomparable:les americains et les tunisiens..hihihi
C’est un moment chaotique ou chacun se cherche et cherche une image sur qui il peut se projeter. Cette cassure avec le passé laisse le tunisien primitif, tout neuf avec des instincts primaires. Tout est à refaire et à modeler, il nous faut juste de bons maitres.
Internet et Fb rendent les gens anonymes, il n’y a qu’à voir les profils qui sont rarement des photos des personnes. Dc cela devient facilement un espace pour se défouler. Puis, les Tunisiens pour la plupart n’ont pas appris à dialoguer, à argumenter, à raisonner. Ils manquent singulièrement de modestie et de subtilité et n’acceptent pas pour la plupart de dépasser l’horizon de leur pseudo identité culturelle. Pas tous bien sûr! Pas moi donc^^ Enfin, il y a pire c’est sûr mais il faut du temps pour parvenir à cet esprit démocratique qui nous fait défaut. Soyons patients et travaillons avec modestie!
Concernant le langage ordurier, il y a un important paramètre duquel il faut tenir compte dans l’analyse que cet article essaie de faire. Il s’agit des tranches d’âge.
Préambule: nous savons par expérience que juste après l’adolescence, nous développons en Tunisie un langage ordurier; ce que l’on appelle ‘sfaha’ ou il y a quelques décennies ‘al-ghach’. La sfaha est proprement le langage ordurier qui a recours à deux sources de vocabulaire: le sexe et la religion.
Un exemple d’injure sexuelle très courante en Tunisie est le fameux: ‘barra n…k’; et un exemple d’injure tirant du registre religieux est: ‘yalaan din …’ (généralement prononcé ‘naan’ ou ynaan…)
Al-ghach est un ensemble de pièges qui utilise le double sens. Elle n’est plus très utilisée aujourd’hui, du moins pas autant que dans les années 70 et 80 du siècle dernier. Par exemple, on pose une question à quelqu’un: ‘kaddach dkhalek?’ combien d’entrées? L’interlocuteur comprend la question au premier degré et répond par un chiffre. Celui qui a posé la question éclate de rire, parce qu’il pense avoir entourloupé son vis-à-vis; l’intention derrière sa question est: ‘combien en as-tu pris dans le c.?’
Un troisième genre d’insulte, plus sournois et lâche, est celui relatif aux expressions méprisantes qui dénotent généralement le dédain envers les personnes d’origine rurale, provenant de certaines régions ou alors de classe sociale différente. Dans ce registre, nous avons:
1- les régionalismes
2- le mépris envers les classes sociales les plus humbles ou les plus aisées
Dans les régionalismes, la liste est assez longue: sta (pour Sfaxien), yhoudi (pour Jerbien) KGB (pour les gens du Nord-Ouest, Kef, Gendouba, Beja), Nouzouh (pour l’exode rural), sixe (pour les nouveaux arrivés), et ainsi de suite…
Dans les antagonismes entre classes différentes: goor et jabri (ceux qui manquent de civisme, généralement envers les ruraux), beau-matin (riches et niais), mkalleh (sans-le-sou), etc.
Si nous analysons, comme je le suggérais au début les tranches d’âge des utilisateurs de ce lexique, Nous verrons que l’écrasante majorité est constituée des 15-20 ans. C’est l’âge où nos jeunes sont peu enclins vers la droiture, le respect… révoltés et voulant affirmer leurs personnalités à travers la différence, ils font de tout pour apparaitre ou en argot pour rester dans le thème: Yfachlmou, yhayybou, ybalaatou.
Je voudrais alors avancer deux opinions:
1/ D’abord, nous n’avons pas à nous alerter outre mesure, même si nous devons être vigilants. Par exemple, si nous comparons le langage tunisien au langage des autres pays arabes, nous sommes probablement en tête de liste dans l’usage des termes orduriers ayant recours au registre sexuel et religieux. je pense que c’est un phénomème qui se développe chez notre jeunesse et qui disparait graduellement plus tard
2/ Il faudrait que les programmes scolaires et universitaires incluent des textes, des thèmes, des sujets qui encouragent la cohésion nationale et luttent contre les régionalismes, le mépris. Il faudrait passer à notre jeunesse le message suivant: toutes les régions de Tunisie, toutes les classes sociales ont du mérite; Bouazizi Allah yahmou était de Sidi-Bou-Zid, plusieurs grands hommes et grandes femmes tunisiennes ne provenaient pas des grandes villes, plusieurs sont d’origine rurale, des régions internes (Chabbi…). Enfin, la Révolution a aussi éclaté parce que les régions internes étaient marginalisées
Le tunisien est dans l’affirmatif lorsqu’il prend la parole.le manque de doute en soi mène souvent à la bétise.L’esprit rationnel est une éducation et un enseignement.Tout un programme national est à élaborer pour l’enseignement des civilités dans la vie quotidienne.La famille,l’école,les médias sont les institutions qui peuvent jouer un grand role dans ce domaine.Le travail est de longue haleine,mais il n’est pas impossible.Les nations développées utilisent davantage les capacités cognitives de leur population.nous devons en faire autant.
Grace a facebook et Wikileeks aider la REVOLTION
contre les TV du BANDIR
Oui Rim, le ton et le langue des débats sont décevants, et nous aurions tous aimé voir les Tunisiens plus unis pour bâtir les fondements d’une démocratie stable et libérale avant de passer à la politique des partis et idéologies. C’est pas le cas et nous devons faire avec.
Il faut se rappeler que, en plus du très bon exposé d’Abou Hakim, les 54 dernières nous avons eu des gouvernements et des régents qui n’ont pas vraiment cherché à nous éduquer dans l’art de l’analyse et des pensées indépendantes et critiques mais à regurgiter des âneries. On se retrouve donc aujourd’hui dans un climat de “débat” où la plupart des commentaires sont, non seulement moche dans le contenant (le language “wassaban”), mais complètement vides dans le contenu.
Ceci dit, l’Internet et les débats/commentaires dans les forums semble toujours attirer les plus extrêmes et les plus fous dans tous les pays, et pas seulement la Tunisie. Cela se tient probablement à un mélange de l’anonymat et du type de personnalités qui se sent obligé de commenter en ligne et de partager ses frustrations/idées etc.
Les Etats Unis sont un bon exemple de cet extremisme dans le débat. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre des Etats Unis, leur liberté de la presse et d’opinion, leur attitude de “can do” dans le buusiness et l’innovation (scientifique aussi), ainsi que leur Histoire de brassage d’origines et leur faculté à accepter toutes ces origines. Par contre, les 15 dernières années le climat de débat général est beaucoup plus extreme et polarisé qu’à aucun moment de leur histoire.
l’Internet y est pour quelque chose aussi, puisqu’il facilite le filtrage de ce que nous trouvons incommode. Donc de plus en plus, les Américains ne lisent que les articles et les analyses avec lesquels ils sont déjà d’accord et choisissent de plus en plus de ne pas débattre ceux avec qui ils ne sont pas d’accord. Le résultat est une atmosphère d’enchères des extrêmes qui ne mène à rien de bien pour la société ( voir la campagne “be reasonable” de Jon Stewart http://www.rallytorestoresanity.com/)
Il ne s agit pas de Facebook seulement; j’ai été obligée d intervenir pour calmer les ardeurs irrespectueuses et électrisées d insultes lors d échanges qui ont eu lieu sur le site de Nawaat en janvier 2011.
Nous devons certes nous comporter en tant que citoyen responsable et courtois mais les sites modérateurs doivent également imposer des règles de bonnes conduites comme il en existe déjà afin de citer les dérives et engager un dialogue constructif.
la problématique est bien identifiée : c’est l’agressivité mentale … le rejet de l’autre. il faut penser aux solution. comment changer ces mentalités. ça demande beaucoup de travail et à long terme. c’est le rôle des associations, des média, des enseignants. plutôt cet objectif doit être intégré dans la politique de l’enseignement; du ministère de la culture et celle des affaire sociales. c’est un phénomène sociale très dangereux qui demande des diagnostiques et des études et une stratégie nationale pour en se debarrasser.
c’est essentiellement problèmes de communication entres les jeunes et leurs entourages; du au système éducatif soit au seins de leurs familles ou ailleurs.